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Environnement - Projet de loi Biodiversité : les députés votent l'inscription du préjudice écologique dans le code civil

Lors de l'examen du projet de loi sur la biodiversité en deuxième lecture, les députés ont voté en séance publique le 15 mars l'inscription du préjudice écologique dans le code civil. Attendu de longue date, ce régime de réparation trouve son origine dans la jurisprudence née de la catastrophe due au naufrage du pétrolier Erika en 1999 au large de la Bretagne.

"Victoire" ou du moins "avancée" pour ses défenseurs, l'inscription du préjudice écologique dans le code civil a été votée mardi 15 mars au soir à l'Assemblée nationale par le biais d'amendements identiques des socialistes, écologistes et radicaux de gauche, lors de la deuxième lecture en séance du projet de loi "pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages".
Désormais porté par la nouvelle secrétaire d'Etat écologiste à la biodiversité, Barbara Pompili, le texte, adopté au Sénat avec plusieurs modifications, a été largement rétabli dans la version de l'Assemblée la semaine passée en commission (lire ci-contre notre article du 11 mars 2016) et compte désormais quelque 160 articles. 842 amendements sont à discuter jusqu'à la fin de la semaine et plusieurs mesures font figure de pomme de discorde, entre droite et gauche, voire jusqu'au sein de la majorité. Si tous les groupes de gauche soutiennent le projet de loi, les groupes LR et UDI entendent voter contre, alors que ce dernier s'était abstenu en première lecture. L'opposition critique entre autres de trop nombreux "flous", de nouvelles taxes, ou des mesures néfastes selon elle aux secteurs agricoles et agroalimentaires. "Ce projet de loi est à la fois réaliste et ambitieux", a déclaré Barbara Pompili en ouverture, évoquant des réponses "concrètes" aux cinq principaux facteurs de perte de biodiversité: "artificialisation des terres", "surexploitation des ressources", "pollutions", "apparition d'espèces invasives" et "dérèglement climatique".

Des actions en réparation ouvertes aux collectivités

Découlant des jugements sur la catastrophe due au naufrage du pétrolier Erika au large des côtes bretonnes en 1999, la création d'un régime de réparation d'un préjudice "résultant d'une atteinte non négligeable aux éléments et aux fonctions des écosystèmes ainsi qu'aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement" a été saluée comme "une victoire", ou "une révolution juridique" par plusieurs députés de gauche. Par rapport à la version votée au Sénat en première lecture, à l'initiative du président du groupe LR Bruno Retailleau, les amendements à l'article 2 bis du texte ouvrent un champ plus large pour des actions en justice.
Ce préjudice écologique reprend l'idée d'une remise en état du milieu dégradé par celui qui en est jugé responsable, selon le principe du "pollueur-payeur". Les actions en réparation seraient ouvertes "à l'État, au ministère public, à l'Agence française pour la biodiversité, aux collectivités territoriales et à leurs groupements ainsi qu'à toute personne ayant qualité et intérêt à agir". La réparation s'effectuerait "par priorité en nature". "En cas d'impossibilité, de droit ou de fait, ou d'insuffisance des mesures de réparation", des dommages et intérêts pourraient être versés au demandeur qui les affecterait prioritairement à la réparation de l'environnement, et subsidiairement à la protection de l'environnement, en vertu des amendements votés dans l'hémicycle.
Le délai de prescription de "l'action en responsabilité" est fixé à dix ans, à compter du jour où le titulaire de l'action a connu ou aurait dû connaître la manifestation du dommage environnemental", sans pouvoir dépasser 50 ans.
Comme l'a souligné la secrétaire d'Etat à la Biodiversité Barbara Pompili, la nouvelle rédaction du texte résulte d'"un travail de compromis, qui a mobilisé des juristes et des parlementaires dans l'objectif d'arriver à une rédaction consensuelle". Les écologistes ont échoué à faire ajouter l'introduction d'une amende civile, chère aussi à des ONG et à des juristes, en cas de pollution faite sciemment ou par recherche de profit. Le gouvernement, comme la rapporteure, la députée PS Geneviève Gaillard, ont plaidé que les fautes graves continueraient à relever du code pénal. Les députés LR et UDI ont tenté, en vain, de restreindre le périmètre et les délais de prescription du "préjudice écologique".

Principe de "non-régression" dans le code de l'environnement

Autres modifications notables votées le 15 mars, à l'article 2 du projet de loi  : deux amendements similaires présentés notamment par la rapporteure Geneviève Gaillard avec  le président de la commission du développement durable, Jean-Paul Chanteguet, ainsi que des députés écologistes vise à rétablir l'idée que "le principe d'action préventive et de correction doit viser un objectif d'absence de perte nette, voire tendre vers un gain de biodiversité, tandis qu'un autre amendement de la rapporteure entend inscrire parmi les grands principes du code de l'environnement celui de "non-régression" selon lequel "la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante". Par ailleurs, les députés ont voté un amendement défendu notamment par les socialistes Arnaud Leroy et Delphine Batho visant à insérer l'aquaculture parmi les activités économiques pouvant participer à la reconquête de la biodiversité, ainsi qu'un amendement UDI visant à remplacer le terme sylviculture par "gestion durable des forêts" afin de donner "une dimension plus écologique à la forêt". Plusieurs amendements à l'article 3 relatif aux continuités écologiques ont aussi été votés. Ils affirment que les continuités écologiques "n'excluent pas, par principe, les usages dans ces espaces de continuité". A l'article 3 ter concernant la contribution des maîtres d'ouvrage à l'inventaire national du patrimoine naturel par le versement des données brutes de biodiversité, les députés ont adopté 9 amendements similaires visant à ce que les fédérations de chasseurs et de pêcheurs puissent "contribuer directement à la connaissance du patrimoine naturel".
Les débats sur ce texte doivent se poursuivre jusqu'au 18 mars dans l'hémicycle.
 

 

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