Le gouvernement promet le dégel du point d'indice "avant l'été"
Avec l'accélération de l'inflation, l'exécutif se résout à l'idée d'une augmentation générale des salaires des agents publics, qui était soutenue de longue date par les syndicats. Mais les décisions mettant fin au gel du point d'indice sont renvoyées au lendemain de l'élection présidentielle. Deux autres mesures sont prévues pour le pouvoir d'achat des agents : le maintien du minimum de traitement au-dessus du Smic et la revalorisation de l'indemnité kilométrique, cette dernière étant déjà en vigueur.
Inflexible jusque-là sur la question du gel du point d'indice, le gouvernement a finalement décidé de faire un geste pour les 5,6 millions d'agents publics. La valeur du point d'indice sera augmentée "avant l'été", pour "tenir compte de l’inflation et protéger le pouvoir d’achat" des agents, a indiqué la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques dans la soirée de ce 14 mars. Cette annonce surprise intervient avant la journée interprofessionnelle pour les salaires, prévue le 17 mars et à un peu moins d'un mois du premier tour de l'élection présidentielle. Elle traduit un changement de cap de la part de l'exécutif, qui depuis 2017 n'a jamais dégelé le point d'indice. Pour mémoire, à partir de mi-2010, cette donnée qui sert au calcul de la rémunération des agents publics est restée quasi stable, avec seulement deux augmentations, de 1,2% au total, à la fin du quinquennat de François Hollande.
"Ce n'est pas avec une simple hausse du point d'indice, solution de facilité utilisée par tant de gouvernements (…) que l'on peut vraiment résoudre et résorber les inégalités dans notre fonction publique", avait déclaré Amélie de Montchalin, le 9 décembre dernier. Selon elle, l'inflation qui, à fin février 2022, a atteint 3,6% sur un an, change toutefois la donne. "Nous ne pouvons pas, en tant qu'employeur public, laisser le pouvoir d'achat de nos agents décrocher dans cette situation inédite", a-t-elle déclaré ce 15 mars à France info, en réfutant toute intention électoraliste de la part de la majorité actuelle.
Concertation avec les employeurs publics
La mesure sera "calibrée" en fonction de l'inflation et des autres mesures en faveur du pouvoir d'achat, a-t-elle dit. En ajoutant qu'elle devait aussi être "responsable budgétairement". Si le gouvernement ne semble avoir esquissé aucun scénario sur l'ampleur de la hausse salariale des agents publics, il répète qu'une augmentation d'1% de la valeur du point aurait un coût de 2 milliards d'euros. Un "équilibre" est à trouver, selon la ministre. Dans ce but, le gouvernement engagera une concertation, notamment avec les employeurs publics. La décision qui en découlera sera inscrite "dans une loi de finances rectificative, qui devra être votée au Parlement cet été".
Il en sera ainsi si le président de la République, Emmanuel Macron est réélu pour un second mandat le mois prochain. Et en cas de victoire d'un de ses concurrents, il serait inimaginable que les choses se déroulent autrement, a déclaré Amélie de Montchalin.
La ministre a par ailleurs annoncé que le minimum de traitement dans la fonction publique sera maintenu "quoi qu'il arrive" au-dessus du SMIC. Ce dernier sera "immédiatement revalorisé si nous constatons une hausse de l'indice des prix à la consommation supérieure à 2% par rapport à la dernière évolution du montant du SMIC en janvier", a-t-elle indiqué dans un communiqué. On rappellera que le minimum de traitement a été relevé récemment à deux reprises, sous l'effet de l'inflation : le 1er octobre 2021 et le 1er janvier 2022.
Négociation sur le système de rémunération
Amélie de Montchalin a fait une troisième annonce, qui contrairement aux deux autres, est déjà effective. La mesure s'applique même rétroactivement au 1er janvier 2022. Il s'agit de la revalorisation de 10% de l'indemnité kilométrique servant au remboursement des frais qu'ont les agents utilisant leur véhicule personnel pour les besoins du service – par exemple les aides à domicile. Un arrêté paru au Journal officiel de ce 15 mars fixe les nouveaux montants de remboursement qui bénéficient aux agents concernés dans les trois fonctions publiques.
La ministre a, enfin, réaffirmé la volonté de la majorité actuelle d'ouvrir une négociation sur les rémunérations dans la fonction publique, en cas de réélection d'Emmanuel Macron à la présidence de la République. Le dégel du point d'indice des fonctionnaires "ne règlera pas tout", a-t-elle expliqué à France info. En poursuivant : "les fonctionnaires nous ont aussi dit que le système d'aujourd'hui ne leur convient plus parce qu'il est trop compliqué, qu'il n'offre pas de perspective durable dans toute la carrière, et qu'il fait une trop grande place aux diplômes plutôt qu'aux métiers".
"Bonne nouvelle"
Amélie de Montchalin se fondait sur un diagnostic établi par un rapport (à télécharger ci-dessous) de Paul Peny, directeur des ressources humaines de la Caisse des Dépôts, et Jean-Dominique Simonpoli, expert en dialogue social. Deux personnalités qui ont été chargées d'animer entre septembre 2021 et février 2022 les travaux de la conférence sur les perspectives salariales, réunissant les représentants des employeurs et les organisations syndicales. Leur rapport, qui vient d'être rendu public, pointe notamment "une dynamique des rémunérations complexe" et un "volet indemnitaire à rendre plus lisible, cohérent et équitable". Par ailleurs, ils soulignent que la rémunération est "un élément qui semble clé afin d’expliquer la perte d’attractivité de la fonction publique".
Teintées de satisfaction, les réactions syndicales ont essentiellement porté sur l'annonce du dégel du point d'indice. "C’est une bonne nouvelle" pour les agents publics, s'est réjouie l'Unsa, en restant prudente. Il faut encore que celle-ci "se concrétise". Cette proposition "reste aléatoire", souligne de même FO, en la trouvant "bien tardive". Les syndicats s'accordent tous sur une hausse de la valeur du point d'indice qui couvre au minimum l'inflation. "Des clauses de revoyure" doivent permettre de l'ajuster à l'évolution des prix, ajoute l'intersyndicale (CGT, Unsa, FSU, Solidaires, Fafp, CGC, CFTC). Les syndicats réclament aussi une mesure qui s'applique "le plus rapidement possible", la CFDT évoquant même l'hypothèse d'un "effet rétroactif".