Inondations dans l'Aude : des leçons à tirer pour mieux façonner les politiques publiques
S’appuyant sur le retour d’expérience des inondations de la mi-octobre 2018 dans l’Aude, le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) livre dans un rapport, mis en ligne ce 16 octobre, ses préconisations pour améliorer à la fois la gestion locale et nationale des inondations.
Presque un an jour pour jour après les graves inondations dans l’Aude, qui ont causé le décès de 14 personnes et engendré des dégâts matériels colossaux, un rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) - réalisé conjointement avec l'inspection générale de l'administration (IGA) - tire les leçons de l’événement en matière de prévention des inondations. Un travail déjà amorcé à travers la publication, en août dernier, d’un guide méthodologique de réalisation de retours d'expérience, amplement nourri par l’épreuve des inondations meurtrières dans l’Aude et le Var. Parmi la quinzaine de recommandations de ce nouveau rapport, axé principalement sur le département de l’Aude, certaines ont vocation à avoir une portée régionale, voire nationale, notamment lorsqu'il s’agit de mettre en avant des bonnes pratiques exploitables par d’autres territoires dans des circonstances analogues. C’est en particulier le cas en droit de l’urbanisme et de la construction, mais aussi en matière de soutien et de capitalisation sur les retours d’expérience.
Construire dans l’arc méditerranéen
Malgré une connaissance ancienne, "la localisation et la survenue de tels épisodes méditerranéens ne peuvent pas être connus avec la même précision que pour des précipitations de plaines à crues lentes", relève le CGEDD. Une nouvelle méthode d’élaboration des zonages des plans de prévention du risque d’inondation (PPRI) est ainsi suggérée par la mission. Il s’agit de dépasser la "simple approche tournée vers le passé, au regard de la crue de référence", pour aborder une procédure spécifique "sur la base de modélisations et simulations d’épisodes méditerranéens types". A cet égard, la publication du futur décret "aléas/PPRI" pourrait également, selon le CGEDD, constituer "une opportunité pour engager un travail d'harmonisation des pratiques au sein de la zone de défense et de sécurité sud". Sous l’angle de la résilience, cela pose la question du type d’urbanisation possible en zone inondable, protégée ou non. Pour le CGEDD, "il ne faudrait pas en conclure à l’impossibilité de toute urbanisation, avec une règle stricte de non constructibilité en zone rouge". La mission considère en revanche "qu’il importe de lancer un large travail à la fois d’expertise et de concertation", en s’appuyant sur les expériences récentes dans l’arc méditerranéen (dont l’appel à projets "territoires en mutation exposés aux risques d’inondation") et le travail en cours dans l’Aude pour aboutir à un guide de l’urbanisation en zones inondables méditerranéennes.
Renforts d’effectifs
Avec l’érosion régulière des effectifs des préfectures, mais aussi des directions départementales interministérielles (DDI), c’est aussi la charge de travail des équipes locales pour faire face à la crise et en gérer les suites qui pose question. "(…) il est vraisemblable que les DDT [direction départementale des territoires] ne seront bientôt plus en capacité d’assurer le premier niveau de contrôle des dossiers" du fonds de solidarité en faveur des collectivités territoriales, illustre le rapport. Globalement, un dispositif de renforts ponctuels en effectifs fait défaut. "(…) si, lors d’une catastrophe, il est de pratique courante bien organisée de prévoir des colonnes de secours au titre de la sécurité civile, engageant par exemple des colonnes mobilisées par des Sdis d’autres départements, voire des forces armées, il n’existe aucun dispositif de renforts dans les domaines techniques pour venir accompagner le retour à la normale", pointe le CGEDD. Des régions sont porteuses d’initiatives inspirantes. En Paca (Provence-Alpes-Côte d’Azur), après les crues de juin 2010 à Draguignan (Var), un dispositif d’entraide entre les collectivités "gemapiennes" de la région s’est constitué pour établir la liste des dégâts observés, le niveau de priorité des interventions et les problématiques d’accès. Là encore, le CGEDD recommande d’engager la réflexion "en vue de constituer un dispositif national organisé, pouvant s’appuyer sur des initiatives régionales à susciter, des renforts ciblés en ressources humaines (dont d’expertise), techniques (par exemple via des accords de mobilisation d’urgence de l’IGN, du Cerema, de l’IRSTEA, etc.) et financières".
Relogement des sinistrés
D'autres points sont perfectibles, à l’exemple du fonds d’aide au relogement d’urgence (Faru), limité à une durée de six mois. Pour les propriétaires occupants se trouvant en attente d’une décision d’acquisition de leur bien par le fonds Barnier, ce délai "peut s’avérer court", souligne le rapport, qui propose "d’ouvrir la possibilité d’une prolongation exceptionnelle d’une deuxième période de six mois". La gestion du Faru (instruction et décision d’attribution) pourrait par ailleurs être déconcentrée totalement au préfet, suggère-t-il, les crédits nécessaires lui étant délégués à cet effet à partir des estimations réalisées localement. Un dernier sujet est également sur la table, celui des assurances (franchise, expertise, délais d’intervention, résiliation de contrats 3 mois après le sinistre ...). Le CGEDD ne possédant pas l’expertise permettant de traiter ces questions, "considère qu’une réflexion nationale sur ces différents points serait opportune". Le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, en déplacement à Villegailhenc et Trèbes (Aude) pour commémorer les inondations meurtrières, a notamment appelé la Fédération française de l'assurance à "tenir son engagement" de dispenser les sinistrés du paiement des franchises.