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Le Sénat adopte une proposition de loi pour réformer le régime des catastrophes naturelles

Le Sénat a adopté en première lecture ce 15 janvier une proposition de loi PS visant à réformer le régime des catastrophes naturelles. Ce texte reprend plusieurs recommandations du rapport de la mission d’information relative à la gestion des risques et à l’évolution des régimes d’indemnisation pour améliorer les réponses à apporter aux sinistrés et aux communes concernés.

Dans le cadre de l'ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain, le Sénat a adopté ce 15 janvier à l'unanimité moins une abstention une proposition de loi visant à réformer le régime des catastrophes naturelles ("CatNat"). Présenté par Nicole Bonnefoy, ce texte reprend les principales recommandations de la mission d’information relative à la gestion des risques et à l’évolution des régimes d’indemnisation dont la sénatrice de Charente était rapporteure (lire notre article). Face à des phénomènes naturels extrêmes qui se multiplient (inondations, vagues de chaleur, sécheresse, tempêtes, orages de grêle…), l'objectif de la proposition de loi est d'apporter des réponses concrètes et rapides aux sinistrés, aux communes et aux maires.
La discussion en séance a porté sur la version initiale du texte car la commission des finances, saisie au fond sur les trois premiers articles - réforme du fonctionnement du fonds de prévention des risques naturels majeurs ("Fonds Barnier"), renforcement des droits des assurés et du montant des indemnisations dont ils bénéficient, prévention des dommages en diminuant le reste à charge des particuliers – a rejeté la proposition de loi le 8 janvier. Outre le coût de ces dispositions pour les finances publiques, elle a surtout estimé que d’autres solutions permettraient de renforcer l'efficacité des dépenses de prévention.

Régime jugé "inadapté"

Lors de la discussion générale en séance, Nicole Bonnefoy a mis en avant l'urgence à agir. "Face à l'accroissement prévisible du nombre de sinistrés, le régime CatNat actuel nous est apparu inadapté : il est injuste et illisible pour nos concitoyens. La procédure est jugée opaque, les délais d'instruction trop lents : les griefs sont légion, a-t-elle commenté. Les décisions de non-reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sont souvent jugées illégitimes. Les sinistrés se lancent dans des parcours du combattant, souvent en vain. Les victimes de la sécheresse sont les plus maltraitées car la cause est plus difficile à établir en raison du délai des conséquences. Elles ont un vif sentiment d'injustice. Certains travaux de réparation aggravent même la vulnérabilité des habitations." Il est donc indispensable selon elle d'engager "une modernisation durable du système d'indemnisation des dommages assurés" et d'"augmenter le montant des indemnités".

"Renforcer les pouvoirs des maires"

Au-delà d'une meilleure indemnisation des sinistrés, il s'agit aussi selon elle de "renforcer le pouvoir des maires, qui sont en première ligne lorsque survient une catastrophe naturelle". "Ils se trouvent souvent isolés, parfois même désemparés, quand ils doivent faire reconnaître l'état de catastrophe naturelle de leur commune, ou quand leur revient le devoir d'expliquer la situation à leurs administrés et de se faire le relais de décisions ministérielles parfois difficiles à comprendre et à entendre." Le texte propose donc de réformer la composition de la commission interministérielle chargée d'émettre un avis sur la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, d'allonger la durée pendant laquelle une demande de reconnaissance peut être formulée, de permettre aux maires de soumettre une deuxième demande de reconnaissance dans un délai de six mois, dès lors qu'ils produisent des données complémentaires, et de créer une cellule départementale pour les soutenir.

Plus d'incitation à la prévention

Au cours des débats, Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l'Économie et des Finances, a elle-même reconnu la nécessité d'une réforme du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles. "A l’horizon 2050, le coût des catastrophes naturelles pourrait augmenter de 50% du fait de l'augmentation de la fréquence et de la sévérité des événements, de l'élévation du niveau de la mer et de la concentration des populations dans les zones à risques". "La procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et d'indemnisation doit donc évoluer pour être plus simple, plus transparente, plus réactive et plus efficace", a-t-elle estimé. "Il nous semble également important que ce régime incite davantage à la prévention et contribue à établir une véritable culture de gestion des risques", a-t-elle ajouté. Tout en saluant le texte, elle a toutefois estimé que certaines mesures "pourraient être retravaillées", notamment sur la réforme du fonctionnement du fonds de prévention des risques naturels plus connu sous le nom de fonds Barnier prévue à l'article 1er de la proposition de loi.

Maintien du plafonnement du fonds Barnier

L’un des constats faits par la mission dont Nicole Bonnefoy était rapporteure est que ce fonds manque de  marges financières du fait du plafonnement de ses ressources et de "ponctions régulières sur sa trésorerie" réalisées chaque année par l'Etat, a insisté la sénatrice.  Mais Agnès Pannier-Runacher s'est opposée au  déplafonnement du fonds, soutenu par de nombreux sénateurs. La secrétaire d'Etat a rappelé que "le gouvernement a engagé une réflexion sur la mobilisation du fonds". Un amendement de la loi de finances 2020 a par ailleurs prolongé de cinq ans – jusqu'en 2024 – son intervention sur les opérations de démolition en outre-mer. En vertu d’un amendement adopté par le Sénat à l’article premier de la proposition de loi de Nicole Bonnefoy, la contribution du fonds Barnier "au financement de l’aide financière et des frais de démolition", définis à l’article 6 de la loi du 23 juin 2011 relatif aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne en outre-mer, n’est désormais plus plafonnée à 5 millions d’euros.

Régime de garantie obligatoire étendu aux orages de grêle

Concernant le régime "CatNat", les sénateurs ont modifié le texte en allongeant de 2 à 5 ans le délai de prescription dont disposent les assurés pour réclamer à leur assurance le règlement de l’indemnisation due en cas de dommages résultant de sécheresses. Ils ont en outre étendu le régime de la garantie obligatoire pour cause de tempêtes et catastrophes naturelles aux orages de grêle, en faisant valoir le fait que régulièrement, le mobilier urbain des communes est endommagé en raison de la grêle alors que de nombreuses collectivités locales ne sont pas couvertes pour ce risque.
A l'article 3 de la proposition de loi, qui vise à créer un crédit d'impôt pour la prévention des aléas climatiques, les sénateurs ont apporté deux modifications. L'une prévoit que ce crédit d’impôt pourra bénéficier aux propriétaires de biens d’habitation ou de biens utilisés dans le cadre d’activités de petites entreprises effectuant des études et travaux de prévention des risques naturels majeurs. L'autre propose de plafonner ce crédit d’impôt sur le modèle de ce qu’a prévu l’article 15 de la loi de finances pour 2020 s’agissant du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), afin d’en limiter le coût pour les finances publiques.

Deux élus locaux dans la commission interministérielle

A l'article 4, qui vise notamment à inscrire dans la loi l'existence de la commission interministérielle chargée d'émettre un avis sur le caractère de catastrophe naturelle, les sénateurs ont proposé d'intégrer dans la commission deux élus  locaux pouvant participer aux délibérations avec voix consultative. La proposition de loi vise aussi  à constituer, dans chaque département "une cellule de soutien à la gestion des catastrophes naturelles". Composées de personnalités qualifiées et d’élus locaux désignés sur proposition des associations d’élus du territoire concerné, ces cellules de soutien intégreront aussi  des représentants de l'Etat, selon un amendement voté en séance.