Parlement européen : le Covid relance la guerre Strasbourg/Bruxelles
La tenue de toutes les sessions du Parlement européen à Bruxelles au lieu de Strasbourg, depuis le mois de février, pour cause de Covid, a relancé les inquiétudes sur l'avenir du siège alsacien.
Conséquence inattendue du covid, le réveil du débat enfiévré sur la localisation du Parlement européen. Aucune session plénière ne s'est déroulée à Strasbourg depuis février, alors que les textes y prévoient la tenue de douze sessions annuelles. En pleine crise sanitaire, les "Strasbourgeois" avaient réussi à avaler la pilule. Mais face à la nouvelle décision du président du Parlement David Sassoli de tenir la session des 14-17 septembre derniers à Bruxelles – motif pris du classement en zone rouge du Bas-Rhin, qui aurait contraint élus et collaborateurs à se soumettre à tests et quarantaine à leur retour en Belgique –, ils ont cette fois rejeté la potion. La région Grand Est a adopté vendredi 18 septembre une motion d'urgence pour le maintien du siège en Alsace, que son président, Jean Rottner, a remis à la députée européenne Anne Sander, toujours au chevet strasbourgeois. Face à la fronde alsacienne, le gouvernement cherche à obtenir des compensations, comme l'a indiqué le secrétaire d'État Clément Beaune. La menace d'une nouvelle saisine de la Cour de justice ne semble en revanche pas avoir été agitée (la France s'était tournée vers le juge en 2017, en vain, pour faire annuler le budget puisque voté à Bruxelles et non à Strasbourg – une décision qualifiée alors de "pathétique et dérisoire" par le président de la commission du budget de l'époque, Jean Arthuis).
Un mal ancien
Le mal est ancien et se réveille régulièrement, avec plus ou moins de vigueur. En 2013, trois commissaires européens avaient signé un manifeste du Premier ministre hollandais Mark Rutte plaidant pour un site unique, à Bruxelles. En réponse à cette resucée de la campagne "One seat" de 2006, les autorités françaises avaient même lancé en 2016 un site internet – The Seat, en friche depuis le début de l'année – pour défendre et promouvoir Strasbourg. Dernièrement, le Brexit avait donné prétexte à une nouvelle offensive, au motif que les services de l'Agence européenne du médicament installés à Londres pourraient prendre place dans les locaux d'un Parlement strasbourgeois devenu bruxellois à temps plein.
Une solution qui ne présenterait évidemment pas les mêmes atours politiques, et des répercussions différentes pour l'économie locale – les sessions parlementaires représenteraient 15% du chiffre d'affaires annuel de l'hôtellerie locale, selon le président de la branche hôtellerie du Groupement des hôteliers, restaurateurs et débitants de boissons du Bas-Rhin (au journal 20 minutes).
Outre-Quiévrain (et au-delà), on invoque toujours les difficultés pour se rendre à Strasbourg et, surtout, les coûts budgétaires et écologiques de la transhumance mensuelle des quelque 705 parlementaires et 2.500 fonctionnaires et collaborateurs. Un dernier argument particulièrement menaçant à l'heure où les parlementaires européens ne cessent de jouer le rôle de "Monsieur Plus" dans les débats autour du "pacte vert"… Néanmoins, pour l'heure, la prochaine session est bien fixée le 5 octobre... à Strasbourg.