Fonction publique territoriale : un début d'année 2022 sous le signe des questions de rémunération et d'attractivité
Progression de la rémunération de la catégorie C, relèvement du minimum de traitement, revalorisation des grilles et de la carrière des personnels médicosociaux, mise en œuvre de l'indemnité inflation de 100 euros : un certain nombre d'agents territoriaux bénéficieront début 2022 d'un coup de pouce financier. Ces gestes sont toutefois jugés insuffisants par les syndicats, qui défendent une meilleure reconnaissance des agents. C'est notamment, estiment-ils, la condition sine qua non du maintien, voire du renforcement de l'attractivité de la fonction publique territoriale. Sur ce sujet, qui inclut d'autres dimensions que celle des salaires des personnels, une mission va prochainement remettre son rapport au gouvernement.
Plusieurs centaines de milliers d'agents territoriaux débuteront l'année 2022 en étant un peu mieux rémunérés. C'est en effet le 1er janvier qu'entrera en vigueur la revalorisation des agents de la catégorie C décidée par le gouvernement. Les agents gagneront au minimum 25 euros bruts en plus par mois, et certains jusqu'à 85 euros bruts mensuels. En outre, aucun agent n'aura un traitement inférieur au SMIC : au 1er janvier, l'indice minimum sera en effet relevé de deux ou trois points pour être aligné sur le salaire minimum, qui lui-même sera augmenté pour tenir compte de l'inflation.
Le début de la prochaine année marquera aussi le point de départ effectif de la revalorisation des rémunérations et des carrières de nombreux personnels médicosociaux employés par les collectivités : infirmiers en soins généraux, puéricultrices, cadres de santé, masseurs-kinésithérapeutes, aides-soignants, auxiliaires de puériculture… Ceux-ci bénéficieront à leur tour des mesures du Ségur de la santé, qui ont déjà été déployées au profit des personnels soignants employés dans les hôpitaux.
Durée de travail de 1.607 heures
C'est encore en janvier qu'une grande majorité des 2,5 millions d'agents publics éligibles à l'indemnité inflation percevront cette aide complètement défiscalisée et non soumise aux cotisations et contributions sociales, qui doit les aider à faire face à la hausse des prix, plus vigoureuse depuis quelques mois. Son versement "doit intervenir d'ici janvier 2022 et, au plus tard, le 28 février 2022", précise une fiche d'information de la direction générale des collectivités locales (DGCL) relative aux modalités du dispositif.
L'obligation d'une durée de travail de 1.607 heures par an, qui s'appliquera à compter du 1er janvier dans les communes et leurs intercommunalités, est un autre levier en faveur du pouvoir d'achat, selon la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin. La mesure de la loi de réforme de la fonction publique du 6 août 2019 est présentée comme l'opportunité pour les syndicats et les employeurs de conclure localement des accords prévoyant, en compensation, une hausse du régime indemnitaire des agents, ou une participation accrue des employeurs à l'action sociale ou à la protection sociale complémentaire. Mais si de tels accords ont pu être signés ici ou là (comme à Limoges), les choses ne sont pas du tout automatiques. Les syndicats dénoncent, eux, une remise en cause des acquis sociaux, et pour certains (CGT) un "vol de congés".
Le point d'indice n'est pas dégelé
Jusqu'à la fin du quinquennat, l'exécutif privilégie des revalorisations ponctuelles et ciblées, qui lui paraissent "plus efficaces" et plus à même de corriger "des inégalités". Il rejette l'idée, défendue ardemment par les organisations syndicales, de relever la valeur du point d'indice pour l'ensemble des agents publics. Mais, conséquence de cette politique et de la hausse simultanée des salaires des agents de la catégorie C et du minimum de traitement, les agents de catégorie B voient leur rémunération en début de carrière quasiment alignée de fait sur celle de leurs collègues de catégorie C qui débutent. Et pour les agents de catégorie A, l'écart de rémunération avec le minimum de traitement se réduit.
La ministre de la Transformation et de la Fonction publiques a déclaré être consciente de cet écueil. Sous le précédent quinquennat, le gouvernement de Manuel Valls avait dégainé le protocole "PPCR" (parcours professionnels, carrières et rémunérations) pour tenter de répondre à ce sujet qui se posait déjà. L'actuel exécutif a, lui, misé sur la "conférence sur les perspectives salariales". Un processus en deux temps : élaboration d'un diagnostic et de propositions d'ici février 2022 – en concertation avec les syndicats restés autour de la table et les représentants des employeurs – et ouverture d'une "grande" négociation, après l'élection présidentielle.
S'agissant de l'emploi dans les collectivités, un état des lieux et des pistes de travail supplémentaires seront fournis par la mission confiée à trois personnalités : le président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), Philippe Laurent, la présidente de l’association des DRH des grandes collectivités, Mathilde Icard, et l’inspectrice générale de l’administration Corinne Desforges. Selon une association d'élus locaux, cette mission sur "l'attractivité de la fonction publique territoriale" remettra son rapport au gouvernement "dans le courant du mois de janvier".
Santé et prévoyance : quelles garanties et aides pour les agents ?
Soit au moment où les représentants des employeurs territoriaux entameront des discussions – qui prendront peut-être la forme d'une négociation – avec les syndicats sur le plancher de la participation des employeurs territoriaux à la protection sociale complémentaire des agents et les garanties minimales des contrats destinés à couvrir le risque prévoyance… Des outils concourant à l'attractivité de la fonction publique territoriale que les collectivités ne pourront pas ignorer en ce début d'année 2022 : en application de l'ordonnance sur la protection sociale complémentaire, les assemblées délibérantes sont tenues d'organiser, d'ici le 18 février prochain, "un débat portant sur les garanties accordées aux agents" dans ce domaine.
Toujours pour développer l'attractivité du secteur public local, mais cette fois en particulier auprès des jeunes, une cotisation spéciale s'élevant au maximum à 0,1% de la masse salariale des collectivités et de leurs établissements publics verra le jour le 1er janvier. Complétée par des financements de l'État, de France compétences et du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), elle permettra de garantir le financement de la formation des apprentis en poste dans les collectivités. En parallèle, le gouvernement entend faire évoluer les modalités des concours, afin que les apprentis soient plus nombreux à envisager de mener une carrière dans la fonction publique. Récemment, le gouvernement annonçait ainsi "travailler à une solution permettant d’assimiler les années passées en apprentissage dans la fonction publique à des années de service effectif permettant de se présenter aux concours internes des trois versants".
Il n'existe pas de recette miracle pour garantir la capacité qu'ont les collectivités à attirer, conserver et former des personnels compétents. C'est plutôt via une multitude de mesures concrètes, et pas toujours onéreuses pour les budgets locaux, que les pouvoirs publics auront sans doute à agir pour parvenir à préserver la qualité du service public local.