Le logement des jeunes est "une urgence sociale", alertent le CNH et le COJ

La crise du logement des jeunes est "sans précédent", pour le Conseil national de l’habitat (CNH) et le Conseil d'orientation des politiques de jeunesse (COJ). Ces deux instances appellent à résoudre cette crise par différents prismes : les ressources financières, l'accompagnement social et l'offre de logements adaptés. Elles préconisent de définir une programmation pluriannuelle et de renforcer le pilotage et la coordination locale, en s'appuyant sur les intercommunalités comme chefs de file. 

En matière de logement des jeunes, "il faudra bâtir avec toutes les forces productives une vraie réponse sur cette question car nous n'avons pas assez avancé sur ce sujet", affirmait le président de la République en juin 2024. Dans leur rapport intitulé "Le logement des jeunes : une urgence sociale !" publié fin janvier 2025, le Conseil national de l'habitat (CNH) et le Conseil d'orientation des politiques de jeunesse (COJ) rappellent l'acuité du problème. 

"L'ampleur de la crise du logement est sans précédent : près de 5 millions d'adultes vivent chez leurs parents (dont 1,3 million âgés de 25 ans et plus), soit un chiffre en hausse de 250.000 personnes en sept ans", indiquent ces deux instances qui ont croisé leurs analyses pour mieux tirer la sonnette d'alarme. Si "la question du logement des jeunes fait partie d'un problème de société plus vaste, d'une crise structurelle qui frappe l'ensemble du pays", les deux conseils rappellent en effet que "les jeunes générations sont confrontées à une précarisation croissante" et que l'absence de "logement stable et adapté" est "un frein à leur insertion professionnelle". 

Ce rapport analyse en profondeur les enjeux des ressources financières – notamment concernant les jeunes issus de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ou encore ceux qui connaissent des problématiques particulières -, mais également les carences de l'offre actuelle par rapport aux besoins des jeunes, à partir des réflexions de la commission insertion des jeunes du COJ, présidée par Antoine Dulin, et du groupe de travail "Logement des jeunes" du CNH, piloté par Aude Pinault de l'Union nationale pour l’habitat des jeunes (Unhaj) et Jean-Luc Berho. 

Une offre de logements adaptés insuffisante et des taux de rotation "grippés"

Une spécificité est en particulier soulignée : la surreprésentation des jeunes dans le parc privé. Les 6,2 millions de jeunes de 15 à 29 ans "décohabitants" (ne vivant ni pas chez leurs parents ou un autre membre de leur famille) sont d'abord locataires du parc privé : 70% des moins de 25 ans et 52% des 25 à 29 ans (un taux qui passe ensuite à 32% pour les 30-39 ans du fait de l'accès à la propriété, puis qui continue à diminuer pour atteindre 10,5% pour les populations les plus âgées). Ces jeunes sont donc les premiers à subir la hausse des prix des loyers dans les bassins d'emploi, mais également la concurrence accrue par le développement des meublés de tourisme. 

Et, s'ils y sont davantage éligibles que les autres classes d'âges du fait de leurs niveaux de ressources, les jeunes sont sous-représentés dans le logement social (si l'on prend en compte la part de propriétaires, 5% des jeunes contre près de 60% dans la population générale) notamment du fait d'une moindre sollicitation

Quant au logement spécifiquement dédié aux jeunes, "le nombre de places est extrêmement limité au vu de la demande", soulignent les auteurs : 
- de l'ordre de 50.800 places en foyer de jeunes travailleurs (FJT) ;
- 11.600 places dans des résidences sociales jeunes actifs ;
- 176.900 lits dans les Crous ;
- 5.000 logements dits "article 109" de la loi Elan. 
En outre, "les taux de rotation dans les différents parcs locatifs sont grippés : les jeunes habitant le parc dédié comme les FJT ont de plus en plus de mal à sortir vers du logement locatif privé ou social, ces derniers étant bloqués notamment par le manque d'accès à la propriété de leurs propres locataires", est-il souligné. 

Soutenir la construction de "petites typologies" de logements sociaux

Le COJ et le CNH appellent donc la puissance publique à soutenir la construction de petites typologies de logements sociaux de droit commun via une programmation pluriannuelle, tout en confortant le modèle économique des résidences sociales. Des objectifs de production, définis "à l’échelle régionale voire départementale", devront s'appuyer sur les documents locaux de programmation et impliquer "les collectivités, les Crous, les universités et les organismes de logement social" et mobiliser "les fonciers de l'État disponibles", recommandent les deux conseils. 

En termes de pilotage, le COJ et le CNH appellent à davantage de suivi et de cohérence par la mise en place d'"une animation nationale et territoriale des plans gouvernementaux qui portent sur le développement d'une offre de logement jeune" - en référence à l'engagement de fin 2023 du gouvernement Borne sur la production de 35.000 nouveaux logements étudiants (voir notre article). Autres gages de cohérence identifiés : le partage d'informations entre collectivités et autres acteurs locaux "dans le cadre d'OTLE [observatoires territoriaux du logement étudiant] élargis" et la désignation localement d'un chef de file. "Avec le soutien de l'État, les structures intercommunales ont vocation à jouer [ce] rôle", est-il mis en avant. 

57 recommandations

Toute une partie du rapport est par ailleurs dédiée à l'accompagnement des jeunes "vers et dans le logement". En tout, 57 recommandations sont formulées. Parmi celles qui sont soutenues de façon unanime par les membres des deux conseils, on peut citer : 
- l'augmentation du montant de l'allocation associée au contrat d'engagement jeune (CEJ) "en y intégrant un forfait logement et en allongeant sa durée afin que les bailleurs considèrent cette allocation comme une ressource stable" ;
- la mise en œuvre des préconisations du rapport du COJ et du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) concernant l'accompagnement des jeunes majeurs de la protection de l'enfance (voir notre article) ;
- le développement du nombre de places "un chez soi d'abord Jeune" cela "au regard de l'évolution croissante des problématiques de santé mentale chez les jeunes" ;
- la sécurisation des structures qui se consacrent à l'information et l'accompagnement des jeunes sur ce sujet ;
- le financement de "l'accompagnement au sein des Foyers de jeunes travailleurs (FJT), tant sur l'aspect de la gestion locative sociale que sur l'aspect de l’action socio-éducative" ;
- davantage de soutien à la production, à la rénovation, à l'accès à la propriété et à des formules expérimentales ayant "fait leurs preuves localement" (par exemple les "appartements école" visant à développer l'autonomie du jeune dans un cadre sécurisé).