Archives

Commande publique - Le directeur de la DAJ apporte des précisions à la mission sénatoriale d'information sur la commande publique

Jean Maïa était auditionné fin mai par la mission commune d'information sur la commande publique récemment mise en place par le Sénat. Il a apporté des précisions aux élus quant au calendrier de transposition de la directive Marchés, ainsi que des éléments d'information sur quelques points qui posent encore question : place des PME, sourcing et risque de délit de favoritisme,avenir du concours obligatoire dans les marchés de maîtrise d'œuvre.

Le Sénat a récemment mis en place une mission commune d'information sur la commande publique. Créée le 15 avril 2015, l'objectif principal de cette mission est de proposer au gouvernement des pistes en vue de favoriser l'accès des petites et moyennes entreprises (PME) aux contrats de la commande publique. Les sénateurs devraient être en mesure d'apporter leurs premières recommandations au gouvernement au cours du mois de juin, alors que le projet d'ordonnance est toujours en phase de concertation, et envisagent d'élaborer un rapport pour le 24 septembre prochain.
Le 21 mai dernier, la mission a auditionné Jean Maïa, le directeur des affaires juridiques des ministères économiques et financiers (DAJ). Celui-ci a apporté quelques précisions quant au calendrier et aux sujets encore en discussion dans le cadre du projet d'ordonnance transposant les directives Marchés publics. Tous les arbitrages, en effet, n'ont pas encore été rendus. Le directeur de la DAJ a notamment indiqué qu'une réunion interministérielle d'arbitrage avait eu lieu le 19 mai dernier.

Un accent mis sur les PME

Le rapporteur de la mission, Martial Bourquin, a indiqué que le ministre de l'Economie semblait partager la volonté des sénateurs de mettre en place des instruments juridiques permettant la croissance de la part des PME dans la commande publique. Outre l'allotissement qui devient la norme pour tout marché public, l'ordonnance de transposition prévoit d'autres dispositifs pour atteindre ces objectifs. Ainsi, les titulaires de contrats de partenariat public-privé ou de concessions devront faire appel à des PME pour une part définie de leurs marchés. Le seuil à respecter sera fixé par le décret d'application.
Sur ce sujet, Jean Maïa a précisé que l'Union européenne n'a pas voulu instaurer de mécanisme réservant certains marchés aux PME à l'instar du "Small Business Act" américain, dans la mesure où tous les Etats membres ne partagent pas la vision française. La directive met néanmoins en place des "leviers d'action efficaces" "grâce à l'allotissement et à la simplification des procédures", a-t-il fait valoir.

Une future réforme du délit de favoritisme ?

Le directeur de la DAJ a par ailleurs abordé la question du délit de favoritisme. Ce thème revient aujourd'hui sur le devant de la scène avec la consécration du "sourcing" par la directive : les acheteurs seront encouragés à échanger avec les entreprises afin de "parvenir à une meilleure utilisation de la commande publique". Cette pratique fait cependant naître certaines craintes au regard du délit d'octroi d'un avantage injustifié. Effectivement, l'article 432-14 du Code pénal, tel qu'interprété par la jurisprudence de la Cour de cassation, ne requiert pas d'action intentionnelle pour que l'infraction soit caractérisée.
Selon Jean Maïa, ce délit créé au début des années 1990 ne correspond plus à la situation actuelle. Le contrôle juridictionnel sur les acheteurs est en effet beaucoup plus fort de nos jours. C'est ce qu'a constaté Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dans son rapport sur l'exemplarité des responsables publics. Remis au président de la République en janvier 2015, il proposait une réforme du délit de favoritisme afin qu'il soit limité aux seuls comportements intentionnels. De plus, si cette disposition vise les marchés publics et les délégations de service public, il existe actuellement un doute concernant son application ou non aux contrats de concession.
Ces considérations ne rentrent pas dans le champ de l'habilitation du gouvernement pour la transposition des directives européennes de 2014 mais "elles méritent toutefois d'être prises en compte", a-t-il jugé.

Maîtrise d'œuvre : le concours d'architecture restera obligatoire

Lors de cet échange  avec la mission d'information sénatoriale, Jean Maïa n'a apporté aucun élément vraiment nouveau quant à l'avenir du concours obligatoire dans les marchés de maîtrise d'œuvre. Une question, on le sait, qui crée notamment l'émoi du côté des architectes. Si la logique de la directive est selon lui de laisser le choix à l'acheteur public, il a précisé qu'il s'agit d'une "question d'opportunité" et qu'"il y [a] donc là un vrai choix politique à opérer". Cependant, le gouvernement a, depuis, accepté de maintenir la procédure du concours dans sa forme actuelle, c'est-à-dire obligatoire au dessus des seuils. Le Conseil national de l'ordre des architectes s'est félicité de cet engagement à "préserver une production architecturale de qualité". Des inquiétudes perdurent néanmoins quant aux contrats globaux, lesquels pourraient porter atteinte à l'indépendance des architectes.

L'Apasp

Calendrier :
Juin 2015 : Saisine du Conseil d'Etat pour avis sur le projet d'ordonnance transposant la directive Marchés publics.
Juillet 2015 : Date souhaitée par le gouvernement pour l'adoption de l'ordonnance Marchés publics.
Eté 2015 : Consultation publique sur le décret d'application Marchés publics ainsi que sur l'ordonnance et le décret Concessions.
Septembre 2015 : Date limite pour l'adoption de l'ordonnance Marchés publics.
1er Janvier 2016 : Entrée en vigueur prévue de l'ordonnance Marchés publics.
18 avril 2016 : Date limite de transposition des trois directives.

Référence : Compte rendu de l'audition de Jean Maïa- MCI sur la commande publique