Numérique éducatif - Le dialogue entre l'Etat et les collectivités à l'honneur au salon Educatec-Educatice
Le salon Educatec-Educatice, qui se tient habituellement à l'automne, s'est déroulé du 9 au 11 mars porte de Versailles à Paris. Comptant parmi les événements majeurs du numérique éducatif sur le territoire, le salon a mis en lumière la diversité et la vitalité d'un secteur en pleine croissance. Dans un contexte de numérisation à marche rapide des établissements et des programmes, le salon a été l'occasion pour les acteurs territoriaux et l'Etat de présenter leurs actions, leurs visions et leurs attentes en matière de numérique éducatif, avec, en toile de fond, la mise en oeuvre du plan numérique pour l'éducation.
Etat et collectivités mobilisés pour le numérique éducatif
Lancé il y a presque un an – en mai 2015 – par François Hollande, le plan numérique pour l'éducation s'apparente, comme l'a réexpliqué Mathieu Jeandron, le directeur du numérique pour l'éducation au ministère de l'Education nationale, à "une démarche globale de transformation de l'ensemble de la démarche pédagogique, de la culture de l'école". Clarifiant les chiffres, il a rappelé que sur le milliard d'euros initialement prévu pour "aider cette transformation", 700 millions seront effectivement déboursés sur trois ans pour acquérir des ressources et des équipements. Les autres 300 millions d'euros correspondent à "tous les investissements humains" comme la formation, la mise en réseau ou encore l'accompagnement des enseignants. Pour lui, ce plan s'inscrit dans une "démarche de plan continu […] où nous pouvons travailler sur des fondamentaux, une liberté, une infrastructure, une architecture sur lesquels on peut construire des projets agiles" adaptés à l'évolution des technologies.
Pour Philippe Taillard (délégué académique numérique, académie de Paris), la mise en œuvre collective du plan nécessite de "partager l'objectif, le sens du projet […] et ensuite le travail, des investissements en temps et en argent et, enfin, de se coordonner de manière à ce que l'ensemble des éléments de la chaîne soient pris en charge". Un "fonctionnement en mode projet" qui permet de dépasser la vision de la "collectivité financeur" au profit d'un "engagement de celle-ci sur un projet défini collectivement".
Amené à s'exprimer au nom des élus sur la mise en œuvre du plan, Paul Subrini (conseil départemental des Hauts-de-Seine) a fait un constat similaire, estimant que la relation entre l'Etat et les collectivités s'était grandement améliorée et s'apparentait désormais à un "véritable partenariat", "une volonté, qui s'amplifie et qui continue, […] de faire évoluer les choses de manière positive". Il s'est tout de même dit "préoccupé du manque d'investissement pour faire aboutir les projets dans les écoles primaires". Questionné sur le sujet, Mathieu Jeandron l'explique par la nécessité de "pérenniser la démarche" en concentrant les investissements sur le secondaire, car "tout traiter entraîne une dilution de l'effort qui va être dommageable".
Une mise en œuvre concertée grâce au Comité des partenaires
De l'avis de bon nombre d'intervenants issus du secteur public présents sur le salon, le plan numérique est placé sous le signe de l'échange. "Sans doute pour la première fois", pour Jean-Pierre Quignaux, de l'Assemblée des départements de France (ADF), "on parle de numérique en ayant un dialogue avec le ministère". Un dialogue facilité par le Comité des partenaires – réunissant Etat, associations d'élus, Caisse des Dépôts, Villes internet – qui permet à tous les niveaux de collectivités de "parler des avancées qu'il y a à opérer dans le domaine de la transition numérique et de l'éducation". Jean-Pierre Quignaux espère ainsi voir davantage "d'intelligence collective [afin que] chacun sorte de son positionnement historique pour penser la transformation avec l'autre, partager une vision, une stratégie globale". Une volonté de travailler collectivement qui est partagée par les autres niveaux de collectivités, comme l'explique Jean Rainaud pour l'Association des régions de France (ARF). Pour lui, face à des "domaines de compétence éminemment partagés", "évidemment qu'il faut rechercher la cohérence de l'action entre les collectivités et l'Etat". Une demande qui n'est pas restée sans suite du côté du ministère, selon Philippe Daubignard (direction du numérique pour l'Education), qui espère "enfin ouvrir l'établissement" à tous les partenaires. D'accord sur le diagnostic, il estime cependant que "l'établissement est le lieu où se fera le changement […] et c'est autour de ces établissements qu'il faut que nous assurions le changement".
