Aide sociale - Le devoir de secours entre époux prime sur l'obligation alimentaire
Dans un arrêt du 4 novembre (publié au bulletin), la Cour de cassation apporte des précisions importantes sur la mise en œuvre de l'obligation alimentaire. En l'espèce, l'Association tutélaire 81 (Tarn), agissant en qualité de gérant de tutelle de Mme Marie-Jeanne X..., avait fait assigner le mari et les quatre enfants de cette dernière, sur la base de l'obligation alimentaire, aux fins d'obtenir l'augmentation de leur contribution aux frais de son séjour en maison de retraite. L'affaire était remontée jusqu'à la cour d'appel de Pau, avant de donner lieu à une saisine de la Cour de cassation. Le jugement soumis à cette dernière condamnait le mari et les enfants à verser une pension alimentaire. Il précisait qu'il convient de répartir entre les débiteurs le montant fixé, "tout en rappelant qu'il revient d'abord à M. Pierre X... d'apporter son aide financière à son épouse au titre du devoir de secours".
Dans son arrêt du 4 novembre 2010, la Cour de cassation casse sèchement l'arrêt rendu par la cour d'appel de Pau et renvoie les parties devant la cour d'appel de Toulouse. La Cour de cassation juge en effet "qu'en se déterminant ainsi, sans constater que le mari, tenu à un devoir de secours qui prime l'obligation alimentaire découlant de la parenté, se trouvait dans l'impossibilité de fournir seul les aliments dont son épouse avait besoin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale".
La question concerne l'articulation entre deux articles biens connus du Code civil. L'article 212 - rappelé par le maire aux nouveaux mariés - tient en une phrase : "Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance." Tout aussi cursif, l'article 205 prévoit que "les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin". Dès lors, l'autonomie et l'indivisibilité du ménage interdisent à l'un des époux de demander des aliments à une autre personne s'il peut les obtenir de son conjoint. Dans ces conditions, le fait que l'époux n'avait - en l'occurrence - pas communiqué l'ensemble de ses revenus et se déclarait dans l'impossibilité de fournir seul les aliments dont son épouse avait besoin n'autorisait pas la cour d'appel à condamner solidairement l'intéressé et les quatre enfants à apporter les aliments demandés. En d'autres termes, la mise en œuvre du devoir de secours entre époux prime sur la mise en œuvre de l'obligation alimentaire. La position de la Cour de cassation peut sembler évidente au vu des textes, mais elle a le grand mérite de contrer une tendance qui consistait à couvrir du sceau de l'obligation alimentaire l'ensemble du cercle familial. Désormais, le juge devrait commencer par évaluer les capacités contributives du conjoint dans le cadre du devoir de secours entre époux, avant de se tourner, le cas échéant, vers les enfants sur le fondement de l'obligation alimentaire.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : Cour de cassation, première chambre civile, arrêt 09-16839 du 4 novembre 2010 (publié au bulletin).