Le plan de relance doit être plus compatible avec la neutralité carbone, estime le Haut Conseil pour le Climat
Dans un avis sur la contribution du plan de relance à la transition bas carbone publié ce 15 décembre, le Haut Conseil pour le Climat voit dans ce plan une "opportunité unique" de rattraper le retard pris par la France sur ses objectifs climatiques, mais aussi un risque de la "verrouiller" dans des activités fortement émettrices de gaz à effet de serre.
Le gouvernement doit "renforcer la compatibilité du plan de relance avec l'objectif de neutralité carbone", recommande le Haut Conseil pour le Climat (HCC) dans un avis publié ce 15 décembre. Les experts - scientifiques, ingénieurs ou économistes - de cet organisme indépendant, se sont penchés sur le plan de 100 milliards d'euros sur deux ans dévoilé en septembre dernier, pour mesurer sa compatibilité avec les engagements de la France de réduire ses émissions de gaz à effet de serre afin d'atteindre la neutralité carbone en 2050. Ils complètent ainsi la propre analyse du gouvernement, qui avait ventilé les mesures de son plan de relance entre "favorables" à la réduction des émissions ou "neutres".
Mesures "ambiguës"
Le HCC a donc étudié les 97 mesures et les a classées entre "favorables, défavorables, ambiguës ou qui s'inscrivent dans la continuité des émissions actuelles, trop élevées, de la France". Alors que le gouvernement a fait de la transition écologique un des piliers du plan de relance, avec 30 milliards d'euros consacrés au verdissement de l'économie, le HCC a comptabilisé 28 milliards d'euros "favorables à l'atténuation des émissions de gaz à effet de serre". "C'est un montant très important, la France fait partie des pays les mieux dotés" au monde en ce sens, a relevé la climatologue Corinne Le Quéré, présidente du HCC, au cours d'une conférence de presse en ligne.
Mais c'est sur le contenu des mesures que des différences apparaissent. "Certaines mesures sont qualifiées de favorables par le gouvernement alors qu’elles ne le sont qu’en partie (par exemple, la rénovation des bâtiments publics) et à l’inverse certaines mesures qualifiées de neutres poursuivent en partie un objectif d’atténuation (par exemple, le verdissement des ports)", souligne le HCC. Le plan de relance affiche selon lui 6 mesures ayant un effet "ambigu" sur l’atténuation, représentant un budget de 2,1 milliards d'euros. On trouve parmi elles "le renouvellement des agro-équipements" ou la prime à la conversion automobile. "Il est nécessaire d’assurer les conditions pour que leur mise en œuvre réduise les émissions de la France et qu’a minima, elles ne nuisent pas à l’objectif de neutralité carbone", insiste le rapport.
De plus, le plan de relance couvre environ 60% des orientations sectorielles et transversales définies par la stratégie nationale bas carbone (SNBC). Il contribue avant tout aux orientations de décarbonation, puis d’efficacité énergétique, mais n'aborde pas la question de la sobriété, relève le HCC qui note aussi que l’emploi et la formation destinés à la transition bas-carbone ne sont que "marginalement soutenus", sur les 36 milliards d'euros du volet cohésion. "Le caractère additionnel des mesures favorables à l’atténuation est parfois questionnable", pointe-il-également.
Renforcer l'efficacité des mesures favorables
L’efficacité des mesures favorables déployées pourrait être renforcée, estime le HCC. La moitié des financements jugés favorables à l’atténuation porte sur la décarbonation des transports (9,3 milliards d'euros) et des bâtiments (4,6 milliards d'euros), alors que l’agriculture (157 millions d'euros) et les forêts (200 millions d'euros) sont jugées "insuffisamment considérées au vu des enjeux".
"L’analyse montre que les effets régressifs sur la distribution des revenus de certaines mesures, efficaces d’un point de vue climatique, doivent être compensés pour que la transition n’accroisse pas les inégalités et les tensions sociales", souligne aussi le HCC.
Sous réserve des détails de sa mise en œuvre, l'organisme estime toutefois que le plan de relance pourrait constituer "une contribution significative à la réorientation de la trajectoire actuelle sur le cap de la neutralité carbone", à condition notamment de lui adjoindre des mesures complémentaires touchant l’ensemble des activités économiques, et de renforcer la cohérence des politiques de relance, en particulier dans le secteur des transports. Il recommande aussi d'en "maximiser les bénéfices" pour la transition bas-carbone, "en l’accompagnant de politiques non-budgétaires et en l’inscrivant dans une perspective décennale". Il faudrait aussi "mieux anticiper et valoriser les enjeux de la transition juste au sein des politiques de relance, à l’aide d’un suivi continu de ses impacts sur les dimensions économique, sociale et politique". Il insiste également sur la nécessité de "suivre et évaluer la mise en œuvre du plan de relance", et de "prévoir des ajustements en fonction des résultats". Enfin, le HCC recommande d'améliorer les méthodologies d’évaluation en regard du climat en prenant comme référentiel la trajectoire bas-carbone de la France et non l’existant.