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Sport - Le mouvement olympique menace de boycotter le Conseil national du sport, le nouvel organe de gouvernance du sport

En quittant le conseil d'administration du Centre national pour le développement du sport, le 2 juillet, le mouvement olympique français exprime son mal-être face à un ministère des Sports qu'il juge omniprésent. Son coup de force vise à mettre la pression sur Valérie Fourneyron à trois jours de l'installation du Conseil national du sport, censé refonder la gouvernance du sport. Sa préoccupation de fond : défendre le principe de subsidiarité. Et donc mieux reconnaître le rôle des acteurs locaux, que ce soit le mouvement sportif... ou les collectivités.

La lutte n'est pas sûre de figurer au programme des prochains Jeux olympiques. Son absence serait dommageable au sport français. Celui-ci a en effet montré le 2 juillet, à l'occasion du conseil d'administration du Centre national pour le développement du sport (CNDS), de belles dispositions pour cette discipline. En maillot bleu, Valérie Fourneyron, ministre des Sports, venue défendre la réforme des critères d'intervention du CNDS. En maillot rouge de colère, Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNSOF). Cette réforme des critères d'intervention, ou plutôt, dans un premier temps, la présentation d'un état des lieux détaillé préalable à la réalisation d'un diagnostic partagé, figurait en dernier point à l'ordre du jour du conseil d'administration. "Nous avons attendu que toutes les résolutions aient été votées pour demander une suspension de séance à l'issue de laquelle nous avons indiqué qu'il nous semblait que les conditions de la concertation n'étaient pas remplies et que nous souhaitions quitter la séance", raconte Denis Masseglia à Localtis. Est-ce ce point précis qui a irrité le président du CNOSF ? Pas vraiment. "La ministre demandait à chacun de réfléchir pendant les vacances pour que l'on puisse à la rentrée avoir des réunions sur le sujet. C'était un appel à une forme de concertation", concède-t-il. Mais alors, quelle mouche l'a donc piqué ?

"L'Etat veut tout faire alors qu'il y a d'autres acteurs majeurs"

Au centre des griefs du CNOSF, le 2 juillet, figure la situation du Comité français du sport international (CFSI), mis en place cet hiver pour muscler la présence du sport français dans les instances internationales et éviter de reproduire les déconvenues des dernières candidatures à l'organisation des Jeux olympiques. "L'an dernier, il y avait 850.000 euros attribués par le CNDS en faveur des actions internationales des fédérations (déplacements d'élus, d'arbitres, etc.), explique Denis Masseglia. Dans un souci de cohérence, nous étions tous d'accord pour que ce soit le CFSI qui gère cette enveloppe, en plus d'autres actions ayant trait au rayonnement international de la France. Or, pour cet ensemble, le CNDS a voté un crédit de 500.000 euros, soit 35% de moins que ce qui était accordé auparavant aux seules actions des fédérations. On a indiqué que ça n'était pas raisonnable. Je comprends que la situation économique impose une réduction des dépenses, mais c'est loin d'être le premier poste de dépenses du CNDS." Voilà pour la goutte qui a fait déborder le vase lors du dernier conseil d'administration. Mais ce point est loin d'être le seul à irriter Denis Masseglia.

"La question qui dérange"

