Environnement - Le Sénat dit non aux produits phytosanitaires
A une très large majorité, le Sénat a adopté le 19 novembre dans la soirée la proposition de loi du groupe écologiste visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national. 192 sénateurs, essentiellement de gauche, ont voté pour ce texte, quatre s'y sont opposés, et les autres n'ont pas pris part au vote. "L'UMP s'abstiendra en raison des risques juridiques que présente le texte, même si à titre personnel je suis tout à fait en phase avec l'objectif poursuivi", a expliqué pour son groupe Sophie Primas, sénatrice des Yvelines. Une partie du groupe RDSE s'est également abstenue.
La proposition de loi, qui compte quatre articles, a pour objet de "mettre en pratique les recommandations issues des travaux menés en 2012 par la mission commune d'information portant sur les pesticides et leur impact sur la santé et l'environnement".
L'article 1er interdit, à partir du 1er janvier 2020, aux personnes publiques - Etat (parcs nationaux), régions (parcs naturels régionaux…), communes, départements, groupements - ainsi qu'aux établissements publics propriétaires d'un domaine public ou privé, d'utiliser, ou de faire utiliser, des produits phytopharmaceutiques, à l'exception des préparations naturelles peu préoccupantes, pour l'entretien des espaces verts, de forêts et de promenades.
L'article 2 dispose que la mise sur le marché, la délivrance, l'utilisation et la détention des produits phytopharmaceutiques à usage non professionnel sont interdites, à compter du 1er janvier 2022.
L'article 3 demande au gouvernement de produire un rapport sur le développement de l'utilisation des produits de biocontrôle et à faible risque mentionnés aux articles 1 et 2, sur les leviers qui y concourent ainsi que sur les recherches menées dans ce domaine avant le 31 décembre 2014.
L'article 4 précise les dates d'entrée en vigueur des dispositions des deux premiers articles.
Des amendements de précision
Le groupe socialiste a déposé six amendements qui ont tous été adoptés. Dans l'un de ses six amendements, le sénateur du Bas-Rhin Roland Ries a proposé d'ajouter, à l'article 1er, qu'il était interdit non seulement d'utiliser mais de "faire utiliser" les produits phytosanitaires, afin de préciser que "les personnes publiques ne pourront pas faire appliquer les produits phytopharmaceutiques par des professionnels tiers".
Un autre amendement adopté à l'article 1er "exclut du champ d'application de l'article, outre les produits de bio-contrôle, les substances à faible risque au sens du règlement (CE) 1107/2009 et les produits autorisés dans le cadre de l'agriculture biologique, afin d'encourager le développement de tous les produits alternatifs", a justifié Roland Ries.
Alors que l'article 1er prévoit une exemption à l'interdiction d'usage des produits phytosanitaires dans le cadre de la lutte obligatoire contre les organismes nuisibles visés à l'article L. 251-3 du Code rural, un autre amendement précise que cette exemption ne vaut pas seulement pour la "prévention de la propagation" mais qu'il s'agira également d'autoriser le recours à ces produits pour "l'éradication" des espèces nuisibles.
Les leviers et les freins au développement des produits à faible risque
"Dans un souci de lisibilité", Roland Ries a soumis un amendement à l'article 2 visant "à repositionner l'exception dont font l'objet certains produits phytopharmaceutiques dans un nouveau paragraphe IV à l'article L. 253-7 du Code rural et de la pêche maritime". "En outre, il exclut les produits de bio-contrôle, les produits autorisés en agriculture biologique et les substances à faible risque visées par le règlement (CE) 1107/2009 de l'interdiction visée par le présent article." Un autre amendement à ce même article précise que l'interdiction d'usage des produits phytosanitaires ne s'appliquera pas aux mesures d'éradication des organismes nuisibles visés à l'article L. 251-3 du Code rural.
Enfin, un dernier amendement modifie la rédaction de l'article 3 qui prévoyait initialement la remise d'un rapport au Parlement sur les freins au développement de la fabrication et de la commercialisation des substances à faible risque. Les auteurs de l'amendement ont jugé "opportun d'élargir son champ afin qu'il aborde également l'état du développement actuel de ces produits et les leviers qui y concourent, ainsi que les recherches menées dans ce domaine". Dans sa nouvelle rédaction, l'article stipule qu'"avant le 31 décembre 2014, le gouvernement dépose sur le bureau du Parlement un rapport sur le développement de l'utilisation des produits de biocontrôle et à faible risque mentionnés aux articles 1 et 2, sur les leviers qui y concourent ainsi que sur les recherches menées dans ce domaine. Ce rapport indique les freins juridiques et économiques au développement de ces produits et plus largement à celui de la lutte intégrée telle que définie à l'article 3 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable."
L'auteur de la proposition de loi, le sénateur écologiste du Morbihan Joël Labbé, a annoncé que le texte serait présenté en janvier à l'Assemblée nationale à l'occasion d'une niche écologiste, afin qu'il soit adopté définitivement avant les municipales. "Il nous reste maintenant à récupérer et à traiter les stocks de produits existants", a conclu le ministre de l'Ecologie Philippe Martin.