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Projet de loi de finances 2018 - L'Assemblée nationale adopte le texte, zoom sur les ultimes mesures votées

Après 151 heures de débat et l'examen en séance de 2.500 amendements, dont 333 adoptés, l'Assemblée nationale a approuvé mardi 21 novembre à une large majorité, en première lecture, l'ensemble du projet de budget 2018 (recettes et dépenses). 356 députés ont voté pour, 175 contre et 27 se sont abstenus sur ce texte porteur de plusieurs mesures emblématiques, comme la fin progressive de la taxe d'habitation pour 80% des ménages. LREM et MoDem ont voté pour, socialistes, communistes et Insoumis unanimement contre, comme les LR à une abstention près. Chez Les Constructifs LR-UDI, une majorité s'est abstenue.
La veille, l'Assemblée nationale a terminé l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances par les "articles non rattachés". Comme chaque année, la discussion de ces mesures hétéroclites a donné lieu à l'adoption de plusieurs amendements qui touchent aux finances et plus largement aux compétences des collectivités locales.
Les députés ont notamment adopté un amendement qui, s'il figure dans le projet de loi final, permettra aux communes et aux intercommunalités d'accompagner l'évolution des cotisations de taxe foncière des locaux commerciaux, dans le contexte de l'application de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels. Le détail de ces dispositions votées par l'Assemblée nationale.

- Contre l'avis du gouvernement, les députés ont adopté un amendement présenté par le député Modem Marc Fesneau, "parlementaire associé" de l'Assemblée des communautés de France (AdCF), qui vise à "rééquilibrer" au profit des commerces de centre-ville les effets à moyen terme de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels. On sait en effet que la réforme appliquée à partir de cet automne aura pour incidence de relever globalement les cotisations de taxe foncière payées par les propriétaires de ces commerces, tandis que les cotisations dues par les grandes surfaces installées en périphérie baisseront en moyenne (voir notre article Révision des valeurs locatives : centres commerciaux, maisons de retraite, crèches... de nombreux "perdants"). Le lissage sur dix ans prévu par la réforme aménagera certes une transition pour les commerçants concernés, mais il ne supprimera pas les hausses de cotisations.
L'amendement prévoit deux nouveaux outils à la disposition des communes et de leurs groupements. Leurs élus pourraient voter en faveur des petits commerces un abattement sur la base de taxe foncière pouvant aller jusqu'à 15 %. Ceux qui feraient ce choix disposeraient alors d'une plus grande capacité de modulation à la hausse de la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) dont s'acquittent les magasins d'une surface d'au moins 400 mètres carrés. Les communes et intercommunalités pourraient ainsi "équilibrer leurs ressources" et "déterminer les conditions de l’équilibre entre les grandes surfaces commerciales et les commerces de centre-ville".
Défavorable au dispositif, Benjamin Griveaux, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et des Finances a estimé que "les difficultés rencontrées par les commerces de centre-ville tiennent au moins autant à des problèmes de connectivité ou de transport" et a déploré que la disposition favorise le e-commerce, puisque ce dernier ne paie pas la Tascom.
Mécontent du feu vert donné par l'Assemblée, le gouvernement a demandé une seconde délibération, lundi 20 novembre, à l'issue de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances. Les députés ont adopté l'amendement du gouvernement. Celui-ci prévoit la possibilité pour les communes et leurs groupements de relever progressivement le coefficient multiplicateur maximal de la Tascom de 1,2 aujourd'hui à 1,3 (au lieu de 1,5 prévu par l'amendement Fesneau).

- Les députés ont aussi adopté un amendement du gouvernement prolongeant de quatre ans l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties dont bénéficient aujourd'hui les nouveaux logements sociaux. Cette possibilité aurait dû prendre fin le 31 décembre 2018 : la disposition reporte cette échéance au 31 décembre 2022 (plus de détails dans notre article L'exonération de TFPB pour les logements sociaux prolongée de quatre ans).

