Citoyen - Le Conseil d'Etat souhaite une "administration délibérative"
"Une interrogation générale sur les modifications des relations entre l'administration et ses interlocuteurs et sur le processus d'ensemble préparatoire à la décision publique est dans le contexte social et technologique actuel, nécessaire", a expliqué Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat lors de la présentation du rapport public 2011 de la Haute Juridiction, le 28 juin. Intitulé "Consulter autrement, participer effectivement", l'exercice thématique annuel s'est voulu volontairement transversal après deux études consacrées en 2009 et 2010 à des politiques publiques sectorielles, logement et eau. Le Conseil d'Etat s'est donc penché sur le principe de participation des citoyens, des administrés, des usagers à l'élaboration de la décision. "Il ne s'agit nullement d'une participation à la décision au sens d'une codécision ; la décision reste le fait de l'autorité légitimement habilitée à la prendre et à l'assumer", a tenu à préciser d'entrée de jeu le vice-président. Et de poursuivre : "Le Conseil d'Etat appelle de ses vœux une administration qualifiée de 'délibérative' parce qu'elle cherche à mettre en place de nouvelles procédures caractérisées par la transparence, l'ouverture, de débat, l'itération et le compte-rendu."
Vers une "loi-code"
"La principale limite de la consultation est le moment où elle intervient, c'est-à-dire en fin de processus", a exposé Olivier Schrameck, président de la section du rapport, en présentant les trois parties de l'étude : "les progrès et les limites de l'administration consultative" (première partie), "des principes directeurs pour consolider de nouvelles formes de consultation" (deuxième partie) et "vers l'administration délibérative" (dernière partie). Comme le résume le rapport, le système consultatif en place est lourd, incertain et source d'un abondant contentieux. La consultation doit être une concertation beaucoup plus précoce. Qu'il s'agisse "d'états généraux, d'assises, de consultations nationales, de Grenelle, il faut moins de formalisme tardif et plus d'anticipation largement ouverte à la discussion", a jugé Olivier Schrameck. Aussi, pour favoriser le développement de consultations ouvertes, le Conseil d'Etat préconise l'introduction d'un corpus de principes directeurs (lire encadré ci-dessous) dans une "loi-code relative aux principes de l'administration délibérative".
"Réactions ambivalentes" des élus
"Ce qui est délibératif, c'est la procédure et non la décision", a insisté Jacky Richard, président adjoint et rapporteur général du rapport. Le Conseil d'Etat estime que "l'administration gagnerait à prendre en compte cet objectif de dialogue interactif, maîtrisé et transparent dans ses processus d'action et de gestion". Il formule quelque 18 propositions pour parvenir à cette administration délibérative tout en préconisant la prise en compte du "temps de l'évaluation".
Au niveau des collectivités territoriales, le rapport fournit des exemples de consultations du public et sur ce point Jacky Richard a constaté "des réactions ambivalentes" de la part des élus. "Les collectivités y recourent rarement", a-t-il poursuivi. Le rapport le souligne, "le bilan d'activité de ces différents outils de démocratie locale est variable d'une collectivité à une autre, suivant les moments, les événements et les configurations individuelles et collectives que l'on rencontre sur le terrain". La méfiance des élus est due au conflit de légitimité selon les rapporteurs : "Ils sont souvent en position d'expectative, voire de retrait quand ils ressentent son déroulement comme une procédure revêtant un certain caractère officiel pouvant remettre en cause les mécanismes de la démocratie représentative qu'ils incarnent." "Néanmoins, j'ai constaté des signes encourageant", a tempéré le rapporteur.
Catherine Ficat
Les six principes directeurs de la loi-code
- garantir l'accessibilité de l'information ;
- assurer le dépôt des observations de tous les participants et favoriser leur publicité ;
- garantir l'impartialité et la loyauté de l'organisateur de la concertation et mettre en place, chaque fois que nécessaire "un tiers garant" ;
- assurer des délais raisonnables aux citoyens ou aux organismes représentatifs pour s'exprimer ;
- veiller à la représentativité des organes et groupes de travail de la concertation, notamment en assurant la présence des organismes minoritaires ;
- donner les informations sur les suites projetées, dans un délai proportionné à l'importance de la réforme.