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Environnement - Le projet de loi sur la biodiversité adopté en deuxième lecture à l'Assemblée

Les députés ont adopté en deuxième lecture le projet de loi sur la biodiversité dans la nuit du 17 au 18 mars. Au total, plus de 200 amendements ont été votés. Principaux changements apportés au texte dans la dernière ligne droite : l'interdiction des néonicotinoïdes, repoussée à septembre 2018, et le rejet de celle du chalutage en eau profonde. Les députés ont aussi supprimé l'action de groupe dans le domaine environnemental qui avait été introduite par le Sénat.

Les députés ont achevé dans la nuit du 17 au 18 mars leur examen en deuxième lecture du projet de loi sur la biodiversité. Au total, ils ont adopté 239 amendements sur ce texte. Lors des ultimes séances, ils ont voté une série d'amendements portés par des députés Les Républicains et un socialiste pour supprimer un article introduit par des sénateurs socialistes, qui entendait créer une action de groupe dans le domaine environnemental. L'idée était de permettre à certaines associations, comme les associations agréées de protection de l'environnement, d'engager une action devant une juridiction civile ou administrative, notamment en vue d'obtenir la réparation de "dommages corporels et matériels résultant d'un dommage causé à l'environnement".
Les députés LR qui défendaient la suppression de l'article, dont David Douillet ou Pierre Morel-A-L'Huissier, ont notamment fait valoir que l'introduction de l'action de groupe était "grandement prématurée". Ils ont souligné que la notion d'action de groupe devait être "réajustée et sécurisée" dans le cadre du projet de loi justice du XXIe siècle, adopté en première lecture au Sénat en novembre et qui doit désormais être débattu à l'Assemblée. La secrétaire d'Etat à la Biodiversité, Barbara Pompili, a au contraire défendu, mais en vain, "une grande avancée qu'il convient de protéger", reconnaissant toutefois que la rédaction de l'article n'était "pas opérationnelle juridiquement", mais s'engageant à élaborer "un dispositif pérenne" pour la suite des débats. Elle a noté que le projet de loi relatif à la justice du XXIe siècle introduisait un dispositif d'action de groupe, mais a souligné que son articulation avec le domaine de l'environnement n'était "pas calée à l'heure actuelle", jugeant donc "prématuré de retirer l'action de groupe" du projet Biodiversité. "Le Sénat est quelque fois beaucoup plus progressiste que l'Assemblée", a relevé de son côté la rapporteure, Geneviève Gaillard (PS), visiblement déçue après le vote supprimant l'action de groupe.

Interdiction des néonicotinoïdes

L'Assemblée a aussi voté l'interdiction, sans dérogation, des insecticides néonicotinoïdes, jugés nocifs notamment pour les abeilles, mais en la repoussant au 1er septembre 2018. Au terme d'un débat intense de plus de deux heures sur une quarantaine d'amendements et sous-amendements, où la droite et quelques socialistes ont cherché à contrer une telle issue, les députés ont adopté, par 30 voix contre 28, un amendement en ce sens du président de la commission du Développement durable, Jean-Paul Chanteguet (PS). L'objectif, a déclaré son auteur, est d'"adresser un signal fort aux groupes chimiques, aux agriculteurs et à l'exécutif".
Un arrêté fournira "des réponses concrètes aux exploitants agricoles, confrontés à la brusque apparition d'un ravageur, qui pourrait compromettre leurs récoltes". Et la liste des alternatives aux néonicotinoïdes sera déterminée sur la base d'un avis de l'Anses (l'Agence française de sécurité alimentaire et sanitaire). "Le législateur doit prendre ses responsabilités en interdisant l'utilisation de ces molécules, tout en permettant à la profession agricole de s'adapter", plaide l'auteur de la mesure dans son exposé des motifs. Les députés LR et UDI, dont certains ont reproché aux partisans d'une interdiction générale de "rechercher une victoire symbolique, politique, médiatique", ont martelé que la mesure allait encore "pénaliser" des agriculteurs français, déjà en crise, ou qu'il n'y avait pas jusqu'à présent d'alternatives moins nuisibles.
L'interdiction générale des néonicotinoïdes avait été réintroduite en commission, à partir du 1er janvier 2017. A l'initiative de la France, l'Union européenne a restreint certains de leurs usages en 2013, mais ils sont encore très largement utilisés. Or plusieurs centaines d'études scientifiques ont prouvé la nocivité des néonicotinoïdes sur les abeilles et pollinisateurs sauvages mais aussi sur les invertébrés aquatiques et terrestres, les poissons, les oiseaux et au final l'être humain, ont argumenté les écologistes et certains socialistes. Ces molécules, bien plus puissantes que le DDT, "retiré", ont un mécanisme similaire à la nicotine, a argumenté Gérard Bapt (PS), médecin de profession, demandant "qui conseillerait à une femme enceinte de fumer". Outre la "responsabilité" vis-à-vis des générations futures, invoquée par plusieurs élus, dont la rapporteure, les défenseurs de l'interdiction ont souligné que les agriculteurs eux-mêmes faisaient "les frais" de ces produits. Sur ces produits "extrêmement dangereux pour les abeilles, pour notre santé, pour notre environnement", la secrétaire d'Etat chargée de la Biodiversité, l'écologiste Barbara Pompili, a plaidé dans l'hémicycle pour "des solutions responsables, qui puissent s'appliquer". "2018 fait un peu moins couteau sous la gorge que 2017 et permet d'avancer", a-t-elle notamment jugé, se montrant aussi favorable à des dérogations dans certains cas.
Mais un amendement de la rapporteure, la socialiste Geneviève Gaillard, prévoyant explicitement des dérogations ponctuelles a, lui, été rejeté. A moitié satisfaite, car elle aurait préféré une interdiction dès 2017, avant un potentiel changement de majorité, l'ex-ministre Delphine Batho a cependant twitté que "le combat n'est pas terminé" car le texte repartira au Sénat avant de revenir à l'Assemblée.

