Le Parlement européen plaide pour renflouer et "verdir" les programmes

Le Parlement européen a voté pour 2020 une rallonge de 5,1 milliards d'euros des fonds de cohésion "covid" et validé par ailleurs la décision du Conseil relative aux ressources propres, permettant d'entamer le processus de ratification de l'accord de juillet. Il continue toutefois de plaider pour la revalorisation budgétaire de plusieurs programmes, qu'il entend en outre voir "verdir"... mais pas trop.

Au cours d'une session parlementaire à nouveau bruxelloise pour cause de covid, marquée par le discours sur l'état de l'Union de la présidente de la Commission, les députés européens ont continué de poser leurs conditions sur les contours du budget pluriannuel et du programme Next Generation EU. Si les parlementaires ont approuvé la décision relative aux ressources propres, permettant d'entamer le processus de ratification de l'accord de juillet autorisant l'emprunt par la Commission des 750 millions d'euros du dispositif de relance, plusieurs sujets restent sur la table. Le Parlement demande notamment l’établissement d’un calendrier juridiquement contraignant pour l’instauration de ces nouvelles ressources, insistant sur la nécessité de taxer les "pollueurs transnationaux" (taxe carbone aux frontières) ou les entreprises multinationales (taxe "Gafa").

Le Parlement ne désarme pas non plus sur la "nécessaire" revalorisation budgétaire de 15 programmes phares (dont Horizon Europe, InvestEU, Erasmus+, Life+, EU4health ou encore Connecting Europe Facility), qu'il espère par ailleurs voir "verdis afin de contribuer davantage au changement sociétal visé par le pacte vert" (invitant, par exemple, la Commission à calculer l'empreinte carbone des participants d'Erasmus + et à rembourser les coûts supplémentaires d'un transport plus respectueux de l'environnement). Tout en soulignant que cette "écologisation" ne doit pas compromettre "les valeurs d'origine" de ces programmes – "mobilité, apprentissage, créativité", ni leurs budgets "déjà extrêmement limités". En matière de mobilité, le Parlement a également dénoncé des "restrictions Schengen injustifiées" qui "entravent la culture européenne". Préoccupé par le manque de ressources de nombre des acteurs de la culture, il a en outre réclamé qu'au moins 2% du mécanisme de relance et de résilience soient affectés aux secteurs et aux industries culturels et créatifs.

Le Fonds pour une transition juste conditionné à la neutralité climatique

Parmi les 15 programmes prioritaires, le fonds pour une transition juste a fait l'objet d'une attention toute particulière, les élus "exigeant une augmentation significative" de ses ressources, revues fortement à la baisse par le Conseil en juillet. Ils ont en outre fait leurs les principales recommandations de la commission du développement régional : création d'un mécanisme de "récompense écologique", élargissement du champ d'intervention, attention aux zones les moins développées, taux de cofinancement de 85% ou encore... dérogations sous conditions pour certaines énergies fossiles.  En y ajoutant une disposition de taille : les États membres ne pourront bénéficier que de la moitié de leur allocation tant qu'ils ne se seront pas engagés à atteindre l'objectif de neutralité climatique d'ici 2050. Une décision qui épouse celle prise le 11 septembre dernier par la commission Environnement du Parlement, qui entend que cet objectif soit atteint non seulement par l'Union dans son ensemble, mais aussi par tous les États membres pris individuellement.

En matière environnementale, le Parlement s'est également prononcé en faveur de l'abaissement chaque année des limites d'émissions d'oxyde d'azote (NOx) des véhicules particuliers et utilitaires qui seront à l'avenir contrôlées en conditions de conduite réelle (dans le cadre de la proposition contestée de la Commission émise afin de se conformer à la décision du tribunal de l'Union du 13 décembre 2018, notamment saisi par la mairie de Paris).

Dans une résolution non contraignante, le Parlement a également réclamé des objectifs contraignants pour protéger et restaurer les écosystèmes forestiers, en "accordant une attention particulière à la lutte contre la déforestation importée" mais aussi en veillant à ce que les futurs accords de commerce et d’investissement contiennent des dispositions visant à prévenir la déforestation.

Rallonge des fonds de cohésion en 2020 liés à la crise

À court terme, le Parlement a voté une hausse de 6,2 milliards d'euros du budget 2020, dont 1,1 milliard pour développer et déployer un vaccin contre le virus et 5,1 milliards consacrés aux fonds de cohésion "afin de garantir que les demandes de remboursement des États membres pour les mesures prises dans le cadre de l'initiative CRII+ puissent être couvertes". Pour mémoire, la CRII+ a assoupli les règles d'utilisation des fonds de cohésion, la CRII ayant permis d'utiliser les fonds non dépensés à la lutte contre le covid.

Par ailleurs, inquiets de la hausse de cas de covid et regrettant que les États membres n'aient pas tiré de leçon de la crise en prenant à nouveau des mesures différentes et non coordonnées (restrictions aux voyages notamment, v. supra), les députés réclament une définition commune d'un cas positif de covid-19, d'un décès dû au covid ainsi que de la guérison de l'infection, mais aussi une reconnaissance mutuelle des résultats dans tous les États membres ou encore une durée de quarantaine identique.

Rapatrier la production de médicaments

À plus long terme, les parlementaires demandent la création d'une réserve pharmaceutique d'urgence, sur le modèle de RescUE – qu'ils appellent une nouvelle fois à renforcer – et "plaident pour l’instauration d’incitations financières afin de persuader les entreprises de produire des ingrédients pharmaceutiques actifs et des médicaments en Europe" (40% des médicaments commercialisés dans l'UE proviendraient de pays tiers et 60 à 80% des ingrédients pharmaceutiques seraient produits en Chine et en Inde). Ils revendiquent dans le même temps de nouvelles mesures pour lutter contre la pollution pharmaceutique, "qui cause des dommages à long terme aux écosystèmes, réduit l’efficacité des médicaments et augmente la résistance aux antibiotiques", s’inquiétant de la croissance constante de la consommation globale de médicaments par habitant dans l’UE.
 

 

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