Energie - Le projet de loi de programmation sur la transition énergétique prend forme
Le ministère de l'Ecologie a rendu public le 11 décembre le "plan commenté du projet de loi de programmation sur la transition énergétique" présenté la veille lors de la première réunion de la commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique (CNTE). La présentation des grands principes du texte sous la forme d'un plan commenté provisoire a été faite par le directeur général de l'énergie et du climat. Présidée par Laurence Tubiana, qui avait été facilitatrice du débat national qui a eu lieu au cours du premier semestre 2013, la commission spécialisée du CNTE a été chargée par le ministre de l'Ecologie de préparer l'avis du Conseil sur le futur projet de loi qui sera aussi examiné par le Conseil d'Etat. "La loi sera présentée au printemps, discutée durant l'été et devra être conclue d'ici la fin de l'année 2014", assure le ministère.
Pour l'heure, l'ébauche qui a été présentée comporte six titres. Mais comme le précisent les propos liminaires du document, "le contenu et l'ordre des parties sont sujets à modification" et "le projet s'inscrit également dans un cadre de négociation européenne sur les différents objectifs en termes d'émissions de gaz à effet de serre, d'énergies renouvelables ou de maîtrise de la demande". Par ailleurs, "en fonction du calendrier retenu, certaines dispositions, relatives à des transpositions de directive pourront être intégrées à ce projet de loi ou faire l'objet d'un véhicule législatif ad hoc".
Rappel des objectifs
Le titre I présente les objectifs de la transition énergétique, en affirmant "les grands principes", avec le détail des objectifs poursuivis - "lutte contre le changement climatique, sécurité d'approvisionnement, compétitivité de l'approvisionnement en énergie, sobriété et efficacité énergétique, cohésion sociale et territoriale, protection de l'environnement et de la santé humaine et développement de nouvelles filières industrielles, utilisation efficace des ressources". Il reprend également les objectifs de long terme : réduction des émissions de gaz à effet de serre par un facteur 4, amélioration de l'efficacité énergétique avec une réduction de 50% de la consommation d'énergie d'ici 2050, réduction de 30% de la consommation de combustible fossile à l'horizon 2030, diversification du mix électrique (développement des énergies renouvelables et réduction de la part du nucléaire à 50% à l'horizon 2025).
Outils et gouvernance
Le titre II présente les outils et la gouvernance de la transition énergétique. L'atteinte des objectifs de diminution des émissions de gaz à effet de serre au niveau national est organisée autour de "budgets carbone", conçus sur trois périodes de cinq années consécutives. Ils sont revus tous les cinq ans avec deux rendez-vous d'évaluation, voire de révision par période. À ces budgets carbone, "qui devront prendre en compte les enjeux de compétitivité et de croissance de l'économie", est-il précisé, est associée une "stratégie de développement 'bas carbone'", se substituant à l'actuel plan climat. Cette stratégie définit "les grandes lignes des politiques, y compris sectorielles, pour atteindre ces objectifs" et comporte "des indicateurs permettant d'évaluer l'efficacité économique et environnementale des politiques publiques mises en œuvre et de les évaluer au regard de leur rentabilité socioéconomique".
La programmation en matière d'énergie sera organisée autour d'une "programmation pluriannuelle énergétique (PPE)" sur cinq ans également. Outre les actuelles programmations pluriannuelles qui portent sur l'électricité, le gaz et la chaleur, elle intégrera d'autres outils (plans nationaux d'actions sur les énergies renouvelables et sur l'efficacité énergétique). La PPE et chacune de ses composantes sectorielles intégreront également dans leur processus d'élaboration et dans le document final un test de soutenabilité économique et budgétaire et comporteront un volet spécifique pour les zones non interconnectées.
Le pilotage du mix énergétique "reposera sur la PPE, qui comprendra des principes (sécurité, compétitivité de l'approvisionnement en électricité, diversification, objectifs de maîtrise de la demande, de développement des énergies renouvelables, des interconnexions, du stockage permettant la diversification des sources de production, d'indépendance énergétique), ajoute le document. Il respectera le principe d'un plafonnement de la capacité nucléaire installée et comprendra des dispositions permettant à l'État d'être le garant de la mise en œuvre de la stratégie énergétique de notre pays".
En termes de gouvernance, le Comité d'orientation de la transition énergétique et climatique sera créé en remplacement du Conseil supérieur de l'énergie. Il sera saisi pour avis sur les budgets carbone, la stratégie bas carbone et la stratégie pluri-annuelle. Au niveau territorial, le "plan commenté du projet de loi" indique que des évolutions des schémas régionaux climat-air-énergie (SRCAE) et des plans climat énergie territoriaux (PCET) sont envisagées, "avec une articulation national-local, une simplification, ainsi que la modernisation de la gouvernance de la distribution électrique, sans remise en cause de la péréquation". Sur le plan financier, le document précise que "la gouvernance et le pilotage de la CSPE (contribution au service public de l'électricité, NDLR) seront réformés pour un meilleur contrôle des engagements et des charges, et une meilleure efficacité de la dépense publique. Les différents financements et mécanismes de soutien énergétiques et climatiques seront rendus plus lisibles, plus efficaces au regard des objectifs fixés, et réorientés pour contribuer davantage au développement des filières et des emplois". Le document rappelle les engagements de Jean-Marc Ayrault dans son discours de clôture de la conférence environnementale de septembre dernier : "Une hausse progressive de la fiscalité du carbone incluse dans la fiscalité énergétique sera programmée et une partie de ces recettes pourra être utilisée pour répondre aux besoins de financement de la transition énergétique, une partie des gains financiers issus de la performance du parc nucléaire pourra être mobilisée et un mécanisme de tiers financement sera mis en place. Ce mécanisme de tiers-financement fera, le cas échéant, l'objet de dispositions dans ce projet de loi."
