Le filet de sécurité pour les dépenses énergétiques jugé trop restrictif par les élus locaux

Le comité des finances locales a voté ce 18 avril à l'unanimité contre le projet de décret précisant les modalités de mise en œuvre du dispositif visant à soutenir les collectivités confrontées en 2023 à l'envolée de leurs factures énergétiques. Ils ont déploré les nombreuses exclusions prévues par le texte.

Le filet de sécurité destiné à aider les collectivités à faire face, en 2023, à l'explosion de leurs dépenses énergétiques, ne sera qu'"une raquette aux cordes très distendues", a dénoncé Antoine Homé, maire de Wittenheim, à l'issue d'une séance plénière que le comité des finances locales (CFL) a tenue ce 18 avril.

La réunion, qui a duré environ une heure, avait pour seul objet l'examen du projet de décret précisant les modalités de calcul et de versement de la dotation prévue par le dispositif inscrit dans la loi de finances pour 2023. Elle s'est soldée par un vote défavorable, à l'unanimité des participants. Le signe que le projet de décret n'a vraiment pas trouvé grâce aux yeux des élus.

Les Spic seront exclus

Le filet qui avait été établi pour permettre au bloc communal de faire face, en 2022, à la hausse des dépenses d’énergie, d’achat de produits alimentaires et de revalorisation du point d’indice n'était "pas adapté", déplore Paul Simondon, adjoint à la maire de Paris en charge des finances. Or le dispositif recentré, en 2023, sur les dépenses d'énergie, mais élargi à l'ensemble des collectivités territoriales, "ne s'annonce pas mieux", selon lui.

Principal défaut du projet de décret, selon les élus locaux : le caractère restrictif des critères qu'il met en place. Certains sont "en deçà" de ce que prévoit l'article 113 de la dernière loi de finances, résume Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse. Ainsi, les services publics industriels et commerciaux (Spic) ne seront pas éligibles au filet de sécurité pour 2023. Bercy justifierait ce choix par la nécessité de respecter les règles européennes en matière de droit à la concurrence. Pourtant, "ces services publics ont pu recevoir des aides de l'État pendant la crise liée au Covid-19", s'étonne Antoine Homé.

Collèges et lycées tenus en dehors du dispositif

En outre, les dépenses d'approvisionnement en énergie de certains budgets annexes (transports, eau et assainissement), de même que les subventions versées à ces services, ne seront pas prises en compte pour le calcul de la dotation prévue dans le cadre du dispositif. Certaines subventions d'équilibre qui sont versées par les collectivités – par exemple celles qu'octroient les communes aux caisses des écoles – ou certaines dépenses d'énergie ne seront pas retenues, parce que la collectivité utilise telle ligne comptable plutôt que telle autre, critique Paul Simondon. Pour qui le projet de décret ne tient pas suffisamment compte de la diversité des modes de gestion locaux.

Autre grosse difficulté qui, cette fois, a agacé les élus des départements et des régions : les factures d'énergie que ces collectivités paient pour les collèges et les lycées ne pourront être retenues. Or les dépenses d'énergie sont l'un des critères servant au calcul de l'aide de l'État.

Enfin, selon les élus locaux, les critères prévus par Bercy tendent à "gommer" les efforts faits par les collectivités pour réduire leurs factures d'énergie et conserver des marges de manœuvre financières. Ils pointent ainsi le fait qu'une commune augmentant le taux de la taxe foncière peut contenir la baisse de son épargne brute, et, donc, ne pas parvenir à une perte de -15% en 2023 pour cet indicateur. Or seul un tel niveau déclenche l'éligibilité au filet de sécurité.

Effets d'affichage ?

Le gouvernement avait porté le projet de décret à l'ordre du jour de la séance plénière du CFL du 14 février dernier. Mais il avait déprogrammé le texte à la dernière minute (voir notre article du 15 février), les élus locaux le jugeant déjà "trop restrictif".

Deux mois plus tard, la copie présentée par l'exécutif n'est guère différente, aux yeux des élus. Une seule "petite" avancée serait à acter, au bénéfice des régions : la part de la hausse de la contribution qu'elles versent aux services ferroviaires et qui est imputable à l’augmentation des coûts de l’énergie sera prise en compte dans le calcul du montant de l'aide de l'État.

"Ce décret a minima a été conçu pour ne pas dépenser", conclut Jean-François Debat. Paul Simondon abonde dans ce sens : "L'intention est d'annoncer un montant d'aide très important (1,5 milliard d'euros au total) … mais, en fait, d'aider le moins possible." Et d'ajouter : "A la fin, on dira qu'on a beaucoup moins dépensé que prévu, et donc, que les collectivités n'étaient pas si en difficulté que ça."

  • Les demandes d'acompte à adresser avant le 15 octobre

Les collectivités territoriales et leurs groupements estimant être éligibles au filet de sécurité pourront solliciter, avant le 15 octobre prochain, le versement en 2023 d’un acompte sur le montant de la dotation qui leur revient. Cette demande devra être adressée conjointement au préfet et au directeur départemental des finances publiques. Le montant de l’acompte sera égal à 30% de la dotation prévisionnelle (sans toutefois pouvoir être inférieur à 1.000 euros). Il pourra être porté jusqu’à 50% sur demande de la collectivité. Cet acompte sera notifié au plus tard le 15 novembre 2023.
Dans le cas où le montant définitif de la dotation sera inférieur à celui estimé pour le calcul du versement de l’acompte, la différence fera l’objet d’un reversement au plus tard le 30 juillet 2024.

 

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