Le lent déclin du patrimoine religieux

Une enquête de la Conférence des évêques de France sur les églises dresse le portrait d'un patrimoine qui, sur le temps long, se désagrège inexorablement. Ce qui n'empêche pas d'importants usages en dehors des cultes, notamment culturels. 

Alors que la cathédrale Notre-Dame de Paris rouvre ses portes au public dimanche 8 décembre après plus de cinq ans de travaux dus à l'incendie qui l'a endommagée au printemps 2019, la Conférence des évêques de France (CEF) vient de rendre publics les résultats d'une grande enquête sur le patrimoine religieux. Réalisée dans le cadre des états généraux du patrimoine religieux, lancés en septembre 2023, cette enquête, à laquelle ont répondu 87 des 94 diocèses métropolitains territoriaux, laisse apparaître une lente désagrégation.

Le premier enseignement de cette enquête porte sur la propriété des édifices religieux. En 1789, l'Assemblée nationale constituante avait nationalisé les biens du clergé : de cette disposition, il résulte aujourd'hui que 40.068 édifices cultuels sont des propriétés communales. Toutefois, 2.145 églises demeurent propriétés des diocèses catholiques. Et puisque l'actualité nous fait tourner la tête vers Notre-Dame de Paris, précisons que si l'État est propriétaire de 87 cathédrales en France, 52 sont la propriété d'une commune, une est détenue par la Collectivité de Corse, quatre appartiennent à des diocèses et cinq à d'autres propriétaires.

Les désacralisations en forte hausse

On remarque par ailleurs une très forte accélération du nombre de désacralisations d'églises. Alors qu'on en dénombrait 137 entre 1905 et 2015, on en comptait 411 en 2023. Autrement dit, 274 églises ont été désacralisées en moins de dix ans. Tout aussi rapide est la désaffectation des édifices cultuels communaux : 140 de 1905 à 2015, puis 186 depuis dix ans. Pour rappel, aux termes de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État, la désaffectation d'une église peut être décidée, à la demande de la commune, si aucune célébration du culte n'y a été faite pendant six mois consécutifs, hors cas de force majeure, en cas d'insuffisance d'entretien ou encore si les prescriptions relatives aux monuments historiques ne sont pas observées.

Parallèlement à ces phénomènes, 72 démolitions d'édifices cultuels ont été enregistrées depuis l'an 2000 et 1.679 églises sont actuellement fermées à l'année. Ces fermetures peuvent résulter de problèmes sanitaires, du dépeuplement du territoire, de questions de sécurité, de la tenue de travaux, de leur inutilisation, d'arrêtés de mise en péril, etc. Parmi les autres problèmes constatés, l'enquête précise que 2.666 églises ont été cambriolées, 1.476 dégradées et 396 profanées depuis 2000. À l'inverse, on relève que 16 églises sont en cours de construction en 2024.

Une forte dimension extra-cultuelle

Un autre pan de l'enquête de la CEF porte sur les usages extra-cultuels des églises, notamment en termes d'animation culturelle. Parmi les diocèses ayant répondu aux questions sur ce thème, soit plus des deux tiers, 98,5% participent aux Journées du patrimoine et 100% recensent des "usages compatibles" avec la dimension "hospitalière et missionnaire" des églises.

Ces usages peuvent avoir une visée caritative et solidaire, par exemple à travers l'accueil organisé de pèlerins (dans 29 diocèses), l'accueil des plus démunis (26) ou la distribution de colis alimentaires (19). Ils peuvent en outre revêtir une dimension œcuménique, par l'accueil de rites orientaux, protestants, orthodoxes, anglicans ou évangéliques.

Mais cette dimension "hospitalière et missionnaire" porte plus souvent encore sur des usages touristiques ou culturels. Ainsi, 64 diocèses proposent des visites avec accompagnateurs, 64 organisent des concerts, 55 donnent des classes d'orgues. Ils sont également majoritaires à proposer des conférences, expositions et spectacles. On en recense enfin 15 qui permettent des dépôts de bibliothèque. Pour permettre ces activités extra-cultuelles, l'enquête nous apprend que 39% des églises sont ouvertes régulièrement et que 47% sont équipées d'un accueil permanent pour les personnes à mobilité réduite.