Le plan de relance ne sera pas présenté avant la rentrée de septembre
Le ministre de l'Économie veut se donner le temps de la réflexion pour l'élaboration du plan de relance qui doit, selon lui, marquer un véritable changement de modèle industriel et environnemental.
"Faillites", "chômage", "chute des exportations"… le ministre de l’Économie prépare les esprits à des lendemains difficiles. Après la période sensible de la reprise de l’activité, il va s’atteler pendant plusieurs mois à la préparation du plan de relance. "Je n’annoncerai aucune proposition avant la rentrée prochaine", a-t-il déclaré devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée, en visioconférence, mercredi 29 avril. "Nous allons engager les travaux avec vous les parlementaires, avec les chefs d'entreprise, avec les économistes, avec des responsables syndicaux, sur les meilleures modalités de cette relance et je réfléchirai évidemment avec le Haut Conseil à l'environnement sur la meilleure manière de faire cette relance économique", a-t-il poursuivi, omettant de mentionner les collectivités qui, ne serait-ce que par la commande publique et l’investissement, auront un rôle de premier plan à jouer. "Pour la première fois depuis des décennies, parce que notre économie est à l'arrêt, nous pouvons et nous devons réfléchir à ce à quoi sert notre économie, au modèle que nous voulons défendre", a plaidé le ministre.
Quatre piliers
Ce plan de relance reposera sur "quatre piliers" : l’investissement, le soutien de la demande, le soutien à des secteurs spécifiques (avec plusieurs plans pour le tourisme, l’automobile et l’aéronautique) et la coordination européenne. "Rien ne serait pire que d'avoir la France qui prend une stratégie de relance et l'Allemagne, une stratégie antagoniste", a-t-il dit, ne cachant pas d’ailleurs sa crainte de voir l’Allemagne redémarrer plus vite et creuser l’écart avec la France. L’un des principaux risques des mois à venir est "de voir certaines économies européennes repartir très vite, par exemple l'économie allemande parce qu'ils ont les moyens de mettre le paquet financier pour soutenir leur économie et d'autres qui ne repartiraient pas aussi vite - c'est ce qu'on a connu au lendemain de la crise de 2008-2009". L’aggravation des disparités économiques entre les membres de la zone euro met à mal "la survie de la zone euro elle-même", a-t-il une nouvelle fois alerté.
Pour Bruno Le Maire, ces quatre piliers doivent se mettre au service d’une "économie décarbonée". "Je sais bien que tous les facteurs vont contre cette idée", a-t-il convenu, faisant référence au prix du baril de pétrole. "La tentation est immense de repartir sur le vieux modèle du XXe siècle" mais "ce serait une erreur historique". Le débat est vif en Europe sur le maintien des objectifs du Pacte vert et sur la manière dont la nouvelle stratégie industrielle européenne présentée juste avant la crise par le commissaire Thierry Breton s'articulera avec ces objectifs de "neutralité carbone".
Impôts de production
Le ministre entend aussi mettre ce plan de relance au service de la "relocalisation" des chaînes de valeur, ce qui passe par "une politique fiscale qui maintienne l'attractivité de la France, sans quoi aucune entreprise privée ne rapatriera ses productions". Là encore un dilemme se pose entre la relance de l’activité et les finances des collectivités (qui dépendent pour une bonne part de la fiscalité des entreprises) qui vont sortir de la crise à sec. Le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a confirmé mercredi (lire notre article de ce jour) que le débat sur la baisse des impôts de production était toujours "valide". "Nous souhaitons aider l'économie française et nous pensons qu'il faut que les collectivités locales prennent leur part dans l'amélioration de la fiscalité pour qu'elle ne soit pas confiscatoire", a-t-il déclaré devant la commission des Finances de l'Assemblée. Sans oublier que le président de l'Association des maires de France (AMF), François Baroin, a présenté cette baisse comme "une ligne rouge" à ne pas franchir.
Les régions, très impliquées dans la gestion de la crise et dans le soutien aux entreprises, ont été aussi parmi les premières à formuler des pistes pour la relance, appelant dès le 6 avril à un "New Deal industriel et environnemental" (sur le sujet, voir notre article). Un intitulé qui sied à la fois aux orientations du locataire de Bercy et à celles de la Commission européenne. Pour les exécutifs régionaux, il est nécessaire de faire démarrer au plus vite les projet des actuels contrats de plan déjà prêts dans des "contrats de relance" avant d’inclure, dans un second temps, la véritable relance dans les futurs contrats de plan État-régions pour la période 2021-2027. Ce qui aurait le mérite de coller avec la programmation pluriannuelle européenne.
Les régions ont reçu le soutien de Philippe Varin, président de France Industrie. "Sur un certain nombre de sujets, la dimension régionale est absolument essentielle", a plaidé l'industriel devant la commission des affaires économiques du Sénat, mercredi. "Beaucoup de mesures ont été prises par les régions, mais à très court terme, comme les plans rebonds, principalement destinés à procurer des liquidités aux entreprises", a précisé Philippe Varin. "Il s'agit là de déterminer les priorités de relance par région. Et les dispositifs existants, comme les SRDEII ne sont pas forcément des documents opérationnels, ils sont souvent à court terme", a-t-il estimé, souhaitant que ce travail soit coordonné avec les métropoles et avec le plan national. Ces plans de relance régionaux pourraient prendre appui sur le conseil économique État-régions mis en place en 2019, plaide-t-il. Ce conseil s’est réuni pour la première fois en décembre 2019 au sujet du pacte productif, il est amené à le faire trois fois par an pour coordonner l’action économique de l’État et des régions. Philippe Varin est tout à fait en phase avec Bruno Le Maire et avec les régions quand il suggère que ces plans reposent à la fois sur la décarbonation, un soutien ciblé à la consommation et l'investissement. Et qu’ils soient intégrés au pacte productif sur lequel le gouvernement travaillait avant la crise, avec les industriels et les collectivités. "L'objectif reste de diminuer les impôts de production, mais les collectivités risquent de connaître une forte pression financière", a-t-il concédé.