Parlement européen : nouveau camouflet pour la France

En dépit des pressions du président Macron, la session du Parlement européen d'octobre se tiendra une nouvelle fois à Bruxelles. Invoquant toujours et encore la pandémie, le président Sassoli peine à convaincre. 

"Si on accepte que le Parlement européen ne se réunisse qu'à Bruxelles, on est foutu, car dans dix ans tout sera à Bruxelles. Et les gens ne se parleront plus qu'entre eux à Bruxelles. Or l'Europe ce n'est pas cette idée-là", a averti Emmanuel Macron le 29 septembre, lors de sa visite en Lituanie (AFP). Il semble qu'on en prenne toutefois le chemin, puisque la session d’octobre du Parlement européen se déroulera une nouvelle fois à Bruxelles, comme l'a annoncé – le même jour – son président, David Sassoli.

Camouflet pour le président français

La lettre que le président de la République française a adressée à ce dernier le 23 septembre dernier sera donc restée sans effet. Emmanuel Macron lui rappelait pourtant qu'il incombait à l'élu "de mettre en œuvre sans délai le retour à la normalité institutionnelle et une reprise des sessions plénières à Strasbourg dès le mois d'octobre", invoquant le respect des traités. Et soulignait que "la situation sanitaire est certes difficile, mais elle l'est tout autant à Bruxelles qu'à Strasbourg". En vain, donc. Le camouflet est d'autant plus cinglant que David Sassoli a justifié sa décision par "la récente hausse du taux de transmission du virus en France, y compris dans le département du Bas-Rhin" alors que la situation bruxelloise n'a effectivement rien d'enviable. Pour preuve, le 27 septembre, la cellule de crise provinciale bruxelloise – rassemblant les 19 bourgmestres des communes bruxelloises – a en effet décidé de nouvelles mesures pour enrayer la progression des contaminations dans la région, où le taux d'incidence serait désormais de 327,7 cas pour 100.000 habitants sur 14 jours, alors qu'il était de 51,9 cas sur la période du 19 au 25 septembre pour le Bas-Rhin, selon l'ARS Grand Est.

Seul le classement belge importe

Décidément, l'ancien journaliste de la RAI peine à convaincre. Pour justifier la même décision prise pour la session de septembre, David Sassoli avait avancé la décision des "autorités françaises de classer l'ensemble du département du Bas-Rhin dans la zone rouge", arguant que "le transfert de l'administration du Parlement européen exigerait que tout le personnel soit mis en quarantaine à son retour à Bruxelles". Un moyen peu élégant de rejeter la responsabilité de la décision vers la France. Et surtout totalement spécieux puisque ce n'est pas tant la décision "des autorités françaises" qui importe en l'espèce (sans effet sur les déplacements entre les deux pays) que celle des autorités belges !
C'est bien la Belgique qui a en effet arrêté des restrictions de déplacements plus ou moins fortes en fonction du classement des "communes, arrondissements, villes, régions ou pays" du monde en zones verte, orange et rouge qu'elle a elle-même définies à partir des critères établis par le Celeval, comité d’évaluation fédéral sur le coronavirus. 
Selon le tableau covid de la diplomatie belge "mis à jour au 26 septembre", la Belgique interdisait les voyages qu’elle a classées en rouge. Désormais, elle les "déconseille fortement" (suivant les informations du service public fédéral Santé Publique, sécurité de la chaîne alimentaire et environnement). Et imposait jusqu'il y a peu test et quarantaine pour les ressortissants ou résidents de l'espace Schengen de retour d'une telle zone, considérés comme des "contacts à haut risque", comme l'indique la FAQ mise en place par le gouvernement belge. Confortant à première vue la position du président Sassoli.

Des parlementaires touristes ?

L'argument n'en reste pas moins inopérant. D'abord parce que selon France Diplomatie, "ces restrictions [belges] ne s'appliquent que pour les voyages dits non essentiels comme les voyages touristiques" (information "mise à jour le 18 septembre et toujours valide le 30 septembre"). Ils n'ont donc pas vocation à s'appliquer aux déplacements des parlementaires européens, de leurs collaborateurs et des fonctionnaires se rendant en session à Bruxelles, sauf à les considérer alors comme des touristes, un pas que nous ne saurions évidemment franchir. L'argument semble d'autant plus inaudible que le site de la diplomatie belge précise lui-même que "les personnes habitant à la frontière franco-belge et les travailleurs frontaliers, en provenance ou à destination d’une zone rouge (selon les autorités belges), ne doivent pas obligatoirement se placer en quarantaine ni réaliser un test Covid-19".

Le Bas-Rhin classé alors en zone orange par la Belgique

Plus encore, le Bas-Rhin n'avait jusqu'ici jamais été classé en zone rouge par la Belgique ! Au 29 septembre, le Bas-Rhin figurait ainsi toujours en "zone orange" sur le site de la diplomatie belge, i.e. une zone où "les voyages sont possibles, mais les autorités belges invitent à une vigilance accrue" et pour laquelle test et quarantaine étaient seulement "recommandés au retour en Belgique". Le département n'a finalement basculé en zone rouge sur la carte que le 30 septembre en fin d'après-midi...
En outre, depuis le conseil national de sécurité belge qui s'est tenu le 23 septembre dernier (dont les sites précédemment évoqués n'ont pas encore tous tenus compte), "le retour de zone orange ne [fait] plus l'objet de testing" et se rendre en zone rouge n'est plus interdit mais seulement "fortement déconseillé". Les formalités ont également été assouplies pour les voyageurs de retour de ces zones, qui peuvent se soustraite à l'obligation de quarantaine – par ailleurs raccourcie à 7 jours – "s'ils remplissent un document d'auto-évaluation qui, après analyse, les autorise à le faire". Autant d'éléments qui mettent en doute le "souhait le plus sincère" exprimé par David Sassoli de retrouver Strasbourg "bientôt"...
 

 

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