Le Covid aura-t-il la peau du Parlement strasbourgeois ?
Le médiateur européen vient d'adresser une fin de non-recevoir à la plainte, relative à l'absence de sessions strasbourgeoises du Parlement européen, que lui a adressée le président de la collectivité européenne d'Alsace.
L'édition 2021 de la Journée de l'Europe, célébrée ce 9 mai, risque d'être bien amère pour les partisans du Parlement européen à Strasbourg. Dans un courrier daté du 5 mai, dont a pu prendre connaissance Localtis, la médiatrice européenne Emily O'Reilly vient en effet d'adresser une fin de non-recevoir à la plainte contre le Parlement européen que lui avait adressée le président de la collectivité européenne d'Alsace.
En cause, l'absence de sessions strasbourgeoises du Parlement européen depuis février 2020 – motif pris de la crise du Covid – en violation du protocole (n° 6) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Si la médiatrice souligne, c'est heureux, que "les principes de bonne administration requièrent […] que les autorités respectent leurs obligations juridiques", elle estime que "le Parlement, comme toute autre institution, est investi d’un pouvoir d’organisation interne lui permettant de prendre des mesures appropriées en vue d’assurer son bon fonctionnement et le déroulement de ses procédures". Le piquant est que la médiatrice tire cette conclusion en se référant explicitement à une décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 13 décembre 2012… qui relativisait la portée de ce pouvoir (pt 60), et condamnait in fine le Parlement européen faute d'avoir fixé douze sessions plénières à Strasbourg pour les années 2012 et 2013.
Qui ne cherche pas… ne trouve pas ?
En l'espèce, la médiatrice considère que "toute décision sur ce qui constitue des mesures appropriées implique nécessairement une certaine marge d’appréciation qui se fonde notamment sur les données disponibles en matière médicale et de santé publique". Or, ajoute-t-elle, "le médiateur européen n'est pas en mesure d'examiner les données médicales disponibles", mais seulement d'"examiner si les mesures prises par le Parlement ont manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation". N'ayant "trouvé aucun élément indiquant que tel est le cas", elle "n'estime pas justifié de procéder à une enquête".
Vers un nouveau contentieux ?
Plus que jamais, un recours auprès de la CJUE semble inéluctable. C'est en tout cas ce que plusieurs élus de toute sensibilité (Fabienne Keller de Renew Europe, David Cormand des Verts, Evelyne Gebhardt des Socialistes, Anne Sander du PPE) et personnalités de la société civile (les présidents de l'Institut Jacques-Delors, de la fondation Robert-Schman, de l'université de Strasbourg…) viennent de réclamer au secrétaire d'État aux Affaires européennes Clément Beaune, dans une lettre ouverte publiée par les Dernières Nouvelles d'Alsace le 3 mai. Dans un courrier du 21 avril dernier, treize députés, sénateurs ou parlementaires européens avaient également enjoint le président de la République d'aller au-delà de la défense du respect des traités pour "redonner du contenu à Strasbourg, déshabillée au fil des années". "Le moment est venu pour la France d’exiger l’installation à Strasbourg, en permanence et de manière définitive, d’une partie du personnel du Parlement européen, celui nécessaire à la plénière ainsi que les fonctions relatives à la communication et à la diplomatie", plaidaient notamment les élus. Un défi de taille, alors que la lettre qu'Emmanuel Macron avait adressée au président du Parlement européen le 23 septembre dernier l'exhortant à "mettre sans délai le retour à la normalité institutionnelle" reste toujours sans effet.