Depuis sa réélection à la tête de son organisation, le 23 mai dernier, le président du CNOSF répète à qui veut l'entendre que le principe de subsidiarité qu'il appelle de ses vœux n'est pas appliqué. "L'Etat veut tout faire alors qu'il y a d'autres acteurs majeurs dans le dispositif, soit qu'ils financent, comme les collectivités territoriales, soit qu'ils agissent, comme le mouvement sportif, soit qu'ils sont en devenir comme le monde économique, se plaint Denis Masseglia. Tant que l'Etat ne partage pas la moindre décision, toutes les réunions de concertation sont vouées à générer de la frustration et à pénaliser l'esprit d'initiative. On est le seul pays à avoir ce modèle, qui date des années 1960 et que le ministère ne veut pas faire évoluer. C'est un vrai problème de gouvernance."
La gouvernance du sport, Valérie Fourneyron s'est justement engagée à la réformer en créant le Conseil national du sport (CNS). Et en claquant la porte du CNDS à trois jours de l'installation du CNS, vendredi 5 juillet, le CNOSF veut clairement mettre la pression sur le ministère pour établir un rapport de forces qui lui soit plus favorable. "La manifestation d'hier est un signal d'alarme pour demander que cela évolue, affirme Denis Masseglia. C'était l'expression d'une forme de frustration par rapport à des dossiers sur lesquels le point de vue du mouvement sportif n'a absolument pas été entendu et où on s'est retrouvé avec des décisions brutales parfois unilatérales. La seule évolution possible va dans le sens d'une clarification des rôles et de la subsidiarité." Et le président du CNOSF d'évoquer la suppression du Cafemas (lire notre article du 22 avril ci-contre) ou, plus largement, le fait que "trois clubs sur quatre ne font pas de demande de subvention au CNDS car les sommes à en tirer ne sont pas à la hauteur des difficultés qui existent pour monter un dossier". "C'est peut-être la question qui dérange, pointe Denis Masseglia. Les dossiers entretiennent tout un système. C'est de ça dont il faudrait qu'on parle."

"Le CNOSF n'est pas tout le mouvement sportif"

Réuni en séminaire mercredi et jeudi, le CNOSF doit décider s'il assistera ou non à l'installation du CNS. "Les sollicitations dont nous faisons l'objet ont été multipliées par dix en quatre ans, et nos élus ont pour la plupart des fonctions fédérales. Alors répondre positivement, oui, mais pour que cela serve à quelque chose. Si on a le sentiment de ne pas être entendus, on peut avoir le souci de rentabiliser au mieux notre emploi du temps…"
Joint par Localtis, le ministère des Sports "regrette que le CNOSF soit parti au moment où s'ouvraient des discussions extrêmement importantes sur la concertation autour des critères d'éligibilité aux subventions du CNDS, au moment où il y avait un dialogue". Tout comme il regretterait l'absence du CNOSF à l'installation du CNS si elle survenait. Mais cela "n'empêchera pas d'avancer. Le CNOSF n'est pas tout le mouvement sportif, nous travaillons également en direct avec les fédérations", commente-t-on du côté de l'avenue de France. La lutte est bel et bien engagée. Mais elle risque, dans un premier temps, d'avoir lieu à distance. Les collectivités, de leur côté, pourraient se mêler à la bagarre. Président de l'Association nationale des élus en charge du sport (Andes), Jacques Thouroude juge qu'"on ne peut rien faire sans le mouvement sportif ni sans la participation de l'Etat et de toutes les collectivités. Or, pour l'instant nous n'avons pas une place à égalité avec les autres." La mise en oeuvre du CNS semble plus urgente que jamais.

Jean Damien Lesay

CNDS : l'enveloppe du CNOSF en baisse de 7%
Lors de son conseil d'administration du 2 juillet, outre la mise en route de la procédure de réforme de ses critères d'intervention, le CNDS a acté :
- le soutien financier à 7 grandes compétitions internationales de référence qui se dérouleront en France entre 2013 et 2015 ;
- les subventions au Comité national olympique et sportif français (CNOSF) à hauteur de 7,7 millions d'euros, en baisse de 7% par rapport à la moyenne de la période 2009-2012 (contre -30% pour l'ensemble de l'enveloppe nationale), et au Comité paralympique et sportif français (CPSF) à hauteur de 0,7 million ;
- le nom du bénéficiaire physique de la subvention d'un montant de 20 millions d'euros attribuée en mars 2012 par le CNDS pour la construction du stade de l'Euro 2016 à Lyon, en l'occurrence la Foncière du Montout, filiale de l'Olympique lyonnais.