Droit à l'eau - Le Sénat adopte la proposition de loi en commission
La commission du développement durable du Sénat a donné son feu vert ce 15 février à la proposition de loi sur le droit à l'eau potable et à l'assainissement qui avait été adoptée en juin dernier à l'Assemblée nationale. Si le texte est voté conforme en séance le 22 février, il sera adopté définitivement.
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a adopté ce 15 février la proposition de loi visant à la mise en œuvre effective du droit à l'eau potable et à l'assainissement votée en première lecture à l'Assemblée nationale le 14 juin 2016. Le texte, examiné dans le cadre d'une niche réservée au groupe écologiste, a recueilli 15 voix pour (celles des élus socialistes, écologistes et communistes et d'un élu LR), 13 voix contre (élus LR) et 4 abstentions (UDI-UC). Un seul amendement avait été déposé par le groupe communiste pour rétablir une contribution additionnelle sur les eaux en bouteille qui avait fait l'objet d'âpres débats en séance au palais Bourbon mais il a finalement été retiré.
La proposition de loi sera examinée en séance mercredi 22 février. Si la majorité des sénateurs vote une version conforme à celle issue des travaux de l'Assemblée, le texte pourrait être définitivement adopté. Pour Ronan Dantec, sénateur écologiste de Loire-Atlantique et rapporteur de la proposition de loi, "il s'agit de rester dans une logique transcourants. La question du droit à l'eau doit passer le cap des clivages et des jeux politiciens".
Un droit consacré par les Nations unies
Défendu par de nombreuses associations au sein du collectif "Coalition eau" et par la fondation Danielle-Mitterrand, le texte, cosigné à l'origine par des députés de quatre groupes politiques différents à l'Assemblée, vise en effet à reconnaître dans la loi le droit à l'eau et à l'assainissement qui a été consacré au niveau international par une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies du 28 juillet 2010.
La proposition de loi prévoit aussi d'obliger les collectivités compétentes en matière d'eau et d'assainissement à installer et entretenir des équipements de distribution gratuite d'eau potable. Il prévoit également la mise à disposition gratuite de toilettes publiques dans les collectivités de plus de 3.500 habitants et de douches publiques dans celles de plus de 15.000 habitants. "Cette mesure vise à permettre aux personnes sans abri, dont le nombre est estimé à 100.000 en France, de satisfaire leurs besoins élémentaires d'alimentation et d'hygiène par la mise à disposition de points d'eau collectifs et de bains publics", a expliqué Ronan Dantec devant la commission. "Actuellement, la seule disposition législative qui existe pour garantir l'accès à l'eau des personnes sans domicile fixe ou vivant dans des habitats précaires concerne les gens du voyage (…). Il convient d'étendre cette obligation à l'ensemble des personnes sans abri."
Mais pour le rapporteur du texte, la mesure n'est pas aussi contraignante qu'il n'y paraît et ne devrait pas occasionner de dépense supplémentaire pour les collectivités car dans la plupart des cas, les installations existent déjà, notamment dans les bâtiments publics (mairies, centres sportifs…) et dans les locaux d'associations subventionnées. "Il s'agira uniquement pour elles de prévoir des horaires d'accès à ces équipements ainsi qu'une surveillance des locaux", a-t-il souligné.
Une "allocation forfaitaire d'eau"
Autre mesure prévue par la proposition de loi : la création d'une "allocation forfaitaire d'eau" ou "chèque eau", une aide préventive qui permettrait selon les défenseurs du texte, dont la fondation Danielle-Mitterrand de résoudre pour une large part la question des impayés. Cette aide vise les personnes dont les dépenses d'eau excèdent 3% de leurs revenus disponibles, soit environ 2 millions de personnes en France. Elle serait versée par les caisses d'allocations familiales aux personnes dont les ressources sont inférieures ou égales à celles du RSA "socle". Celles dont les ressources seraient comprises entre le montant forfaitaire du RSA "socle" et le plafond de ressources donnant droit à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) percevraient la moitié de l'allocation. En outre, pour tenir compte de la forte hétérogénéité du prix de l'eau sur le territoire, l'allocation ne serait attribuée qu'aux seules personnes payant l'eau à un prix supérieur à un niveau fixé par décret. Pour financer cette aide, dont le coût est estimé entre 50 et 60 millions d'euros, les députés avaient prévu d'instituer un fonds de solidarité du droit à l'eau au sein du fonds national d'aide au logement (Fnal), qui aurait été alimenté par la création d'une taxe additionnelle à la taxe existante sur les eaux en bouteille de 0,5 centime d'euro par litre d'eau embouteillée. Mais la création de cette surtaxe a été supprimée par un amendement du gouvernement. Il est donc simplement prévu de "flécher" directement le produit de l'actuelle contribution sur les eaux embouteillées au Fnal pour le financement de l'allocation forfaitaire d'eau.
Enfin, la proposition de loi prévoit que les maires et les présidents d'EPCI présentent un rapport sur les actions menées pour mettre en œuvre le droit d'accès à l'eau potable et à l'assainissement dans les trois ans suivant les élections municipales. Cette question devra également figurer dans les rapports annuels sur le prix et la qualité du service public d'eau potable présenté aux assemblées délibérantes. Le gouvernement devra aussi de son côté remettre un rapport triennal sur la mise en œuvre de ce droit.
"Ce texte entend donner un signal aux collectivités qui veulent engager des politiques dynamiques en ce sens tout en offrant des solutions opérationnelles sur la précarité", conclut Ronan Dantec.