Filet de sécurité pour les dépenses énergétiques : le gouvernement hésitant sur les modalités
L'exécutif a brusquement décidé, lundi, de reporter l'examen par le comité des finances locales (CFL) du projet de décret sur la mise en œuvre du filet de sécurité pour les dépenses énergétiques des collectivités en 2023. Le projet de texte était plus restrictif que les dispositions législatives ayant instauré le dispositif. Le CFL a examiné deux autres projets de décret, dont un sur la dotation pour les titres sécurisés.
Le gouvernement a retiré in extremis de l'ordre du jour de la dernière séance du comité des finances locales (CFL) le projet de décret sur la mise en œuvre du filet de sécurité destiné à aider les collectivités à faire face en 2023 à l'envolée des prix de leurs dépenses énergétiques, a-t-on appris auprès de l'entourage du président de l'instance, André Laignel.
Les élus locaux siégeant au CFL avaient pu consulter le projet de décret, puisque celui-ci figurait dans le dossier qui leur avait été remis en amont de la séance de ce 14 février. Mais le gouvernement a annoncé la veille au soir qu'il déprogrammait l'examen du projet de texte pris en application de l'article 113 de la loi de finances pour 2023.
Avec ce filet de sécurité, l'ensemble des collectivités et les groupements de communes peuvent bénéficier d'une dotation si leur épargne brute baisse d’au moins 15% en 2023 et, par ailleurs, si la hausse de leurs dépenses d’énergie, d’électricité et chauffage urbain la même année dépasse 50% de l'augmentation de leurs recettes réelles de fonctionnement. Pour financer la mesure, un prélèvement sur les recettes de l'État de 1,5 milliard d’euros a été prévu par la loi de finances.
Filet à grosses mailles
À l'origine de la soudaine décision du gouvernement : la volonté sans doute de ne plus défendre un texte à la sécurité juridique précaire. En effet, la version du projet de décret communiquée aux élus locaux conduisait à "réduire le champ d'application" prévu par la loi de finances, dans le but de faire faire "des économies" à l'État, affirme Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse. "Ce texte mal bâti prévoyait des restrictions sur un certain nombre de lignes et excluait de fait les services publics industriels et commerciaux, alors que la loi est relativement large sur la nature des dépenses concernées", souligne l'élu membre du CFL, interrogé par Localtis. "La loi ne prend pas en compte les satellites, mais elle inclut toutes les dépenses qui relèvent du budget communal." Celui qui est aussi président délégué de Villes de France estime que le Conseil d'État n'aurait pas laissé passer ces restrictions "illégales". Le gouvernement aurait donc changé son fusil d'épaule pour éviter une telle issue.
Jean-François Debat considère en outre que le gouvernement "a entendu les messages et les alertes" lancés par les élus locaux. Son avis est partagé par l'entourage d'André Laignel : "trop restrictif, le texte déclenchait un front uni des associations d'élus contre lui. Donc le gouvernement s'attendait à un vote défavorable du CFL, ce qu'il ne voulait pas".
Tarifs réglementés de l'électricité
L'exécutif n'a pas indiqué à quelle date il présentera de nouveau le projet de décret devant le CFL. Mais dans son calendrier, il devra probablement prendre en compte le sort de la proposition de loi visant à "protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement", adoptée récemment par l'Assemblée nationale, a fait remarquer le président du CFL ce 14 février.
Si la proposition de loi venait à être approuvée dans les mêmes termes par le Sénat, les tarifs réglementés de l'électricité seraient en effet étendus "du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2023, aux consommateurs finals non domestiques qui emploient moins de 4.999 salariés et dont le chiffre d’affaires n’excède pas 1,5 milliard d’euros ou dont le total de bilan n’excède pas 2 milliards d’euros". Ainsi, la plupart des collectivités bénéficieraient cette année des tarifs réglementés de l'électricité et, donc, du plafonnement à 15% de la hausse des prix de l'électricité – alors qu'aujourd'hui, seules celles qui emploient moins de 10 personnes et dont les recettes n’excèdent pas 2 millions d’euros y ont accès. Dès lors, le filet de sécurité tel que voté dans la loi de finances pour 2023 ne serait plus approprié.
Dotation pour les titres sécurisés
Deux autres projets de décret figuraient à l'ordre du jour de la séance du CFL et ceux-ci ont bien été examinés par les élus. Le premier fixe les montants et le barème applicables à la dotation annuelle pour les titres sécurisés telle que réformée par l'article 201 de la loi de finances pour 2023. La part forfaitaire de la dotation s’élèvera à 9.000 euros par an (contre 8.580 euros actuellement) pour chaque station d'enregistrement existant au 1er janvier de l’année. Pour chaque station ayant enregistré plus de 1.875 demandes de passeports et de cartes nationales d'identité au cours de l'année précédente, les communes bénéficieront d'une part variable, dont le montant sera progressif (5.000 euros pour un nombre de demandes compris entre 1.876 et 2.500, 8.500 euros si ce nombre est compris entre 2.501 et 3.999 et 12.500 euros s'il dépasse 4.000 demandes). À noter encore que la majoration de la dotation attribuée pour chaque station en cas d'inscription à une plateforme de prise de rendez-vous en ligne s'élèvera à 500 euros. Pour rappel, la dotation pour les titres sécurisés passe de 50 millions à 72 millions d'euros en 2023, soit 20 millions supplémentaires pour les mairies qui recueillent les demandes de titres (voir notre article du 13 janvier).
Le second décret "tire les conséquences réglementaires" des mesures adoptées dans la loi de finances pour 2023 en matière de dotations de l’État aux collectivités territoriales et de péréquation des ressources fiscales. Il traite en particulier du sort de la dotation élu local qui, pour les communes de moins de 3.500 habitants, intègre désormais la compensation du remboursement des frais de garde d’enfant engagés par les élus pour participer aux conseils municipaux et la compensation des frais pour la souscription de contrats d’assurance pour couvrir les coûts liés à l’obligation de protection fonctionnelle des élus.
Répartition des dotations
Le CFL a émis un avis favorable sur ces deux projets de décret, même si ses membres élus ont jugé que la dotation pour les titres sécurisés était "loin de couvrir les coûts engagés par les communes" pour la gestion des passeports et cartes nationales d'identité.
Au cours de la séance, le CFL a aussi pris plusieurs décisions concernant la répartition de la progression des dotations de péréquation communales et départementales (voir notre article du 14 février).