Le rapport qui crée la surprise et propose de supprimer complètement le PTZ
Le rapport de mission (IGF / CGEDD) sur le prêt à taux zéro pour l'accession à la propriété rendu public ce 7 novembre signera-t-il la fin de ce dispositif ? Il minimise en tout cas l'intérêt du PTZ pour le secteur du logement et de la construction. De quoi conforter le gouvernement qui prévoit de ne pas prolonger le PTZ neuf dans les zones détendues. Mais le rapport suggère aussi l'abandon du PTZ dans les zones tendues.
Alors que le gouvernement semblait entrouvrir la porte à une éventuelle prorogation, au-delà du 1er janvier 2020, du PTZ dans le neuf (prêt à taux zéro pour l'accession à la propriété) dans les zones non tendues B2 et C (voir nos articles ci-dessous des 17 septembre et 24 octobre 2019), c'est peu dire que le rapport, rendu public ce jeudi 7 novembre, de l'Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) jette un froid. Non seulement, le rapport juge tout à fait inopportune une prolongation du PTZ neuf dans les zones détendues, mais il préconise aussi de ne pas renouveler le PTZ dans les zones tendues. Le gouvernement n'est certes pas tenu de suivre ce rapport. Mais Julien Denormandie et Jacqueline Gourault ne cessent, depuis des semaines, de se référer à ce futur rapport pour prendre leur décision sur le PTZ dans le neuf. Le maintien de ce dernier dans les zones détendues au-delà du 1er janvier 2020 semble donc assez compromis. Reste à savoir si, dans un acte II du quinquennat tourné vers les territoires et l'approche sociale, le gouvernement voudra prendre le risque d'une nouvelle fronde des élus... et du secteur du bâtiment. En revanche, si le remplacement du PTZ par un autre dispositif n'est pas inenvisageable, une décision sur ce point semble peu probable avant l'échéance de l'ensemble du dispositif actuel, le 31 décembre 2021.
Un PTZ décisif pour seulement un dixième des accédants en zone non tendue
Le rapport de l'IGF et du CGEDD ne s'embarrasse pas de ces considérations. Il constate qu'avant sa réforme de 2018 – qui a déjà réduit son périmètre –, le PTZ était décisif dans la primo-accession à la propriété pour seulement 13% de ses bénéficiaires en zone B2 et 9% en zone C. Une situation qui s'explique par la forte baisse des taux d'intérêt et l'allongement de la durée des prêts (25 ans pour plus de la moitié des opérations), qui permet ainsi de boucler plus facilement les plans de financement et réduit d'autant l'intérêt du PTZ. De ce fait, le niveau d'aide connaît une érosion permanente depuis plusieurs années. Pour la tranche 1 par exemple, le PTZ représentait 14% du taux d'endettement au 1er trimestre 2016, mais seulement 8,2% au premier semestre 2019. De même, au premier trimestre 2016, 59% des bénéficiaires voyaient leur taux d'effort réduit de deux points et plus, mais ils ne sont plus que 22,5% dans cette situation au premier semestre 2019. Les rapporteurs relèvent toutefois que "l'impact du PTZ reste significatif pour un dixième des bénéficiaires, avec de fortes disparités suivant la zone, les revenus et le type de logement". Dernier argument avancé : la réduction du PTZ en 2018 ne paraît pas avoir affecté la construction des maisons en zone B2 et C.
Dans ces conditions, la mission "recommande donc de ne pas réintroduire de PTZ sur le neuf dans les zones B2 et C au 1er janvier 2020". Le rapport souligne cependant que "certaines opérations considérées comme neuves fiscalement recouvrent en réalité la rénovation d'un bâti préexistant et préconise de les considérer comme concernant de l'ancien au regard de la politique de l'accession à la propriété?". Une solution déjà esquissée par Jacqueline Gourault, lorsqu'elle indiquait, il y a trois semaines, que "de nouvelles pistes seront explorées, comme la prolongation du prêt à taux zéro pour de gros travaux, assimilés à du neuf" (voir notre article ci-dessous du 24 octobre 2019).
Le PTZ réduit à un "impact psychologique" ?
