Le projet de loi "Avenir professionnel" présenté en conseil des ministres
La ministre du Travail a présenté le 27 avril 2018 son projet de loi "Avenir professionnel" dont les trois volets (apprentissage, formation professionnelle et assurance-chômage) avaient été largement détaillés en début de mois. Les régions restent fortement opposées au texte, notamment sur sa partie concernant l'apprentissage. Elles publient une cartographie des CFA menacés...
C'est la deuxième grande réforme sociale du quinquennat après celle du code du travail par ordonnances. La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a présenté son projet de loi "pour la liberté de choisir son avenir professionnel" le 27 avril 2018 en conseil des ministres. Passé entre les mains du Conseil d'Etat début avril, le texte comprend 67 articles et quelque 116 pages. Son objectif principal est précisé dans l'exposé des motifs. Il est double : "donner de nouveaux droits aux personnes pour leur permettre de choisir leur vie professionnelle tout au long de leur carrière" et "renforcer l'investissement des entreprises dans les compétences de leurs salariés".
Parmi les mesures du texte : un bouleversement du financement de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Annoncés depuis plusieurs mois, ces changements, qui font l'objet de nombreuses oppositions, notamment de la part des régions (voir notre encadré ci-dessous), reposent principalement sur la création d'une nouvelle contribution unique relative à la formation professionnelle et à l'apprentissage à partir du 1er janvier 2019. Cette contribution sera gérée par les branches professionnelles, et non plus par les régions, pour son volet sur l'alternance, et collectée par l'Urssaf. Et les centres de formation d'apprenti (CFA) seront financés au contrat, c'est-à-dire en fonction du nombre d'apprentis accueillis. La fraction régionale initialement dédiée aux régions (51% de la taxe d'apprentissage) disparaît. En revanche, les régions vont recevoir une enveloppe de 250 millions d'euros pour aider les CFA en difficulté, et une autre enveloppe proche de 180 millions d'euros pour soutenir l'investissement dans ces CFA. Un nouvel établissement public, France Compétences, géré de manière quadripartite (Etat, régions, partenaires sociaux) est créé pour réguler la formation professionnelle continue et l'apprentissage. Il assurera aussi les missions de péréquation, dont le versement des montants financiers aux régions pour l'apprentissage.
Le texte crée aussi des "opérateurs de compétences" remplaçant les opérateurs paritaires collecteurs agréés (Opca), qui seront chargés d'aider les branches professionnelles dans la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et des niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage et de professionnalisation notamment.
Un compte personnel de formation (CPF) libellé en euros
Autres changements sur l'apprentissage : un temps de travail maximum porté à 40 heures par semaine, contre 35 heures actuellement, et une limite d'âge portée à 29 ans révolus, contre 25 ans. Le texte prévoit aussi de supprimer le passage obligatoire aux prud'hommes pour licencier un apprenti pour faute grave ou inaptitude. Une aide unique, destinée aux entreprises de moins de 250 salariés employant des apprentis, remplacera les trois aides actuelles et le crédit d'impôt.
Le texte prévoit aussi l'extension des missions des régions en matière d'orientation : elles sont responsables de diffuser les informations sur les métiers auprès des élèves et des étudiants. Dans ce cadre elles se verront transférer les délégations régionales de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions. Une expérimentation est également prévue dans ce domaine : l'Etat pourra mettre à disposition des régions gratuitement des agents relevant du ministère de l'Education nationale.
Côté formation professionnelle, le texte prévoit aussi plusieurs grands changements : un compte personnel de formation (CPF) libellé en euros et non plus en heures, un élargissement des formations éligibles et la suppression des listes sélectionnées par les partenaires sociaux. Un service dématérialisé gratuit permettra d'accéder aux informations sur ces formations.
Au total, le compte sera alimenté de 500 euros par an (800 euros pour les salariés non qualifiés), dans la limite de 5.000 euros (8.000 euros) et les salariés à mi-temps auront les mêmes droits que ceux à temps plein. Le congé individuel de formation (CIF) est quant à lui remplacé par un dispositif similaire (le compte personnel de formation de transition professionnelle) intégré dans le CPF. Il permettra de suivre une formation destinée à changer de métier ou de profession, avec une rémunération minimum déterminée par décret.
Des mécanismes pour lutter contre la précarité
Enfin, le projet de loi comporte des mesures sur l'assurance-chômage, avec notamment une indemnisation, sous conditions, pour les démissionnaires s'ils ont démissionné avec un projet de reconversion ou de création d'entreprise, et une allocation forfaitaire (800 euros par mois pendant six mois) pour les indépendants en cas de liquidation judiciaire, de départ dans le cadre d'un redressement judiciaire ou de départ d'un conjoint associé après un divorce ou une rupture de Pacs.
Les branches professionnelles sont chargées de négocier, d'ici le 1er janvier 2019, des mécanismes pour lutter contre les contrats courts. Mais, sur cette base, le gouvernement se réserve le droit de mettre en place par décret un système de bonus-malus sur les cotisations patronales en fonction du nombre de contrats donnant lieu à une inscription à Pôle emploi.
Un document de cadrage dressé par le gouvernement permettra aux partenaires sociaux de négocier les règles d'indemnisation. Ce document comprendra une trajectoire financière, un délai de négociation et des objectifs d'évolution des règles. Le demandeur d'emploi ne pourra quant à lui refuser qu'une fois une offre d'emploi, définie entre lui et son conseiller.
Le texte doit arriver en commission à l'Assemblée nationale le 29 mai et être débattu en séance publique à partir de la deuxième quinzaine de juin (adoption prévue le 26 juin). Le débat au Sénat est prévu courant juillet. Le gouvernement espère une adoption définitive fin juillet ou début août.
Les régions vent debout contre le projet de loi "Avenir professionnel"
Dénonçant un "passage en force" du gouvernement avec son projet de loi "avenir professionnel", Régions de France a diffusé un communiqué le 27 avril répertoriant les centres de formation d'apprentis (CFA) qui sont menacés par les mesures du texte concernant l'apprentissage. Au total, l'association comptabilise ainsi 700 CFA menacés de fermeture, dont 79 sur 83 (soit 95%) pour la région Auvergne-Rhône-Alpes, 93 sur 103 (90%) en région Grand Est, 47 sur 53 (89%) en Pays de la Loire, ou encore 50 sur 59, (85%) en Sud Provence-Alpes-Côte d'Azur. Pour les régions, c'est le principe d'un financement de l'apprentissage "selon un coût au contrat uniforme fixé administrativement par les branches à Paris" qui risque d'être fatal pour ces CFA situés dans les territoires les plus fragiles ou positionnés sur les métiers rares ou émergents. Elles comptent sur le débat parlementaire, qui doit avoir lieu en juin 2018, pour apporter des amendements à ce texte, afin de "porter enfin une réforme pragmatique et efficace de l'apprentissage attendue sur le terrain".