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Commande publique - Le Parlement européen juge inutile une réglementation sur les concessions de services

Faut-il ou non modifier, à court terme, la réglementation européenne en matière de marchés publics (et notamment les deux directives de 2004)? Non, viennent de répondre les députés européens en adoptant le rapport de la députée allemande Heide Ruhle (Verts). Et ce pour une raison simple : on ne peut pas encore savoir si ces directives de 2004 et la directive Recours de 2007 sont bonnes ou pas car plusieurs Etats membres ne les ont pas encore transposées. Mais au-delà de cette question du calendrier de la révision des directives (sur ce point, voir notre article ci-contre du 7 mai 2010), les parlementaires entendent par ce rapport rappeler à la Commission européenne qu'ils ont un rôle essentiel à jouer sur la réglementation de l'achat public. Ils ont donc mis noir sur blanc les principes qui doivent selon eux prévaloir pour faire évoluer le droit européen en la matière.

 

Coopération entre deux structures publiques et concessions de services : bravo à la CJUE!

Les parlementaires rappellent tout d'abord que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêt du 9 juin 2009 C480/06) a estimé que le droit communautaire ne prescrivait aucune forme juridique spécifique aux organismes publics pour coopérer entre eux. Qu'il n'y a donc pas lieu lorsqu'il s'agit d'une tache publique, accomplie exclusivement par des organismes publics (et pour eux) de respecter les directives Marchés publics. Les parlementaires se félicitent de cette jurisprudence et souhaitent qu'elle soit davantage diffusée aux Etats membres.
Sur les concessions de services (en droit français, délégation de service public et contrats de partenariat notamment), les députés sont également satisfaits des jurisprudences récentes de la CJUE. Et notamment de l'arrêt du 10 septembre 2009 : dans cet arrêt, la CJUE a en effet jugé que les pouvoirs adjudicateurs peuvent, s'ils estiment que la concession est la meilleure manière d'assurer un service d'intérêt général, choisir ce véhicule juridique pour lequel ils n'ont pas besoin de respecter les directives Marchés publics. Et ce, même si le risque associé à l'exploitation est très limité, l'important étant que ce risque soit transféré à l'opérateur. Ces bonnes nouvelles jurisprudentielles se suffisent à elles-mêmes, elles sont claires : "Un acte législatif relatif aux concessions de services est donc inutile" pour le moment, estiment les parlementaires.

 

Concessions de services : faut-il une directive spécifique ? 

Or, c'est sur ce point qu'il y a eu débat : le groupe socialiste - qui s'est abstenu lors du vote précisément en raison de son désaccord sur cette question - souhaitait qu'une directive grave dans le marbre ces décisions des juges européens. Ce nouveau texte éviterait de prendre le risque d'un retournement de jurisprudence. Ensuite, il constituerait un outil spécifique pour protéger les opérateurs publics dans l'exercice de leurs missions d'intérêt général. Ces concessions pourraient ainsi rester exclues du champ d'application des directives Marchés publics, en maintenant aux opérateurs publics des règles de procédure assouplies pour exercer leurs missions d'intérêt général.
La Commission de son côté souhaite également mettre en chantier un texte sur ces concessions : elle estime que le droit actuel n'est pas clair. Mais la question est ensuite de savoir quel sera le contenu précis de ce texte : côté Commission on souhaite rapprocher les concessions de service des autres contrats soumis au droit européen, et donc en résumé adopter des règles de passation plus contraignantes.
Enfin, lors des débats préalables au vote de la résolution, Antonio Tajani, vice-président de la Commission, a déclaré : "En ce qui concerne une éventuelle initiative sur les concessions, la Commission assume la charge de la preuve et travaille à l'analyse d'impact qui sera finalisée en 2010. Cette évaluation constitue le préalable à toute éventuelle initiative législative en la matière. S'il se révèle que le cadre juridique actuel freine le développement économique ou le développement d'un nouveau service d'intérêt général d'une meilleure qualité, sans doute faudra-t-il alors y remédier par plus de transparence, de sécurité juridique et de clarté des règles applicables."

Cependant, incontestablement, cette résolution des parlementaires européens devrait assurer aux acheteurs français que la réglementation des délégations de service public n'évoluera pas à court terme. Une nouvelle qui devrait au moins réjouir la direction des affaires juridiques de Bercy : Catherine Bergeal a estimé, le 26 mars 2010, que si la Commission souhaitait que les concessions de services respectent des procédures aussi lourdes que les marchés publics, il n'était pas urgent de mettre cet ouvrage sur le métier (voir notre article ci-contre).

 

Hélène Lemesle

 

Références : Rapport sur l'évolution de la passation de marchés publics de Heide Rühle(2009/2175(INI) ; Parlement européen, débats du lundi 17 mai 2010; Communiqué de la délégation socialiste française au Parlement européen.