Intercommunalité - Le gouvernement veut son "Grand Marseille"
"Le fait que l'Etat se saisisse de l'agglomération marseillaise ne saurait être interprété comme une stigmatisation ou une mise sous tutelle." Pour cette première rencontre interministérielle consacrée à une agglomération, en dehors du Grand Paris, le Premier ministre a pris quelques précautions dans son allocution, jeudi 6 septembre. Mais les élus ont diversement apprécié cette intervention de l'Etat dans leur giron, intervention qui va se traduire par la création d'une grande métropole d'1,8 million d'habitants avec un statut particulier, regroupant cinq intercommunalités autour de la communauté urbaine Marseille Provence Méditerranée (Pays d'Aubagne, Pays d'Aix, Pays de Martigues, Salon-Etang de Berre, Ouest-Provence-Istres). Ce qui impliquerait un partage des ressources. Car au-delà de la sécurité, thème qui a motivé la tenue en urgence de cette réunion après une série de règlements de comptes sanglants ces derniers mois, c'est toute l'administration de Marseille qui doit être repensée pour retrouver le "chemin du développement économique". "Ma conviction est que l'agglomération marseillaise a tous les atouts pour devenir une grande métropole et le pôle de rayonnement dont la France a besoin au sud du bassin rhodanien et sur la rive nord de la Méditerranée", a martelé Jean-Marc Ayrault, dénonçant des années d'inertie. Encore a-t-elle besoin d'un électrochoc, si on en juge par les nombreux rapports de la Cour des comptes pointant le gâchis du port qui ne cesse de perdre des parts de marché, au profit de Malte ou Barcelone, dans un contexte de grèves à répétitions…
Un préfet chargé de l'agglomération
L'Etat entend ni plus ni moins créer un poste de préfet chargé de la stratégie de l'agglomération, placé auprès du préfet de région. Quant aux compétences de cette métropole, elles toucheraient tout à la fois les transports urbains, l'environnement, le développement économique, l'enseignement supérieur et la rénovation urbaine, a précisé Jean-Marc Ayrault.
Ce scénario a provoqué une vive colère des intercommunalités voisines qui ne voient pas pourquoi elles devraient mettre la main au porte-monnaie pour venir en aide à Marseille. "Il n'y a pas la moindre feuille de papier à cigarettes entre nous. Les élus locaux de tous bords sont vent debout contre la métropole Marseille", a aussitôt réagi la présidente UMP de la communauté urbaine du Pays d'Aix, Maryse Joissains. Les huit intercommunalités du département des Bouches-du-Rhône, en dehors de Marseille Provence Méditerranée, ont d'ailleurs leur propre projet de pôle métropolitain, le nouvel outil de la réforme des collectivités. Projet qu'elles devaient justement entériner ce vendredi. "Le gouvernement ne peut pas imposer la métropole, sauf à prendre une loi spéciale pour Marseille, ce qu'il n'est pas en capacité de faire", a-t-elle prévenu. Un avis qui dépasse les clivages politiques : "Marseille est la seule grande ville en France plus pauvre que celles qui l'entourent. La mariée repousse plutôt qu'elle n'attire, donc il faut que l'Etat joue le jeu, comme le fait le conseil général", renchérit Michel Tonon, président (apparenté PS) de la communauté de Salon-Etang de Berre.
Préfet de police
Les élus de Marseille et de sa communauté urbaine, en revanche, ont accueilli favorablement les annonces du gouvernement. A commencer par le maire UMP de Marseille Jean-Claude Gaudin qui, après quelques échanges vifs avec le ministre de l'Intérieur par voie de presse, a finalement obtenu que les quartiers sud fassent eux aussi l'objet d'une zone de sécurité prioritaire. "L'Etat a eu la lucidité de ne pas opposer une partie de la population à une autre et Marseille ne sera plus coupée arbitrairement en deux", s'est réjoui l'élu sur Europe 1, vendredi… Ainsi deux ZSP seront créées, celle des quartiers nord et celle des quartiers sud, courant 2013. L'édile a par ailleurs souvent fait valoir les charges de centralité de sa ville, et peut aussi trouver dans le projet de métropole matière à satisfaction… Le président socialiste de la communauté urbaine de Marseille, Eugène Caselli, s'est félicité pour sa part que Marseille "retrouve un cap, une ambition et une autorité".
Sans attendre la mise en place de cette métropole qui risque de prendre du temps, c'est sur la sécurité que le gouvernement entend agir au plus vite. Le modèle parisien est copié : un préfet de police de plein exercice sera compétent pour tout le département. La création des deux ZSP sera accompagnée du renfort de 205 policiers et gendarmes. Quant à la politique pénale, elle sera mieux orientée vers le crime organisé. Tous les règlements de comptes seront traités au sein de la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS). Le parquet recevra le renfort de quatre magistrats. La délinquance des mineurs est aussi une priorité : un centre éducatif fermé sera créé à Marseille.
Le plan gouvernemental prévoit enfin des mesures en matière d'éducation (pré-scolarisation des enfants dès deux ans dans les zones prioritaires) et de politique de la ville. Marseille expérimentera les "emplois francs" : une idée de l'Association Ville et Banlieue, qui consisterait à aider non plus les entreprises dans le cadre des zones franches urbaines, mais les emplois eux-mêmes, quelles que soient les entreprises, en fonction du domicile… En matière de transport, le gouvernement veut débloquer des projets dans les tuyaux, tels que la rocade L2 pour un lancement des travaux avant fin 2013. Un projet entamé il y a vingt ans. Enfin, l'accélération de la mutation du port sera au rendez-vous.
Jean-Marc Ayrault a annoncé qu'il se rendrait les 10 et 11 septembre à Marseille "pour rencontrer tous les acteurs locaux : élus, forces vices, partenaires sociaux..."