Contrats aidés - Le CUI a rempli son rôle d'amortisseur... mais après ?
Créé par la loi du 1er décembre 2008, le contrat unique d'insertion (CUI) est déployé en métropole depuis le 1er janvier 2010. Il procède d'une simplification des contrats aidés, destinés à favoriser l'insertion des personnes en difficulté sur le marché du travail. En effet le CUI, d'une durée de six à vingt-quatre mois, regroupe et remplace quatre contrats aidés : le contrat initiative emploi (CIE), dans le secteur marchand, le contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE), dans le secteur non-marchand, ainsi que le contrat d'avenir et le contrat insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA). Bien qu'unique, le CUI se décline en deux formes : CUI-CIE pour le secteur marchand, et CUI-CAE pour le secteur non-marchand. Comme les dispositifs auxquels il se substitue, le CUI ouvre droit à une aide financière de l'Etat pour l'employeur et à des mesures d'accompagnement pour le salarié. Il est par ailleurs cumulable avec le revenu de solidarité active (RSA). Quelques mois après son entrée en vigueur, est-il possible de tirer un premier bilan ? Si l'on s'en tient aux chiffres, il apparaît que le contrat unique d'insertion est un succès probant. Dans le secteur marchand, quelque 100.000 CUI-CIE ont été signés en 2009, contre 37.000 en 2007, soit une progression de 270%. Dans le secteur non-marchand, on recense 260.000 CUI-CAE en 2009, contre 150.000 en 2007, soit une augmentation de 73%. Pour 2010, l'Etat souhaite concentrer ses efforts sur le secteur non-marchand : plus de 360.000 CUI-CAE sont programmés, dont 210.000 ont d'ores et déjà été signés au premier semestre 2010. Dans le secteur marchand, une enveloppe de 50.000 CUI-CIE était prévue pour le premier semestre 2010, visant prioritairement les jeunes, et entièrement consommée. Dans le cadre du plan Rebond pour l'emploi, signé le 15 avril dernier entre l'Etat et les partenaires sociaux, une nouvelle enveloppe de 50.000 CUI-CIE a été dégagée, pour les demandeurs d'emploi en fin de droit, à laquelle s'ajoute la réorientation, vers ce même public, de 120.000 CUI-CAE.
Amortisseur
Au total, donc, si tous les contrats prévus sont affectés, le volume de CUI, en 2010, devrait atteindre 460.000, en augmentation de 28% par rapport à 2009, et de 246% par rapport à 2007. Cette explosion a une explication : pour atténuer les effets de la crise, sur les populations précarisées, le gouvernement a "dopé" l'aide attachée aux CUI. Sur ce type de contrat, l'employeur bénéficie d'une prime financière de l'Etat, portée à un niveau exceptionnel en 2009 et 2010 : cette aide couvre aujourd'hui 45% du coût du contrat, dans le secteur marchand, et 90% dans le secteur non-marchand, soit très près des taux maximum autorisés par la loi du 1er décembre 2008 (47% du Smic brut pour une embauche en CUI-CIE, et 95% du Smic brut pour un CUI-CAE). Aussi les employeurs se déclarent très satisfaits du CUI, et sont d'autant moins inhibés dans le recrutement que celui-ci leur coûte peu. "En tant qu'association, nous n'avions pas les moyens d'embaucher. En CUI-CAE, nous avons pu recruter deux personnes, dont le salaire est pris en charge à 80% par l'Etat. En plus, le dispositif est assez facile à mettre en place", témoigne une responsable de l'association Justice et Ville, basée à Créteil (Val-de-Marne).
Si cette association se dit prête à tenter de pérenniser ces deux emplois, combien d'employeurs en feront de même, une fois expiré le contrat aidé (sa durée ne peut excéder vingt-quatre mois) ? Dans un rapport sur le projet de loi de finances 2010, le Sénat pointait le faible taux de transformation des CUI en emplois durables : il n'est que de 30% dans le secteur non-marchand (CUI-CAE), contre un peu plus de 50% dans le secteur marchand (CUI-CIE). Or le "non-marchand" représente aujourd'hui la majorité des CUI signés, et plus de 90% des crédits de l'Etat programmés pour 2010 (918 millions d'euros pour le CUI-CAE, 92 millions d'euros pour le CUI-CIE). Autrement dit, avec le CUI-CAE, l'Etat engage des dépenses importantes, pour peu d'emplois stables à l'arrivée. "Par ailleurs les finances publiques ne pourront longtemps tenir ce niveau de subventionnement. Or, une fois que l'aide financière aura baissé, est-ce que les employeurs auront toujours autant d'appétence pour les CUI ?", remarque un sénateur UMP. Avant de conclure : "Mais il est vrai qu'il fallait faire quelque chose, et qu'en période de crise aiguë, de destruction massive d'emplois, le CUI a servi d'amortisseur."
Paul Arguin