Habitat - Le mal-logement des personnes âgées : un phénomène sous-estimé
Le récent rapport 2009 de la Fondation Abbé-Pierre sur le mal-logement a mis en lumière un phénomène peu exploré : les conditions de logement très précaires de certaines personnes âgées. Le rapport y consacre un long focus d'une soixantaine de pages. S'il ne nie pas l'amélioration globale du niveau de vie des personnes âgées - qui disposent en moyenne d'un patrimoine, y compris immobilier, nettement supérieur à celui des actifs -, ce document souligne l'ampleur des écarts et l'importance des situations de précarité. Celles-ci concernent en premier lieu les 600.000 bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) - ex-minimum vieillesse -, qui vivent sous le seuil de pauvreté. Autre explication avancée : la fin de ce que le rapport appelle "la parenthèse heureuse", autrement dit la période qui a vu, depuis les années 1960, le rattrapage du niveau de vie moyen des actifs par les retraités. Selon la Fondation Abbé-Pierre, ce rattrapage s'est interrompu et "le recul de la pauvreté des personnes âgées enregistré sur une longue période est aujourd'hui enrayé". Entre 1996 et 2005, la progression du niveau de vie des plus de 65 ans aurait ainsi été inférieure à celle observée pour les actifs. L'allongement de la durée de cotisations et le développement du travail à temps partiel devraient contribuer à amplifier ce phénomène dans les prochaines années. Aux écarts importants de revenus entre personnes âgées s'ajoutent en outre les différences tout aussi fortes liées à l'état de santé et au degré d'autonomie.
S'il manque de chiffres précis, le rapport de la Fondation Abbé-Pierre montre néanmoins que le phénomène de mal-logement chez les personnes âgées est très largement sous-estimé. Les plus de 65 ans consacrent en moyenne au logement une part de leurs revenus plus importante que le reste de la population (19% contre 17,7%). Même si les personnes âgées bénéficient de mesures protectrices (interdiction d'expulsion, non-application des mesures sur la fluidité du parc social prévues par le projet de loi de mobilisation pour le logement...) et d'aides spécifiques (allocation de logement sociale), elles ont souvent du mal à assumer la charge du logement. Le regain des viagers depuis quelques années témoigne de ces difficultés, de même que la croissance du nombre de plus de 50 ans parmi les dossiers soumis aux fonds de solidarité logement (FSL) départementaux. La perte d'autonomie ne fait qu'accroître ces difficultés. En dépit des aides à l'aménagement et à l'adaptation du logement - versées par l'Agence nationale de l'habitat (Anah) et par certains départements -, le rapport estime que seuls 13% des octogénaires vivent dans un logement dont l'état est adapté à leur degré d'autonomie. Concernant l'hébergement en établissement, le rapport souligne l'importance des écarts entre départements en termes de nombre de places. Il montre également que le reste à charge dans les différentes catégories de maison de retraite est en moyenne de 1.617 euros, mais avec de fortes disparités. Conséquence : "près de 80% des personnes en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) doivent faire appel aux ressources de leurs proches pour financer leur prise en charge ou mobiliser une partie de leur patrimoine", lorsqu'elles en ont un.
Jean-Noël Escudié / PCA