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Logement - Aides de l'Etat à l'accession à la propriété : la Cour des comptes recommande une réforme en profondeur

La Cour des comptes a rendu public, le 30 novembre, un rapport sur les aides de l'Etat à l'accession à la propriété, dans lequel elle recommande d'accroître les possibilités d'accès au PTZ+ dans les zones tendues, les quartiers de la politique de la ville, les quartiers Anru et les centres anciens dégradés. Elle recommande également à l'Etat de refondre son dispositif d'aides à l'accession et de créer un "volet local" qui viendrait en complément des interventions des collectivités.

"En dépit d'un montant cumulé, quoique mal évalué à ce jour, de près de 2 milliards d'euros par an, cet ensemble complexe et mal articulé se révèle de moins en moins efficace." Cet ensemble "complexe et mal articulé", ce sont les aides de l'Etat à l'accession à la propriété telles qu'elles sont perçues par la Cour des comptes dans un rapport réalisé à la demande du comité d'évaluation et de contrôle (CEC) des politiques publiques de l'Assemblée nationale, rendu public le 30 novembre.

Réorganiser le PTZ+, supprimer le PAS, aménager l'APL-accession

La Cour s'est penchée sur les quatre dispositifs principaux relevant de la mission budgétaire "Egalité des territoires et logement" : le prêt à taux zéro renforcé (PTZ+), le prêt d'accession sociale (PAS), l'aide personnelle au logement pour l'accession (APL-accession) et le prêt social de location-accession (PSLA) (1). "Ces aides jouent de moins en moins leur rôle d'appui aux primo-accédants et la question de leur suppression se pose", ne cache pas la Cour, ajoutant : "Si l'on estime que l'Etat doit continuer à mener une politique en faveur de l'accession à la propriété, ses instruments devraient être largement repensés." C'est en retenant ce second scénario que la Cour a formulé ses recommandations (voir notre encadré ci-dessous).
Pour rationaliser les quatre aides et diminuer leur coût pour les finances publiques, elle propose de "réorganiser" le dispositif du PTZ+ en le ciblant sur les ménages plus modestes, de "supprimer" carrément le dispositif du PAS et d'"aménager" l'APL-accession pour améliorer sa complémentarité avec le PTZ+. Pour ce qui concerne plus directement les collectivités, elle suggère de "mieux articuler" les aides de l'Etat avec les politiques locales de logement et d'urbanisme, à travers deux recommandations : "accroître" les possibilités d'accès au PTZ+ dans les zones prioritaires (zones tendues, quartiers de la politique de la ville et centres anciens dégradés) et "développer la coordination de l'action des services déconcentrés de l'Etat avec celle des collectivités territoriales".

PTZ ++ pour les zones tendues, quartiers Anru, quartiers Anah...

Dans les zones tendues, où les prix des logements rendent difficile l'accession, les rapporteurs suggèrent de renforcer les quotités de PTZ+ accordés aux ménages modestes, "comme c'était le cas avant 2016".
Dans les quartiers de la politique de la ville, où la politique d'accession est un instrument de la politique de peuplement, les rapporteurs s'interrogent sur la possibilité de relancer la bonification du PTZ (2). Créée en 2000, cette disposition n'a en réalité jamais été appliquée et fut supprimée en 2010. "Le ministère du Logement explique l'échec de ce dispositif par les difficultés techniques de sa mise en œuvre par les établissements de crédit", entend la Cour. Elle souligne que "la pertinence de principe de cette disposition n'a cependant pas été mise en cause" et suggère "de tirer les leçons de cette expérience pour définir les conditions d'une mise en œuvre plus adaptée".
Dans le cadre des opérations Anru, elle aimerait que soit mesuré l'impact des subventions d'Etat (10.000 à 15.000 euros par logement construit pour l'accession) et de ses dépenses fiscales (TVA à 5,5 %). Et cela "en particulier en Ile-de-France".
Dans les quartiers anciens dégradés faisant l'objet d'une Opah (opération programmée d'amélioration de l'habitat) ou d'une opération Anru, la Cour estime que le PTZ+ "pourrait être mobilisé" quitte à bousculer la réglementation et rendre possible le cumul des aides à l'accession de l'Etat, des collectivités locales et de l'Anah. Elle propose également, pour ces territoires, "un PTZ plus incitatif, en termes de quotité de prêt ou de possibilité d'accès pour des ménages aux revenus légèrement plus élevés que le barème de droit commun".