Reste la question du PTZ dans les zones tendues (A et B1), pour lesquelles le dispositif a été initialement conçu en 1995. La mission constate que la proportion des ménages bénéficiaires du PTZ pour lesquels il est présumé avoir un impact décisif s'élève respectivement à 23% et 16,1% en 2018. Le PTZ aurait eu ainsi un effet décisif pour 15.500 primo-accédants en 2017, qui ont consacré 3 milliards d'euros à l'acquisition de leur résidence principale. De ce fait, sur les 1,9 milliard d'euros de coût du PTZ, 1,6 milliard (84%) n'aurait pas d'effet décisif sur la primo-accession à la propriété. Le coût par dossier décisif peut ainsi être estimé à 124.000 euros.
Face à ce constat de relative inefficacité – et dans le contexte déjà signalé de baisse des taux d'intérêt et d'allongement des prêts –, la mission estime que "les différents paramètres classiquement utilisés pour accroître l'impact du PTZ (durée du différé, quotité) semblent déjà avoir été activés au maximum de leur capacité, hors extension du niveau d'aide pour les tranches de revenus les plus élevées". Tout au plus le rapport reconnaît-il au PTZ "un impact psychologique du fait de sa notoriété". Apprécié comme une sorte d'adoubement par les ménages qui se lancent dans la primo-accession, il l'est aussi par "la profession bancaire [qui] soutient fermement le dispositif qu'elle considère comme un produit d'appel bien rodé et bien maitrisé par les réseaux".
Pour l'instauration d'un nouveau dispositif
Dans ces conditions, la mission "recommande de ne pas prolonger le PTZ au-delà du terme prévu" (en principe le 31 décembre 2021). Le PTZ ayant déjà été prorogé à plusieurs reprises par le passé, cette "non prolongation" s'apparente en réalité davantage à une suppression du dispositif au bout de 25 ans de fonctionnement. Le rapport propose donc de concevoir un dispositif entièrement nouveau, visant "plus d'efficacité et de sélectivité [avec] un meilleur ciblage social, une réduction de l'effet d'aubaine actuel". Des objectifs qui rejoignent ceux de la Cour des comptes dans son rapport très critique sur les aides à l'accession à la propriété (voir notre article ci-dessous du 2 décembre 2016).
Dans la mesure où cela "nécessitera une réflexion approfondie pour ouvrir des pistes nouvelles", la mission ne propose pas, à ce stade, de dispositif de substitution. Elle esquisse néanmoins plusieurs options, comme une aide supplémentaire à l'allègement des remboursements (via un prêt à taux négatif ou un allègement plus direct des mensualités) ou le versement d'une subvention directe. A noter : le rapport reprend également une position régulièrement défendue par Julien Denormandie, en recommandant "d'inciter davantage à la rénovation dans l'ancien, dans toute la France, en prévoyant une réflexion sur les coûts de réhabilitation et les garanties à offrir pour les particuliers dans les contrats de rénovation".
La FFB vent debout... en attendant l'Assemblée
Comme cela était prévisible au regard du caractère très sensible du sujet, les réactions ne se sont pas fait attendre. La FFB (Fédération française du bâtiment) a aussitôt réagi en affirmant, dans un communiqué du 7 novembre, qu'"il s'avère compliqué de ne pas voir l'impact du rabotage du PTZ en zones B2 et C intervenu en 2018, contrairement à ce qu'affirme le rapport". Pour Jacques Chanut, le président de la FFB, "l'énième pique que constitue le rapport IGF-CGEDD ne doit pas faire oublier l'essentiel à ceux qui votent la loi, à savoir que la suppression du PTZ se traduirait par une nouvelle relégation des ménages jeunes et modestes hors des villes et des bourgs".
Mais les réactions pourraient aussi venir du Parlement. Stéphanie Do, députée (LREM) de Seine-et-Marne, doit ainsi remettre très prochainement un rapport d'information favorable au PTZ. Et on rappellera que le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l'Assemblée nationale avait adopté, le 21 février 2017, le rapport d'information d'Audrey Linkenheld, députée (PS) du Nord, et de Michel Piron, député (UDI) du Maine-et-Loire, qui contestait vigoureusement les conclusions du rapport de la Cour des comptes sur les aides à l'accession que l'Assemblée lui avait pourtant commandé (voir notre article ci-dessous du 22 février 2019).