Le Comité des partenaires : de la concertation à la mutualisation
En plus d'être une plateforme de concertation et de réflexion sur l'avenir, le Comité des partenaires est pensé, selon Jean-Pierre Quignaux, comme un lieu de "mutualisation pour envisager la transition numérique en fonction du continuum éducatif" et non plus uniquement des compétences des territoires, "car c'est là-dessus que l'on va faire les gains les plus importants sur la maintenance, sur les achats groupés" et sur les dispositifs comme les ENT. Invoquant la "vérité des chiffres" sur l'équipement individuel des élèves, qui entraîne de nombreux surcoûts (nouvelle électrification, réseaux wifi très haut débit…), il a tenu à insister sur le besoin d'avoir des "projets territoriaux qui ont fait l'objet d'une large concertation". Concertation qui demande du temps, dont les collectivités ne disposent plus selon lui.
Pour Anna Angeli, du Réseau français des villes éducatrices, le Comité est l'occasion de "consolider l'idée de territoire numérique, qui ne concerne pas que l'équipement […] mais bien les usages". Pour en améliorer son action, le Comité, pour l'heure national, doit selon elle accélérer sa décentralisation dans les territoires académiques, régionaux, départementaux, "pour construire une nouvelle gouvernance, faire remonter les pratiques, les usages du terrain, voir et concevoir ensemble de quelles manières on peut mieux accompagner les collectivités". Cherchant à réfléchir au futur du numérique dans l'éducation, Jean-Pierre Quignaux, à l'instar des autres intervenants présents, fait du "bassin d'éducation" l'une des pistes à suivre afin d'établir "de la cohérence entre les écoles et les collèges, et les collèges et les lycées" en matière d'infrastructures, d'équipements, de gestion des données personnelles, de services (ENT…).
Numérique éducatif : des priorités en fonction de l'échelon territorial
La numérisation de l'école ne relève pas pour tous les échelons et pour les acteurs des mêmes priorités. Comme l'explique Jean Rainaud, les régions ont globalement dépassé le stade de l'équipement et se tournent désormais vers "les ressources et les usages", se posant la question de ce qui "va compléter les manuels scolaires papier". Du côté des départements, "la problématique de l'équipement est un vrai débat". Jean-Pierre Quignaux interroge ainsi le devenir des équipements individuels : "est-ce un outil que les pouvoirs publics vont devoir continuer à financer ou est-ce le rôle des familles ?". Une question importante dans un contexte contraint budgétairement pour les départements, qui ont la charge d'équiper les collèges. Une des solutions envisagées – qui fut récurrente tout au long du salon - est la généralisation du "BYOD" ("bring your own device"), qui verrait les élèves apporter leurs ordinateurs ou leurs tablettes personnels. Pour Mathieu Jeandron, le "BYOD" représente "l'avenir", "c'est ce vers quoi on va aller mais […] expérimentons déjà sur quelques cas".
Au-delà des équipements, c'est également la formation des enseignants, sans laquelle "les infrastructures et les équipements sont inutiles", qui doit être au cœur de l'action du Comité. Alors que le "temps [des enfants] géré par les villes est de plus en plus important", la formation devrait être élargie aux animateurs pour le périscolaire, selon Anna Angeli qui espère également s'adresser aux parents afin de "permettre aux familles de pouvoir accompagner leurs enfants". Derrière cela, on retrouve un objectif "d'égalité" : "d'accès pour tous, des territoires, des encadrants dans la connaissance et la compétence numérique", qui sera nécessaire pour "assurer le continuum éducatif".
Ivan Eve / EVS
Les projets partenariaux et concrets récompensés
Le salon a vu se dérouler la 7e édition des "Trophées des technologies éducatives". Pour le président du jury, Mathieu Jeandron, il s'agissait de récompenser le "côté partenarial, transdisciplinaire, transfrontière des projets, qui ont répondu à des enjeux humains, concrets, immédiats", comme la "Machine à lire" (prix de l'initiative) projet développé en partenariat avec la ville du Havre pour aider à l'apprentissage de la lecture. Pour les résultats, on notera que dans la catégorie "collectivités villes/mairies", ont été récompensées les "Ecoles numériques nîmoises Labo2[au carré]". Dans la catégorie "collectivités régions", le Grand Prix a été remis au projet "Skillpass game" (dédié à l'orientation professionnelle) développé sous l'égide du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais. Enfin, à l'échelon départemental, la Seine-et-Marne a été mise à l'honneur avec le projet "Salvum Education", un dispositif de formation au secourisme.
I.E / EVS