Le monde de la médiation numérique veut gagner en lisibilité auprès des territoires
A l'occasion de son assemblée générale du 16 novembre, la MedNum a désigné son premier président pérenne. Un pas de plus vers la structuration d'un écosystème national de la médiation numérique, en gestation depuis plusieurs années déjà. En groupant des acteurs traditionnels de l'éducation populaire, des créateurs de tiers-lieux et de formations numériques, ainsi que des acteurs publics, cette Scic se propose de rendre les talents des médiateurs numériques plus lisibles et accessibles pour les entreprises et la puissance publique, notamment les collectivités locales. En effet, face au constat lancinant d'une "fracture numérique", les propositions d'action territoriale se succèdent sans forcément se coordonner, du traditionnel "espace public numérique" au nouveau "tiers-lieu", qui retient désormais toute l'attention des exécutifs régionaux.
Les Rencontres ouvertes du multimedia et de l'internet citoyen et solidaire, ou Roumics : à la mi-novembre, c'est à l'occasion de cet événement de médiation numérique roubaisien que la Scic (société coopérative d'intérêt collectif) MedNum, censée représenter l'ensemble de l'écosystème national du secteur, a tenu une nouvelle assemblée générale. Alors que les Roumics se penchaient cette année sur le thème des communs, en vogue ces dernières années parmi les avocats de l'action publique collaborative, le concept conviendrait sans doute aussi à ce que les acteurs de la médiation numérique souhaitent réaliser au travers de la MedNum.
"Le numérique peut faciliter les échanges entre les individus et les cultures, favoriser l’accès aux droits, améliorer l’appropriation de savoirs, moderniser les liens entre citoyens et institutions... Encore faut-il qu’il soit accessible à tous, utilisable et appropriable par tous", détaillent les statuts de cette société coopérative d'intérêt collectif, fondée à la mi-2017. Cette Scic constitue l'aboutissement de plusieurs années de réflexion, destinées à rendre l'écosystème de la médiation numérique plus visible et efficace auprès de ses potentiels commanditaires, notamment les collectivités.
Il y a près d'un an, Axelle Lemaire, alors secrétaire d'Etat au Numérique, avait annoncé la création de cette coopérative lors des Assises nationales de la médiation numérique à Mende, en Lozère. Outre la mission de représenter l'écosystème, la MedNum agira comme une structure de mutualisation de coûts au service des médiateurs numériques en région : elle les mettra en relation pour porter des projets communs et les rendra plus visibles auprès de ceux qui souhaitent recourir à des études et des projets de médiation. "La Scic aura une approche par le faire. On ne va pas produire beaucoup de notes ou de rapports, on est là pour mener et coordonner des actions concrètes", rappelle Emmanuel Vandamme, nouveau président de la MedNum depuis le 16 novembre.
Les collectivités partagées entre EPN et tiers-lieux
Du côté des territoires, le besoin d'une meilleure visibilité sur l'action de médiation numérique se fait sentir. Longtemps, les collectivités locales ont souhaité contribuer à l'apprivoisement du numérique par la population par le biais des politiques de "cyber-bases" ou encore d'espaces publics numériques (EPN). Or, depuis quelques années, des tiers-lieux, basés sur une offre d'espace de travail pour les entreprises et indépendants, se développent un peu partout en France sans forcément passer par la case subvention. "Dans les collectivités, on doit relever le défi de penser le numérique en étant tout à la fois inclusifs, créatifs, et innovants", analyse Emmanuel Vandamme. "Certains territoires ont pris le virage des tiers-lieux et font du numérique un outil de développement économique, quand d'autres restent attachés aux espaces publics numériques et à la médiation. La MedNum doit être un espace pour faire converger ces deux tendances : accompagner les acteurs traditionnels de la médiation vers l'innovation, tout en éveillant les tiers-lieux à leur rôle de médiation."
Des modèles économiques à réinventer
Dans cette recomposition de la présence des lieux numériques sur les territoires, l'enjeu du financement est central. Alors que la survie des espaces publics numériques reposait notamment sur les subventions, les choses changent peu à peu. "Il y a vingt ans, le numérique se situait encore dans une logique de rareté", ajoute Emmanuel Vandamme auprès de Localtis. "Le matériel était coûteux. Nous sommes entrés dans une période bien différente, où l'enjeu pour les citoyens n'est pas la maîtrise technique, mais l'apprivoisement d'une culture numérique, pour en faire une occasion d'émancipation. Dans ce cadre, il semble naturel que l'Etat mette moins la main à la poche." En effet, si l'Etat est présent dans la Scic par l'intermédiaire de l'Agence du numérique, il a prévenu qu'il n'entendait pas porter l'écosystème à bout de bras. "L'Etat va créer les conditions du dialogue, en se positionnant comme facilitateur", confirme Emmanuel Vandamme.
La médiation numérique se situe encore dans une phase de transition. Pour les acteurs traditionnels des EPN et de l'éducation populaire, la refonte des modèles économiques des lieux numériques peut être vécue comme une incursion des logiques de marché. Mais il s'agit, avant tout, d'une convergence entre des usages autrefois distincts : médiation, télétravail, co-working, formation professionnelle... Il existe, par exemple, de fortes synergies entre les lieux de médiation numérique, et le programme de Grande Ecole du numérique (GEN) lancé sous le quinquennat Hollande. "Mais l'objectif d'impact social doit rester primordial", conclut Emmanuel Vandamme. En tentant l'alliage de la médiation et de l'innovation, la MedNum fait le pari que dans les territoires, les lieux numériques resteront des lieux à la portée de tous tout en réussissant leur mutation.