New deal mobile - Le financement des mesures de couverture mobile fait débat
La région Haut-de-France, associée à ses cinq départements, a lancé l'application grand public "Tu captes ?" en "crowdsourcing" pour mesurer la couverture mobile. L’Arcep pousse les collectivités à privilégier les mesures réglementaires. Si la multiplication des mesures fait consensus, leur financement pose question.
La couverture mobile défaillante revient régulièrement dans les requêtes des maires exprimées dans le cadre du Grand Débat. Elle a également été pointée du doigt par le Défenseur des droits qui relève, dans son dernier rapport, que certains chômeurs n’ont par exemple pas pu se rendre aux entretiens obligatoires car Pôle emploi leur avait transmis l’information uniquement par SMS… Sur un service désormais vital pour les territoires, la marge de manœuvre des collectivités reste cependant très étroite, même si le "new deal mobile" leur redonne un peu de pouvoir dans le choix des "sites prioritaires ".
Les agents publics mobilisés pour réaliser des mesures
Si la couverture mobile ressort avant tout des opérateurs, de plus en plus de régions, départements et intercommunalités veulent donner la possibilité à leurs habitants le moyen d’exprimer leur "ras-le-bol". Dernière collectivité à proposer une application de crowdsourcing, la région Haut-de-France a lancé en décembre 2018 "Tu captes ?". Une application cofinancée par la région, les cinq départements (conseils départementaux de l'Aisne, du Nord, du Pas-de-Calais, de l'Oise et de la Somme) et la Banque des Territoires ; chacun ayant contribué à hauteur de 20.000 euros (5 X 4.000 pour les départements). Originalité de la démarche ? mobiliser les fonctionnaires territoriaux, et notamment les transports scolaires et les agents qui se déplacent sur le terrain, pour récupérer rapidement un nombre de mesures significatif. Les habitants seront également sollicités, notamment lors d’une grande campagne de communication dans les TER. Est-ce vraiment aux collectivités de réaliser un travail qui est dans les missions de l’Arcep ? Pour Isabelle Zeller, directrice de la mission développement des usages numériques à la région, "il convient de relativiser ces coûts quand on sait qu’un seul pylône de téléphonie mobile revient à 100.000 euros. Or, dans le plan mobile gouvernemental précédent, une participation des collectivités à hauteur de 20% était prévue". En outre, l’application comme la communication pour favoriser sa diffusion sont mutualisées entre cinq collectivités qui vont récupérer des données utiles aux négociations avec les opérateurs.
Des mesures réglementaires beaucoup plus onéreuses
"Nous n’avons rien contre le crowdsourcing à l’Arcep mais il faut faire très attention au protocole de mesure employé comme à la manière dont sont présentés les résultats", explique Martine Lombard, membre du collège de l’Arcep. Et de citer l’exemple d’une commune qui serait estampillée "non couverte" sur la base d’une seule mesure. Le système qui ne mesure que "le nombre de barres", utilisé par une collectivité normande, est également critiqué : "On peut très bien avoir cinq barres sur son téléphone et ne pas disposer du service car le réseau est saturé du fait d’un trop grand nombre de personnes connectées." L’autorité a du reste planché sur un guide (non publié), réalisé en concertation avec des spécialistes de la métrologie mobile, pour détailler les bonnes pratiques en matière de crowdsourcing. L’autorité pousse cependant les collectivités à privilégier les mesures réglementaires, en respectant strictement le protocole de l’Arcep : quatre mobiles identiques mesurant en même temps les mêmes services. "Ce protocole fournit aux collectivités des mesures opposables, qui seront pleinement prises en compte par les équipes projet du new deal et intégrées aux cartes nationales", a-t-elle justifié. Coût de ces mesures ? 100.000 euros par département selon l’autorité. Mais contrairement au crowdsourcing, elles ne fournissent pas une vision dynamique de la couverture… à moins de la renouveler tous les ans.
Prioriser les zones à couvrir
Si ces mesures sont utiles pour objectiver les besoins, toute la difficulté est d’y remédier dans des délais raisonnables. "Je crains fort que le new deal mobile ne soit pas le dernier plan gouvernemental car les besoins en débits évoluent plus rapidement que les dispositifs. Pour les collectivités, l’important est aujourd’hui de faire des choix", a fait valoir Laurent Depommier-Cotton, directeur du département Transition numérique de la Banque des Territoires. Axes de transports les plus fréquentés, hameaux isolés, zones d’activités, sites touristiques, terrains agricoles pratiquant l’agriculture connectée… les collectivités sont invitées à élaborer des stratégies claires. "Sur la fibre, la base de réflexion c’est le bâtiment où amener la fibre, la planification des investissements est donc assez aisée. Pour le mobile, c’est beaucoup plus complexe car il y a aussi des besoins saisonniers, d’autres très localisés mais vitaux… et les intérêts des opérateurs ne sont pas nécessairement ceux des collectivités." La complexité du dossier a conduit la Banque des Territoires à publier un guide de la résorption des zones blanches 4G. Et le principal enjeu à court terme est pour les collectivités de s’outiller, en réalisant des mesures (réglementaires ou non), mais aussi en mobilisant les services SIG des collectivités pour croiser les données télécoms avec des données territoriales et fournir ainsi aux élus une aide à la décision.
Couverture 4G : une amélioration tangible de la couverture
Le 21 janvier 2019 a été publié un baromètre de la couverture mobile élaboré par la société QoSI à partir de données crowdsourcées via ses clients (collectivités, Que Choisir...), de mesures automatiques (notamment dans les TGV et lignes secondaires) et les données en open data de l’Arcep. Au total, plus de 5 millions de mesures réparties sur plus de 22.100 communes ont été analysées. Verdict ? Sans trop de surprise Orange apparaît comme l’opérateur offrant la meilleure qualité de service sur la quasi-totalité des services mesurés (voix, SMS, navigation web, upload, vidéo…). On notera que pour la navigation web en zone rurale, SFR, Bouygues et Orange sont quasiment à égalité, très loin devant Free. En matière de couverture des lignes ferroviaires, on constate que la moitié Est de la France est globalement mieux lotie que la moitié Ouest, les lignes bretonnes et du Massif central restant très mal couvertes. Point rassurant : la carte présentée en 2018 montre une amélioration sensible, notamment sur la LGV Paris Marseille, mais aussi sur la liaison Bastia-Ajaccio.