- Avec le soutien du gouvernement, un amendement de la majorité doit permettre aux établissements publics de coopération culturelle (EPCC) de ne plus être soumis à la taxe sur les salaires, ce qui mettra fin à une anomalie. Au nombre de plus de cent, ces structures constituées par des collectivités territoriales et l'Etat (Louvres-Lens, Centre Pompidou à Metz, Opéra de Lille…) doivent aujourd'hui payer la taxe, alors que les collectivités publiques qui en sont membres en sont exonérées individuellement. Les entités qui veulent mutualiser leurs moyens pour mener un projet culturel se trouvent ainsi pénalisées. Coût de la nouvelle exonération : 3 millions d'euros.

- Les députés ont voté un amendement qui permettrait aux communes ayant initié une démarche de classement comme station touristique, mais n’ayant pas encore obtenu le label, de ne pas être pénalisées par la date butoir du 1er janvier 2018. Les reclassements sous le nouveau régime doivent en effet intervenir avant cette date. Or, onze ans après la réforme sur le classement des stations de tourisme, "de nombreuses communes touristiques" ayant déposé des dossiers n’ont reçu "ni notification de refus ni d’acceptation, du fait du retard pris par l’examen de ces dossiers", comme l'a rappelé le rapporteur général, Joël Giraud, auteur de l’amendement (voir par exemple : Incroyable ! Saint-Tropez est une station de tourisme !").

- Des amendements relèvent progressivement entre 2018 et 2021 les taux du versement transport de la région Ile-de-France afin de financer le tarif unique des abonnements et l'amélioration de la desserte en transports en commun dans cette région.

- Après de longs débats, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui revient sur le transfert de la quote-part de 25 % de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) de la métropole de Lyon vers la région Rhône-Alpes-Auvergne. Un sous-amendement du rapporteur général a précisé que la mesure entre en vigueur en 2018. Comme les départements, la métropole lyonnaise - qui fusionne les compétences du département et de l'intercommunalité – a dû renoncer à ces ressources au 1er janvier 2017. Il s'agissait d'accompagner le transfert de la compétence de l'organisation des transports non urbains prévu par l'article 15 de la loi portant Nouvelle organisation territoriale de la République (Notr). Mais "la métropole de Lyon n'a transféré aucune des missions visées à l'article 15", selon Thomas Rudigoz, député LREM (élu dans le territoire de la métropole) qui a défendu l'amendement. L'opposition a dénoncé "un amendement scélérat", qui "constitue un véritable hold-up financier". La région Auvergne-Rhône-Alpes n'a pas tardé non plus à réagir. Evaluant le manque à gagner à "45 millions d'euros" sur la période 2018-2027, elle a regretté que Gérard Collomb, qui présidait la Métropole avant d'entrer au gouvernement, "use de sa fonction à des fins partisanes".
Avec l'appui du président de la commission des finances, l'opposition a obtenu de pouvoir voter de nouveau l'amendement lors d'une seconde délibération, le 20 novembre. Ce qui n'a rien changé, puisqu'il a été adopté à une très large majorité.

- Des députés de divers groupes avaient préparé des amendements sur la taxe de séjour. Ceux-ci visaient à revoir le barème s'appliquant aux camping-cars, ou encore à améliorer la collecte de la taxe lorsque les réservations sont effectuées via une plateforme internet. A l'invitation du rapporteur général, ils ont finalement convenu de retirer leurs amendements. Comme l'a expliqué le rapporteur général, "un amendement complet prenant en compte toutes les difficultés rencontrées sur la taxe" sera présenté dans les prochaines semaines à l'occasion de l'examen du second projet de loi de finances rectificative. Le gouvernement a donné son accord à cette démarche (plus de détails dans notre article Plutôt que des amendements, un groupe de travail va proposer une réforme globale de la taxe de séjour).

Le 20 novembre, à la toute fin de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances, les députés ont débattu de la réintroduction d'un jour de carence pour les arrêts maladie des agents publics et de la compensation pour ces derniers de la hausse de la CSG au 1er janvier 2018. Ils ont adopté à cette occasion quelques amendements sur lesquels Localtis reviendra dans sa prochaine édition.

Le Sénat, dont les travaux des commissions ont commencé il y a déjà plusieurs semaines, débute jeudi 23 novembre l'examen du projet de loi. Au moment où se tient le traditionnel débat du congrès des maires de France consacré aux finances locales.