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Le plan d'urgence économique porté à 110 milliards d'euros

Près d’un mois après sa première version, le plan d’urgence économique destiné à éviter la faillite des entreprises mises à l’arrêt voit ses crédits portés à 110 milliards d’euros dans le nouveau projet de loi de finances rectificatives pour 2020 présenté ce mercredi 15 avril. Les crédits du fonds de solidarité pour les TPE passent ainsi de 1 à 7 milliards d’euros avec des critères d’éligibilité plus souples. Pour le ministre de l’Economie, la crise économique engendrée par l'épidémie de coronavirus va durer "des années".

Signe de la gravité de la crise économique que traverse le pays, en moins d’un mois – le temps séparant les deux projets de loi de finances rectificatives (PLFR) –, les prévisions de croissance pour la France sont tombées de moins 1% à moins 8%. Présenté en conseil des ministres, mercredi 15 avril, ce deuxième budget rectificatif pour 2020 a dans la foulée été défendu par le ministre de l’Economie Bruno Le Maire et le ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin devant la commission des finances de l’Assemblée. "C’est un chiffre sévère, c’est un chiffre provisoire. Et l’évolution de ce chiffre dépendra de la situation économique internationale et des risques de pandémies en Europe et ailleurs", a insisté Bruno Le Maire devant les députés. Alors que le PLFR table sur un déficit de 9% et une dette de 115% du PIB, le président de la commission, Eric Woerth, a évoqué des "chiffres impressionnants" marquant "un plongeon de nos finances publiques et de notre économie" mais motivés par une "bonne raison" : "Faire en sorte que nous évitions la faillite de notre économie et le chômage qui irait avec."

Le PLFR porte ainsi de 45 à 110 milliards d’euros le plan d’urgence économique présenté le 17 mars. A noter que ces mesures s’accompagnent de la garantie de l’Etat de 300 milliards d’euros pour les prêts aux entreprises contenues dans le premier budget rectificatif (200.000 entreprises en ont déjà bénéficié à hauteur de 10 milliards d'euros) et du plan de sauvetage de l’Union européenne de 540 milliards d’euros adopté par l’Eurogroupe, la semaine dernière, sans compter les différentes mesures de soutien prises par les collectivités.

Ainsi, l’enveloppe consacrée au financement de l’activité partielle va tripler, passant de 8 à 24 milliards d’euros, sachant que, selon les derniers chiffres du ministère du Travail, plus de 8,7 millions de salariés sont aujourd’hui dans cette situation. Le dispositif est financé aux deux-tiers par l’Etat et à un tiers par l’Unédic. Rappelons que les revenus des salariés sont désormais pris en charge jusqu’à 4,5 Smic.

Renforcement du fonds de solidarité

Par ailleurs, le fonds de solidarité voit ses crédits considérablement augmenter, à plus de 7 milliards d’euros. La participation de l’Etat passe de 750 millions d’euros à 6,25 milliards d’euros. Les régions ont déjà annoncé porter leur part de 250 à 500 millions d’euros et les assureurs de 200 à 400. 917.000 entreprises (TPE, indépendants, professions libérales...) ont déjà fait appel au fonds d'après Bercy. Comme l’a déjà annoncé Bruno Le Maire mercredi (voir notre article), les modalités d’éligibilité du fonds vont être améliorées. Ainsi, le mois de mars 2019 ne sera plus le point de référence des pertes de chiffres d’affaires (la crise des gilets jaunes avait déjà fortement touché certaines activités comme le commerce), le calcul se fera sur la moyenne mensuelle de 2019. Ce qui permettra au passage de prendre en compte les entreprises créées depuis moins d’un an. Par ailleurs, le fonds est élargi aux agriculteurs en groupements, aux entreprises en redressement judiciaire ou en procédure de sauvegarde (comme le demandait CCI France) ainsi qu’aux conjoints collaborateurs.

De nouveaux dispositifs de soutien aux PME et ETI

Le gouvernement introduit de nouveaux soutiens aux entreprises de taille plus importante comme les PME, les ETI (entreprises de taille intermédiaire) et les entreprises stratégiques. Il prévoit ainsi une ligne de 20 milliards d’euros sur les comptes d’affectation spéciale pour apporter du capital aux entreprises stratégiques en difficulté. Une vingtaine d’entreprises ont d’ores-et-déjà été identifiées. Pour les ETI, le fonds de développement économique et social (FDES) sera porté de 75 millions d’euros à un milliards d’euros, pour accorder des "prêts directs de l’Etat en contrepartie d’une restructuration de l’entreprise". Les PME, elles, bénéficieront d’avances remboursables à hauteur de 500 millions d’euros. "Cela permettra à une entreprise de décolletage de la vallée de l’Arves qui doit acheter immédiatement du matériel de payer ses fournisseurs, de redémarrer, alors même qu’elle n’a pas de trésorerie", a pris pour exemple le ministre.

Enfin, le gouvernement a prévu une provision de 8 milliards d’euros en prévision de dépenses exceptionnelles de santé (achat de matériel médical, indemnités journalières, jours de carence, indemnités exceptionnelles du personnel soignant…). Une "poche" de 1,5 milliard d'euros servira enfin à financer des dépenses accidentelles ou imprévues.

Entre les dépenses nouvelles et les énormes pertes de recettes envisagées, le gouvernement doit faire face à un effet ciseau : le déficit bondit de 74,4 milliards d'euros par rapport au premier budget rectificatif, à moins 183,5 milliards d'euros, contre moins 90,3 dans le budget initial pour 2020. Les députés sont amenés à voter le texte vendredi, suivis du Sénat, mardi.

De l'urgence à la relance

Ce plan est d’une "ampleur exceptionnelle", a souligné le Premier ministre Edouard Philippe à l’issue du conseil des ministres. "Nous devrons prolonger ce plan, une fois la crise sanitaire maîtrisée, par des mesures ambitieuses de relance pour aider notre économie à redémarrer vite et fort. L’objectif aujourd'hui est de sauvegarder, demain il sera de relancer", a-t-il déclaré.

Devant les députés, Bruno Le Maire a affirmé pour sa part que ce n’était ni une affaire de semaines, ni de mois : "Nous en avons pour des années à sortir des conséquences économiques de cette crise." Selon lui, la stratégie de relance doit reposer sur quatre piliers : l’investissement des entreprises, le soutien de la demande alors qu’une "épargne de précaution est en train d’être constituée", un plan de soutien spécifique à l’hôtellerie-restauration, le tourisme, l’industrie automobile, l’industrie aéronautique, le transport aérien, et, enfin, la coopération européenne. "Si nous décidons de soutenir les salariés les plus modestes (…), faisons attention à ce que, de l’autre côté, l’Allemagne n’ait pas une stratégie de modération salariale."