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Décentralisation - Le Haut Conseil des territoires : le Sénat n'en veut pas

"On compte assez d'instances consultatives et autres comités Théodule en France. Et puis, je croyais que c'était le Sénat qui représentait les territoires ! Le gouvernement veut-il la fin du Sénat ?" Le ton était donné. En s'exprimant ainsi, le sénateur centriste Vincent Delahaye, suivi par nombre de ses homologues, attaquait de front le projet de Haut Conseil des territoires constituant le tout premier article du projet de loi de décentralisation. Jusqu'à ce que finalement, le Sénat vote contre la création de cette nouvelle instance.
Petit retour en arrière. Initialement, le Haut Conseil des territoires ne figurait pas dans ce projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles mais était prévu pour le troisième des trois projets de décentralisation portés par Marylise Lebranchu. Ce que d'aucuns, dont le président de l'Association des maires de France, avaient regretté. C'est en juillet dernier, lors de l'examen du texte en première lecture, en commission, par l'Assemblée nationale, que ce haut conseil a été introduit dans le premier texte.
Marylise Lebranchu l'a d'ailleurs rappelé mercredi 2 octobre lorsque les sénateurs ont attaqué leur deuxième lecture du projet de loi : "C'est le rapporteur de l'Assemblée nationale qui a tenu à insérer dans ce premier texte la création du Haut Conseil des territoires, et avec lui la Commission nationale d'évaluation des normes, qu'il ne voyait pas prospérer assez vite (…). Avec le Haut Conseil, il s'agit de créer un lieu dévolu non pas à l'examen des lois mais à la concertation entre l'exécutif national et les exécutifs locaux, à l'évaluation de l'impact des textes législatifs ou réglementaires au niveau local. Et l'opposition elle-même souhaitait qu'il eût existé un lieu de discussion ! En aucun cas, cela ne remet en cause le Sénat." Une chose est sûre en tout cas : on entend si souvent - et depuis si longtemps - les élus locaux déplorer l'absence de lieu permanent de dialogue Etat-collectivités... que ce haut conseil avait a priori de quoi répondre à une vraie attente.
Et pourtant, les opposants au haut conseil ont par exemple dénoncé une "véritable reprise en main des collectivités territoriales et de leur organisation par le gouvernement". Au final, 185 sénateurs, UMP, centristes et RDSE, ont adopté deux amendements similaires, l'un centriste et l'autre du groupe RDSE, demandant sa suppression. 33 ont voté contre, dont les communistes et les écologistes. Les socialistes se sont abstenus à l'exception notable du rapporteur du texte, René Vandierendonck, qui a voté pour les amendements.

Une CTAP light

Pour le reste, le Sénat s'est en partie attaché ces 2 et 3 octobre à réaffirmer les choix déjà faits en commission les 18 et 19 septembre derniers (voir ci-contre notre article du 23 septembre) – et donc à rétablir ce qu'il avait voté en première lecture.
Les sénateurs ont ainsi rétabli leur propre version de la Conférence territoriale de l'action publique (CTAP) telle qu'ils l'avaient adoptée en première lecture, allégeant le dispositif adopté par l'Assemblée qu'ils ont jugé "complexe". Les modifications apportées à l'Assemblée nationale "ne paraissent pas compatibles avec l'objectif d'efficacité qui doit animer tout outil destiné à rationaliser les compétences et leur coordination entre les collectivités locales", a fait valoir René Vandierendonck. "Il n'est pas inutile de se réunir pour organiser l'action commune, mais nous avons choisi un format light", a-t-il dit. "Le texte initial créait un monstre technocratique mettant tout le monde sous tutelle", a estimé Jean-Jacques Hyest (UMP). "Vu la position de l'Assemblée nationale, il serait plus sage que le Sénat vote la version allégée du rapporteur", a-t-il ajouté. Le Sénat a par ailleurs adopté un amendement de Jacques Mézard (RDSE) supprimant la présidence de droit de la CTAP au président du conseil régional.

Numérique : "Le mieux est qu'il n'y ait pas de chef de file"

Dans la nuit de mercredi à jeudi, les sénateurs ont repassé au crible l'article 3 sur les compétences et les chefs de file. Entre autres, le bloc communal redevient chef de file en matière de développement local, d'aménagement de l'espace et d'offre de services publics de proximité.
Parmi les autres amendements adoptés, on relèvera celui d'Yves Rome sur le numérique tendant à sortir de la partie de ping-pong entre départements et régions sur le fait de savoir qui doit être chef de fil en matière d'aménagement numérique (voir notre article ci-contre). Vincent Eblé, sénateur et président de la Seine-et-Marne, l'a défendu en ces termes : "Il ne peut y avoir de projet ambitieux d'aménagement numérique sans la participation financière de tous les échelons - en Ile-de-France, c'est 50/50. Chacun d'eux étant appelé à participer, il a davantage de poids dans la négociation sur les priorités et la cohérence de l'ensemble. Il vaut mieux faire confiance en l'intelligence des négociations locales que braquer une catégorie d'acteurs par une disposition qui affecterait le chef de filat à un niveau ou à un autre." Son collègue Alain Richard a de même conclu : "Quand une controverse a un caractère symbolique, identitaire, et que personne ne peut trancher, le mieux est qu'il n'y ait pas de chef de file." L'argument a fait mouche. Anne-Marie Escoffier s'en est remise à la sagesse du Parlement.
Après ce volet compétences, le Sénat a adopté l'article 20 portant création de la métropole de Lyon. Plus difficile, il devait s'attaquer ce jeudi après-midi à la création de la métropole Grand Paris, déterminés cette fois à aboutir à un texte à l'issue de travaux qui devraient se prolonger dans la soirée et vendredi.
On relèvera enfin une précision apportée par Marylise Lebranchu : c'est en janvier 2014 que le Parlement discutera le deuxième volet du triptyque législatif sur la décentralisation.

 

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