Les services déconcentrés de l'Etat n'ont jamais véritablement été associés

La Cour en est persuadée, "la refonte des aides de l'Etat à l'accession à la propriété devrait prendre en compte la diversité des marchés du logement, de même que les contraintes locales de l'habitat, les enjeux de l'aménagement des territoires et les interventions des collectivités locales dans ce domaine". Les interventions des collectivités se manifestent de deux manières : soit directement par le versement d'aides aux ménages accédants (en complément des aides de l'Etat), soit indirectement par des tentatives de limitation des coûts fonciers (selon l'hypothèse largement partagé que la hausse des coûts fonciers renchérissent en fin de parcours le prix des immeubles neufs). La Cour relève que 7 métropoles sur 14 déployaient une telle politique, 3 communautés urbaines sur 9 et 45 communautés d'agglomération sur 163 (3).
Ces politiques, l'Etat doit les "identifier", les "connaître" et "coordonner" avec elles son action. Mais pour cela, il faudrait que "les services déconcentrés du ministère du Logement retrouvent un niveau d'expertise suffisant", tacle la Cour. "Les services déconcentrés de l'Etat, qui n'ont jamais véritablement été associés au pilotage et à la distribution des aides d'Etat à l'accession, suivent également mal les actions des collectivités territoriales dans ce domaine, dont ils ignorent parfois l'existence même", lit-on dans le rapport. De même, "l'Anru et l'Anah, bien qu'associées aux services de l'Etat dans l'exercice de leur mission, sont peu sollicitées par ces derniers dans le domaine de l'accession à la propriété". Sans compter que "les politiques menées par l'Etat accordent de surcroît peu de latitude aux services déconcentrés".

Une politique laissée à l'initiative des collectivités

Demander à l'Anru des bilans locaux de l'usage de la TVA à taux réduit pour l'accession et des primes permettrait, selon la Cour, d'"animer davantage une politique laissée à l'initiative des collectivités et des bailleurs sociaux". L'Etat devrait également "faire plus activement connaître" le PSLA, outil très peu utilisé (en tous les cas moins que ce que les enveloppes budgétaires prévoient), "afin de convaincre les collectivités et les opérateurs de son utilité".
Car il s'agit bien pour l'Etat de "jouer localement un rôle d'animation et de coordination". Pour cela, les services déconcentrés de l'Etat doivent avoir une connaissance fine des marchés locaux de l'habitat (notamment des prix et des coûts de production) et s'appuyer davantage sur des partenaires comme les Adil, les agences d'urbanisme et les établissements publics fonciers. La Cour voit ainsi d'un très bon œil la démarche de "territorialisation de la production de logement" initiée fin 2015 par le ministère du Logement et expérimentée par les Dreal (directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement) de Paca et des Pays de la Loire.

Un volet local placé sous la responsabilité des services déconcentrés

Cerise sur le gâteau, et considérant que "la distribution du PTZ+ repose aujourd'hui sur une logique de guichet national géré par les banques, sur lesquelles les administrations de l'Etat n'ont pas de prise", la Cour suggère que cette organisation soit complétée par un dispositif local placé sous la responsabilité des services déconcentrés. Dans son esprit, ce dispositif serait "d'une ampleur variable en fonction de la situation de tension du marché local, des enjeux particuliers de l'habitat sur le territoire, et du niveau de mobilisation des collectivités locales". Il prendrait la forme d'une enveloppe de crédits déconcentrés, sur le modèle de celle des aides à la pierre.
Il serait distribué par les services déconcentrés en s'inscrivant "dans le cadre de critères de zonage transparents, après négociation avec les collectivités locales impliquées dans la mise en œuvre d'actions de promotion de l'accession sociale". "Un tel système de déconcentration partielle des aides à l'accession, ayant pour objectif d'organiser une meilleure coordination de cette politique avec l'action des collectivités territoriales, se rapprocherait de la politique allemande d'aide au développement urbain, qui, depuis 1971, associe l'Etat fédéral, les Länder et les communes", souligne le rapport. L'instance dans laquelle pourrait s'élaborer cette politique concertée serait le comité régional pour l'habitat et l'hébergement (CRHH).

Valérie Liquet

(1) En accord avec les rapporteurs du CEC, la Cour des comptes a exclu de son étude les outils destinés à favoriser l'investissement locatif ou les prêts bancaires fondés sur l'épargne réglementée tels que les prêts épargne logement (PEL).
(2) Sources : enquête 2016 de l'Anil menée dans les 79 départements qui comptent une Adil.
(3) Un mécanisme de bonification a été mis en place dans les ZUS en 2000, en portant de 20% à 30% la part d'un bien finançable par le PTZ.

  Les six recommandations de la Cour des comptes

1. Mettre en place les liaisons nécessaires entre les bases de données (SGFGAS, Cnaf, etc.) pour permettre un suivi précis de l'efficacité et de l'efficience des différentes aides à l'accession (PTZ+, PAS, APL-accession et PSLA).

2. Réorganiser le dispositif du PTZ+ en le ciblant sur les ménages plus modestes, en fixant un seuil de quotité de l'aide et en appliquant la garantie du FGAS.

3. Supprimer le dispositif du PAS.

4. Aménager les règles de gestion de l'APL-accession en fusionnant les barèmes et en relevant les plafonds afin d'accroître la complémentarité de cette aide avec le PTZ+.

5. Accroître les possibilités d'accès au PTZ+ dans les zones tendues, les quartiers de la politique de la ville et les centres anciens dégradés.

6. Développer la coordination de l'action des services déconcentrés de l'Etat avec celle des collectivités territoriales en mettant en place une gestion déconcentrée d'enveloppes d'aides à l'accession à la propriété permettant de compléter les interventions locales.