Efficacité énergétique
Le titre III du futur texte concerne la maîtrise de la demande d'énergie, l'efficacité énergétique et les "mesures relatives à certaines catégories de consommateurs". Concernant la rénovation thermique des logements, "une obligation pourrait notamment être introduite au travers d'une modification de la réglementation thermique existante, avec un dispositif de prise en compte de l'efficacité énergétique lors de moments importants de la vie du bâtiment, réfection de toiture et ravalement en particulier". "La Caisse des Dépôts mettra en place un fonds national de garantie de la rénovation thermique, qui facilitera l'obtention de ses crédits dédiés à la rénovation thermique, indique le document. Les acteurs obligés au titre des certificats d'économies d'énergie pourront s'acquitter d'une partie de leurs obligations en abondant ce fonds."
"Une partie des dispositions relatives aux certificats d'économie d'énergie, et à d'autres actions en matière d'efficacité énergétique, pourront devoir être examinées par anticipation dans le cadre d'une loi Ddadue (diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne), voire par ordonnance pour respecter les délais de transposition de la directive sur l'efficacité énergétique", est-il encore précisé. Pour les bâtiments tertiaires, "suite à l'obligation de rénovation à 2020 figurant dans la loi Grenelle et dont le décret d'application paraîtra en 2014, une visibilité à plus long terme sera définie". Dans les transports, "le projet de loi précisera les objectifs en matière de développement de la mobilité électrique et hybride et des dispositions visant à favoriser des moyens de transport bas-carbone, hybrides, les infrastructures de recharge qui leur sont nécessaires et les biocarburants avancés".
"Sous réserve d'aboutissement des réflexions lancées, le texte pourra comprendre un dispositif de soutien aux ménages en situation de précarité, concernant toutes les énergies et élargissant ainsi les actuels tarifs sociaux du gaz et de l'électricité", indique encore le projet de texte.
Energies renouvelables
Le titre IV porte sur le développement des énergies renouvelables. "Y figurent les dispositions de toilettage de la législation et de simplification, ainsi que la clarification et l'optimisation des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables, visant à en assurer la soutenabilité économique, et à optimiser le développement des filières et de l'emploi."
Le texte précise que "le cadre des soutiens financiers aux énergies renouvelables sera aménagé pour élargir et adapter les modalités possibles de soutien (tarifs d'achat, primes à la production ou à l'investissement, appels d'offres etc.), pour permettre ensuite des mises en œuvre souples, en fonction des réflexions sur l'évolution de ces modalités de soutien et en tenant compte des nouvelles lignes directrices que la Commission européenne devrait prochainement publier sur les aides d'Etat en matière d'environnement et d'énergie. De même la question de l'autoconsommation-autoproduction, qui fait actuellement l'objet de consultations, pourrait nécessiter des aménagements législatifs, au moins pour créer un cadre potentiel. Une meilleure efficacité de ces soutiens sera un des objectifs de la loi".
Le texte prévoit en outre des "aménagements" dans plusieurs domaines : l'organisation du renouvellement des concessions hydrauliques, "en fonction des travaux en cours" en interministériel à la suite du rapport de la députée PS de l'Isère Marie-Noëlle Battistel ; le cadre législatif des installations de production d'énergie renouvelable en mer et, "le cas échéant" dans le domaine des "contrôles du respect des obligations associées aux soutiens", une mission d'inspection générale sur ce sujet ayant été lancée.
Energie nucléaire
Le titre V "contient les dispositions concernant l'énergie nucléaire en tant que telle, en dehors des considérations de programmation". Ces mesures concernent en particulier six aspects : "la sûreté nucléaire et le statut des installations nucléaires de base, notamment les rapports entre le propriétaire de l'INB et son exploitant, ainsi que des questions de transparence et information du public et d'adaptation de diverses dispositions de la loi TSN (transparence et sûreté nucléaire, désormais codifiée), la possibilité d'encadrement de la sous-traitance pour des motifs de sûreté, les outils de sanction de l'ASN ; la gestion des matières et déchets radioactifs avec notamment la question de la réversibilité du stockage Cigéo, les procédures d'autorisation de Cigéo et l'adaptation des missions de l'Andra, ainsi que la transposition de la directive européenne sur les déchets nucléaires ; la gestion des charges nucléaires de long terme ; les dispositions nécessaires à la mise en œuvre du régime international de la responsabilité civile nucléaire ; les dispositions relatives à la mise à l'arrêt et au démantèlement des installations nucléaires ; la sécurité des sources radioactives."
Le document précise que "pour des raisons de calendrier, certaines dispositions qui concernent la transposition des directives européennes sur les déchets nucléaires ou la sûreté nucléaire pourraient être détachées du projet de loi et incluses dans une loi Ddadue voire par ordonnance".
Enfin, le titre VI porte sur les "mesures techniques destinées à faciliter la transition énergétique". Elles concernent "d'abord et surtout la simplification des procédures de toute nature, la mise en œuvre de dispositifs pour assurer la sécurité d'approvisionnement, les mesures concernant la qualité de l'air en rapport avec les consommations d'énergie (y inclus les transports), et un certain nombre de dispositions diverses".