Le chalutage en eaux profondes maintenu

Les députés ont par ailleurs rejeté, via des amendements identiques de certains socialistes et d'élus LR, l'interdiction du chalutage en eaux profondes, qui renvoyait à un décret le soin de le définir. Cette disposition avait été introduite lors de la deuxième lecture du texte en commission à l'initiative de l'UDI Bertrand Pancher. La pêche en eaux profondes affecte des "espèces menacées", comme le grenadier de roche ou la lingue bleue, est "peu génératrice d'emplois directs" entre "44 et 112 marins" à temps plein, a plaidé dans l'hémicycle Bertrand Pancher. L'écologiste Laurence Abeille a dénoncé "un mode de pêche raclant les fonds marins" et "sans intérêt économique" car "fortement subventionné". La rapporteure, Geneviève Gaillard (PS), a dénoncé les effets irréversibles pour la biodiversité de cette pêche et défendu "une décision responsable et courageuse" concernant de facto "un seul chalutier".
Le vote des députés en commission, avec l'aval du gouvernement, avait suscité un appel, notamment du Comité régional des pêches de Bretagne, à des blocages symboliques des ports de pêche pour protester contre "la menace d'une interdiction totale du chalutage, soit la disparition de toute une filière économique". La région Bretagne, présidée par le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, avait également appelé le 16 mars au retrait de l'amendement "afin que les négociations européennes se poursuivent, sur la base d'un encadrement de cette pêche, qui est déjà la plus contrôlée au monde". Outre des élus Les Républicains, comme Daniel Fasquelle (Pas-de-Calais) ou Gilles Lurton (Ille-et-Vilaine), de tels arguments ont été relayés en séance par des socialistes tels l'ancien ministre Frédéric Cuvillier, maire de Boulogne-sur-Mer, selon lequel "nationaliser la question serait affaiblir le rôle de la France", ou le député breton Gwendal Rouillard.
Disant avoir "entendu l'émotion" suscitée, la secrétaire d'Etat à la Biodiversité a tenu à récuser "un immense malentendu" sur une éventuelle volonté "d'interdire le chalutage". "Le gouvernement, jamais, ô grand jamais, ne voudrait mettre en difficulté ses pêcheurs", a-t-elle insisté. Mais "pour lever les inquiétudes", elle a invité à voter un amendement de la rapporteure stipulant que l'interdiction serait seulement "en-dessous de 800 mètres", soit la "même chose que ce qui est en stand by au Parlement européen". "Ségolène Royal a saisi à plusieurs reprises les instances européennes pour leur demander d'accélérer le processus qui s'embourbe", a relevé Barbara Pompili qui s'en est remise à la sagesse des députés pour les amendements.

Obligations de compensation

Parmi les autres mesures votées, les députés ont proposé, au titre de la réforme de la gouvernance de la politique de l'eau, une représentation accrue des usagers non professionnels au sein des comités de bassin (20% des membres) et ce à compter du prochain renouvellement des membres de ces comités, prévu mi-2020. Concernant les obligations de compensation des atteintes à la biodiversité par un maître d'ouvrage (article 33 A), les députés ont voté un amendement des députés écologistes affirmant que ces mesures de compensation "visent un objectif d'absence de perte nette, voire tendent vers un gain de biodiversité". Un autre amendement de la députée PS Delphine Batho à ce même article a été adopté. Il affirme que "si les atteintes liées au projet ne peuvent être ni évitées ni réduites ni compensées de façon satisfaisante, celui-ci n'est pas autorisé". Après avoir tenté en vain d'obtenir la suppression du recours aux réserves d'actifs naturels, Delphine Batho a obtenu, avec l'avis favorable du gouvernement, que les mesures compensatoires soient mises en œuvre "en priorité sur le site endommagé ou, en tout état de cause, à proximité de celui-ci afin de garantir ses fonctionnalités de manière pérenne."
Concernant la création de zones prioritaires pour la biodiversité (article 34), les députés ont voté un amendement écologiste qui revient à la rédaction initiale de l'Assemblée, les sénateurs ayant supprimé l'article en commission. L'article prévoit la possibilité d'établir un nouveau zonage afin de protéger l'habitat d'une espèce protégée. Des aides sont également prévues si les pratiques agricoles rendues obligatoires induisent des surcoûts ou des pertes de revenus. Le gouvernement a par ailleurs fait adopter à l'article 40 un amendement qui vise à créer dans le code minier une redevance sur le plateau continental et la zone économique exclusive pour les exploitations minières non énergétiques. Le produit de cette redevance serait affecté à l'Agence française pour la biodiversité. A propos de la gestion du trait de côte (article 62), les députés ont voté un autre amendement du gouvernement. Lorsqu'une région comporte des territoires littoraux, le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires ou le schéma d'aménagement régional valant schéma de mise en valeur de la mer devra ainsi fixer "des objectifs de moyen et long termes en matière de gestion du trait de côte".
Enfin, au titre VI du texte, sur les paysages, un amendement écologiste précise à l'article 69, qui réforme la procédure d'inscription des monuments naturels et des sites, que la commission supérieure des sites, perspectives et paysages continuera à être consultée concernant le classement des monuments naturels ou sites inscrits. Et à l'article 72, un amendement socialiste a supprimé la disposition selon laquelle les objectifs de qualité paysagère permettent de garantir "la prévention des nuisances lumineuses".