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PLF 2018 - Le projet de loi de finances adopté au Sénat : ce qu'il faut retenir des derniers articles

Le Sénat a adopté mardi 12 décembre en première lecture - par 181 voix pour et 122 contre - le projet de loi de finances pour 2018, après l'avoir réécrit en profondeur. La Haute Assemblée avait débuté l'examen de la deuxième partie du projet de loi - consacrée aux dépenses – par les articles de la mission "Relations avec les collectivités territoriales" (voir nos articles des 29 et 30 novembre). Elle l'a terminé par les "articles non rattachés" et a, à cette occasion, adopté plusieurs dispositions concernant directement les collectivités territoriales. Les sénateurs ont ainsi "relancé" la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation ou encore créé une nouvelle taxe sur le commerce en ligne.

Révision des valeurs locatives des locaux d'habitation. Après avoir joué ces dernières années un rôle très actif dans la mise en place de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, la Haute Assemblée a décidé de "relancer" la révision concernant les valeurs locatives des locaux d’habitation, un processus qui, aujourd'hui, est au point mort. Après l'expérimentation que la Direction générale des finances publiques (DGFIP) a conduite en 2015 dans cinq départements, une nouvelle expérimentation serait organisée, en 2018, dans "l'ensemble des départements". Comme le préconisait la DGFIP dans les conclusions qu'elle tirait de l'expérimentation de 2015, les propriétaires de locaux d’habitation loués déclareraient, à l'occasion de la prochaine campagne de déclaration des revenus, le loyer perçu pour chaque bien. Au regard d'un bilan que le gouvernement lui remettrait début 2018, le Parlement déciderait en 2019 des modalités de la révision.
S'agissant d'une opération portant sur 46 millions de logements et annexes, les délais prévus sont matériellement impossibles à tenir, a estimé Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et des Finances. Elle a aussi jugé qu'il est "prématuré d'anticiper" les conclusions de la mission sur les finances locales pilotée par Alain Richard et Dominique Bur et celles que le Comité des finances locales doit formuler sur la fiscalité locale.

Taxes locales sur le commerce. Les sénateurs ont supprimé les dispositions introduites par l'Assemblée nationale qui devaient permettre aux communes de réduire le poids de la fiscalité sur les petits commerces. En effet, la révision des valeurs locatives des locaux professionnels va occasionner dans les prochaines années, pour beaucoup d'entre eux, des hausses de cotisations de taxe foncière. Les communes auraient équilibré leurs recettes en augmentant la taxe qui s'applique aux grandes surfaces (Tascom). Pour Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances du Sénat, la solution "ne constitue pas l'outil pertinent susceptible de redynamiser les centres-villes et ne garantit pas les ressources des collectivités territoriales".
La Haute Assemblée n'a toutefois pas laissé une page vierge puisqu'elle a adopté un amendement instituant une taxe sur les entrepôts de plus de 400 mètres carrés utilisés par les sites de commerce en ligne. Ces sites ne paient pas la Tascom dont doivent s'acquitter les magasins de plus de 400 mètres carrés, a fait valoir le rapporteur général. Qui a donc plaidé pour la fin d'une situation inéquitable.

Exonérations de cotisation foncière des entreprises. Un amendement sénatorial rend neutre pour les recettes des collectivités territoriales l'exonération d'imposition sur la base minimum de cotisation foncière des entreprises (CFE) prévue à l'article 45 du projet de loi de finances en faveur des travailleurs indépendants dont le chiffre d'affaires n'excède pas 5.000 euros. Le texte voté par l'Assemblée nationale devait générer une perte de recettes pour les communes et leurs groupements.

Métropole de Lyon. Les sénateurs sont revenus sur la disposition votée par l'Assemblée nationale qui exempte la métropole de Lyon du transfert, prévu par la loi Notr d'août 2015, de 25% du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) en direction de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Le vote de cet amendement par la majorité à l'Assemblée avait suscité un tollé chez les députés de l'opposition et les élus de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

La Haute Assemblée a adopté de nombreux autres amendements relevant de divers domaines.

En matière de fonction publique, non satisfaite de la réintroduction d'un seul jour de carence pour les arrêts maladie des agents publics, elle a porté ce délai de carence à trois jours, par volonté d'aligner la situation des agents publics sur celle des salariés. Les sénateurs ont toutefois exonéré les femmes enceintes de l'application de cette règle.
Le Sénat a par ailleurs supprimé l'article 47 bis du projet de loi, qui instaure le principe d'une prime compensatrice pour les agents publics, afin que leur pouvoir d'achat ne soit pas affecté par la hausse au 1er janvier 2018 de 1,7 point de la CSG. Grâce à la compensation destinée aux employeurs territoriaux, la réforme sera neutre pour eux sur le plan "macro-économique", ont fait valoir les sénateurs. En revanche, selon la composition de leur personnel, certaines collectivités territoriales seront perdantes et d'autres gagnantes, ont-ils déploré.

S'agissant des élus locaux, le Sénat a donné la possibilité aux conseils départementaux et régionaux, ainsi qu'aux communes de plus de 500.000 habitants, d'augmenter les indemnités du chef de l'exécutif (président ou maire), à la condition que l'enveloppe des indemnités allouées aux élus des collectivités concernées ne soit pas accrue. L'objectif est d'"accorder une reconnaissance aux responsabilités et au travail exigeant des chefs d'exécutifs locaux", a plaidé le groupe LR, à l'origine de l'amendement.
Un autre amendement, lui aussi approuvé, élargit le périmètre des maisons de santé qui peuvent bénéficier d’une exonération, en tout ou partie, de la taxe d’aménagement.

La commission mixte paritaire (sept députés et sept sénateurs) a échoué ce 13 décembre à trouver un compromis entre les deux chambres. La commission des finances de l'Assemblée nationale se réunit donc dès ce jeudi 14 décembre pour examiner le projet de loi, dans le cadre de la nouvelle lecture. La discussion dans l'hémicycle du Palais Bourbon est prévue pour ce vendredi 15 décembre (avec celle du projet de loi de programmation des finances publiques).