Laïcité - Le Conseil d'Etat éclaire les relations collectivités/Eglises
Trélazé (commune du Maine-et-Loire), Lyon, la communauté urbaine du Mans, Montpellier et Montreuil : le Conseil d'Etat a examiné cinq pourvois touchant aux relations entre les collectivités et les communautés religieuses. Des affaires correspondant à des situations diverses ne concernant pas toutes le même culte, ni le même type d'opérations. Cinq décisions ont été rendues le 19 juillet. Le Conseil d'Etat a donné raison aux collectivités dans tous les cas. "La loi du 9 décembre 1905 est toujours pleinement opérante", a cependant assuré Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat. "Il n'y a pas de nouvelles interprétation de la loi", a renchéri le rapporteur public, Edouard Geffray, qui avait préconisé une approche conforme à "l'équilibre complexe, subtil et libéral".
Trois pourvois étaient formés par des municipalités dont les décisions avaient été annulées par des cours administratives d'appel. Le Conseil d'Etat a jugé leurs pourvois valables et a renvoyé les affaires vers les cours d'appel afin qu'elles les examinent de nouveau. Le premier cas concernait la commune de Trélazé dont le conseil municipal avait décidé l'acquisition et la restauration d'un orgue en vue de l'installer dans l'église communale. Pour la communauté urbaine du Mans, c'est sa participation au financement d'un abattoir pour ovins à l'occasion des fêtes musulmanes de l'Aïd el-Kébir qui était contestée. La ville de Montpellier défendait sa décision de faire construire une salle polyvalente, par la suite utilisée par une association pour l'exercice d'un culte (en l'occurrence comme mosquée). A Lyon, le dossier portait sur une subvention de la ville à l'installation d'un ascenseur destiné à faciliter l'accès à la basilique de Fourvière. La dernière affaire concernait l'octroi d'un bail emphytéotique à la fédération cultuelle des associations musulmanes de Montreuil (Seine-Saint-Denis) pour l'édification d'une mosquée.
L'intérêt public local
Les décisions du Conseil d'Etat livrent deux enseignements, a expliqué Jean-Marc Sauvé. Le premier est que "la loi de 1905 prévoit elle-même expressément des dérogations ou doit être articulée avec d'autres législations qui y dérogent ou y apportent des tempéraments". Le second est bien que les collectivités peuvent financer les dépenses d'entretien et de conservation des édifices servant à l'exercice public d'un culte ou accorder des concours aux associations cultuelles pour des travaux de réparation d'édifices cultuels, mais "à condition que ces décisions répondent à un intérêt public local et qu'elles respectent le principe de neutralité à l'égard des cultes et le principe d'égalité". En revanche, il leur est interdit d'apporter toute libéralité, c'est-à-dire toute aide financière, à l'exercice d'un culte.
Ainsi, il existe un intérêt public local à Trélazé car l'orgue servira à des cours ou des concerts. De même, au Mans, l'intérêt public local est reconnu avec la nécessité que "les pratiques rituelles soient exercées dans des conditions conformes aux impératifs de l'ordre public, en particulier de salubrité et de santé publiques". A Lyon, l'intervention de la commune est légitime en raison de la place qu'occupe la basilique de Fourvière pour "le rayonnement culturel et le développement touristique et économique de la ville". La basilique est le premier site touristique de la région avec deux millions de visiteurs par an.
Concernant la mosquée de Montreuil, Jean-Marc Sauvé a rappelé que les collectivités pouvaient conclure un bail emphytéotique avec pour contrepartie une redevance (d'un montant modique puisque le titulaire n'exerce pas une activité à but lucratif) et l'incorporation de l'édifice dans le patrimoine de la collectivité à l'expiration du bail, soit 99 ans. "450 églises catholiques ont bénéficié de ce système postérieurement à la loi de 1905, sans que cela ait jamais donné lieu à contentieux", a-t-il argumenté.
Ces décisions interviennent alors qu'on constate "depuis deux ou trois ans une augmentation du nombre de litiges sur les aides financières de collectivités à des projets liés aux cultes religieux", a analysé Jean-Marc Sauvé. L'explication selon lui, est l'évolution de la société depuis 1905, l'enrichissement de l'environnement normatif et surtout l'affirmation de la place des collectivités "qui ne peuvent dorénavant ignorer le fait religieux".