Logement / Urbanisme - Le Conseil constitutionnel valide - presque toute - la loi Alur
Il y a 18 mois, Cécile Duflot avait connu la désagréable mésaventure de voir sa loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social intégralement censurée par le Conseil constitutionnel, pour avoir méconnu les droits du Parlement lors de l'examen du texte (voir notre article ci-contre du 25 octobre 2012). Fait exceptionnel sous la Ve République, il avait fallu reprendre toute la procédure en urgence pour aboutir finalement à la loi du 18 janvier 2013.
Rien de tel avec la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur). Dans une décision du 20 mars 2014, le Conseil constitutionnel a en effet déclaré conforme à la Constitution la quasi-totalité du texte, à l'exception de quelques points qui ne remettent pas en cause l'économie générale de la loi. Plus de 60 députés et 60 sénateurs l'avaient en effet saisi d'un recours contre neuf articles d'Alur - concernant uniquement le volet logement du texte -, mais leurs arguments n'ont pas été suivis.
Encadrement des loyers validé, mais sans les exceptions
Le Conseil valide ainsi l'article 5 sur le congé donné par le bailleur, qui apportait une protection accrue aux locataires de plus de 65 ans (au lieu de 70) disposant de ressources inférieures à 1,5 fois le Smic. Il considère en effet que ces dispositions "ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle". En revanche, dans ce même article, le Conseil censure la disposition qui étendait cette protection au locataire hébergeant une personne répondant à cette définition, dans la mesure où la loi ne prévoyait pas de prendre en compte le cumul des ressources de cette dernière avec celles du locataire.
Très attendu sur ce point, le Conseil constitutionnel a également validé l'article 6 instaurant l'encadrement des loyers dans les zones de plus de 50.000 habitants connaissant des difficultés sérieuses d'accès au logement. Mais il a censuré la disposition permettant au bailleur d'aller au-delà du loyer de référence majoré pour les logements présentant des caractéristiques "exceptionnelles" de localisation ou de confort. Quel que soit le contexte, les loyers pratiqués dans les territoires concernés devront donc s'inscrire strictement dans la fourchette comprise entre le loyer de référence minoré de 30% et le loyer de référence majoré de 20%. Ce qui risque, au passage, de compliquer l'application de la loi et de conforter les critiques sur un encadrement des loyers qui profiterait surtout aux ménages aisés.
Locations touristiques : la souplesse prévaut
S'il a validé l'article 16 précisant et assouplissant la réglementation relative à la location des locaux meublés d'habitation, de manière répétée, pour de courtes durées, à "une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile" - ce qui correspond aux locations touristiques occasionnelles -, le Conseil constitutionnel a en revanche intégralement censuré l'article 19. Celui-ci prévoyait de donner à l'assemblée générale des copropriétaires d'un immeuble la possibilité de décider, à la majorité des voix de tous les copropriétaires, de soumettre à son accord "toute demande d'autorisation de changement d'usage d'un local destiné à l'habitation par un copropriétaire aux fins de le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage". Le Conseil a jugé cette disposition contraire à l'article 2 de la Déclaration de 1789 relatif aux conditions d'exercice du droit de propriété.
La GUL s'en sort bien
Sur l'article 23 - consacré à la très controversée garantie universelle des loyers (GUL) - les auteurs du recours contestaient la procédure parlementaire et notamment le fait qu'un amendement gouvernemental avait "substantiellement" - et sans étude d'impact - modifié le contenu de cet article lors de la seconde lecture du texte à l'Assemblée (voir notre article ci-contre du 15 janvier 2014).
L'argument n'a pas convaincu les juges constitutionnels, qui valident l'article relatif à la GUL, en considérant que "le projet de loi comportait lors de son dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale, première assemblée saisie, un article 8 relatif à la création d'une agence de la garantie universelle des loyers" et que le gouvernement n'a fait ensuite qu'user de son droit d'amendement, reconnu par l'article 44 de la Constitution.
Feu vert pour l'autorisation préalable de location
Le Conseil constitutionnel a également jugé conforme à la Constitution l'article 92 du texte. Celui-ci permet à un conseil municipal ou à l'organe délibérant d'un EPCI d'instituer une autorisation préalable de location d'un logement dans les zones présentant une proportion importante d'habitat dégradé. Les juges n'y ont pas vu l'atteinte à la propriété plaidée par les auteurs du recours, considérant au contraire que "l'autorité locale compétente ne peut refuser l'autorisation de mise en location ou la soumettre à condition que lorsque le logement est susceptible de porter atteinte à la sécurité de ses occupants et à la salubrité publique". Dès lors, l'atteinte portée au droit de propriété n'est pas disproportionnée au regard de "l'objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent".
Enfin, le Conseil constitutionnel a censuré intégralement l'article 153 au titre de "cavalier législatif". La disposition en question - relative aux actes accomplis par des officiers publics ou des membres des professions réglementées pour constater la cession de la majorité des parts sociales d'une société civile immobilière - a en effet été introduite par amendement et "ne présente pas de lien avec les dispositions du projet de loi initial".
Dans un communiqué du 20 mars, Cécile Duflot "se félicite de la validation de cette loi, qui va apporter des réponses rapides, concrètes et durables aux difficultés que connaissent les Français pour se loger, en particulier la forte augmentation des prix et la pénurie de logements".
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : Conseil constitutionnel, décision n°2014-691 DC du 20 mars 2014, loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.