Environnement - Le Comité des régions veut bannir les sacs plastiques d'ici 2020
Près de 100 milliards de sacs plastiques sont utilisés chaque année rien que dans l'Union européenne ! Après bien des hésitations, Bruxelles a décidé de s'emparer du sujet. Une proposition de directive a été présentée le 4 novembre dernier. Ce texte, qui vise à réformer la directive relative aux emballages et aux déchets d'emballages datant de 1994, demande aux Etats de réduire l'utilisation des sacs en plastique à poignées de moins de 50 microns. C'est-à-dire les sacs légers non réutilisables. Ceux que l'on trouve généralement en caisse des supermarchés et qui finissent bien souvent dans la nature, mettant plusieurs siècles avant de disparaître.
L'objectif est de parvenir à une réduction de 50% d'ici 2017 et de 80% en 2019. Pour y parvenir, les Etat membres pourront agir sur trois tableaux : création de taxe, limitation de commercialisation voire interdiction. Aujourd'hui, un Européen se sert de près de 200 sacs plastiques à poignées chaque année. Mais avec des écarts considérables d'un pays à l'autre : un Danois ou un Finlandais utilisent en moyenne 4 sacs par an, quand un Polonais, un Portugais ou un Slovaque en utilisent 466 ! La France se situe autour des 90 sacs par habitant.
Pour la Britannique Linda Gillham, conseillère municipale de Runnymede (Sud-Est de l'Angleterre) et rapporteur du texte au Comité des régions, il y a urgence à agir. "Pour notre environnement et plus particulièrement pour les mers, les déchets en plastique constituent un problème mondial", a-t-elle assené, lors du vote de son avis lors de la plénière des 2 et 3 avril, alors que d'immenses soupes de plastique, grandes comme des continents, se sont formées au Nord et au Sud des océans Pacifique et Atlantique et aussi dans l'océan Indien, là où les courants marins convergent.
Interdire d'ici 2020
Or le Comité des régions estime que le texte de la Commission manque d'ambition. Les représentants des villes et des régions proposent une série d'amendements pour le muscler. Ils réclament ainsi une interdiction pure et simple des sacs à usage unique d'ici 2020. Un objectif ambitieux que la France avait déjà tenté de mettre en œuvre pour 2010 mais qui n'a jamais abouti (voir encadré ci-dessous).
Jusqu'ici, les pays ont avancé en ordre dispersé. Certains "ont mis en place des actions pour réduire l'usage des sacs en plastique à poignées, qui vont d'accords volontaires à des mesures fiscales (Belgique, Irlande et Danemark), à l'interdiction pure et simple des sacs à poignées non biodégradables, comme en Italie", rappelle le Comité des régions dans son avis.
En l'état, la proposition de directive donne aux Etats le choix des moyens à mettre en œuvre, dont l'interdiction. Dans ce cas, le Comité des régions "recommande aux Etats membres d'associer des représentants des collectivités locales et régionales à toute réflexion".
L'interdiction des sacs non biodégradables serait une bonne nouvelle pour l'agriculture française où le marché des bioplastiques fabriqués grâce à l'amidon contenu dans le maïs, le blé ou les pommes de terre est en plein essor. La France fournit les deux tiers de l'amidon produit en Europe. Mais Linda Gillham se montre réservée sur l'usage des sacs alternatifs et demande que les sacs biodégradables ou compostables (fabriqués à partir de papier, de matériaux d'origine végétale ou d'amidon) soient inclus dans le champ de la directive. Elle invite la Commission à s'attaquer "aux modes de consommation non durables". Le rapport met en garde contre les "étiquetages trompeurs" et les labels "partiellement écologiques". En outre, elle considère que les sacs biodégradables ne réduisent pas le nombre de déchets et "risquent d'occasionner des problèmes pour les municipalités" dans le cadre du recyclage des plastiques et qu'ils risquent être "source de confusion" pour les habitants et les commerces au moment du compostage.
Redevance sur les sacs réutilisables
S'agissant des sacs "oxofragmentables" - fabriqués en polymère classiques, ils se détériorent plus vite sous l'effet d'un oxydant - l'élue britannique est sur la même ligne que les députés socialistes français qui, en début d'année, avaient déposé une proposition de loi visant à les suspendre, sur la base du principe de précaution. Le rapport appelle à une interdiction de ces plastiques "tant qu'une recherche approfondie n'aura pas démontré la valeur ajoutée de ces produits".
S'appuyant sur le principe du "pollueur-payeur", le Comité des régions recommande enfin d'introduire une redevance ou une taxe obligatoire sur les sacs en plastique réutilisables (de plus de 50 microns), mesure qui, là où elle a été appliquée, a produit des résultats, comme en Irlande. Compte tenu de ses mises en garde, Linda Gillham propose de soumettre à ces nouvelles taxations "les sacs à usage unique fabriqués en papier ou en amidon ainsi que les sacs réutilisables". "Des représentants des collectivités locales et régionales devraient être associés à tout examen de l'introduction de redevances/taxes et à l'affectation finale des montants ainsi obtenus qui devraient être utilisés pour des initiatives locales de nettoyage", souligne l'avis.
Le Parlement se penchera sur le projet législatif en plénière le 17 avril.
Michel Tendil
La France : les sacs plastiques à usage unique bientôt taxés ?
En dix ans, la France a hésité entre mesures d'interdiction, d'incitation ou de taxation. Ainsi, en 2005, les députés avaient amendé un projet de loi agricole pour interdire les sacs plastiques en 2010 ! Mais la mesure restera lettre morte.
En 2009, dans la foulée du Grenelle de l'environnement, le Salon des maires avait été l'occasion pour l'Association des maires de France de signer un accord-cadre avec le ministère de l'Ecologie et les représentants de la distribution et de la filière plastique pour favoriser l'utilisation de sacs de déchets biodégradables.
Enfin, la France a fait le choix de la taxation : une taxe sur les sacs plastiques à usage unique aurait dû entrer en vigueur au 1er janvier 2014. Il s'agit de mettre en pratique une disposition de la loi de finances rectificative de 2010 (article 47) venue modifier l'article L.151-1 du Code de l'environnement relatif au champ d'application de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Ainsi, "à compter du 1er janvier 2014", cette taxe doit s'appliquer à "toute personne qui, pour les besoins de son activité économique, livre pour la première fois sur le marché intérieur ou utilise pour la première fois des sacs de caisse à usage unique en matière plastique". Son taux est fixé à 10 euros par kg, soit environ 6 centimes par sac. En revanche la taxe ne s'appliquera pas "aux sacs de caisse à usage unique en matière plastique biodégradables constitués, dans des conditions définies par décret, d'un minimum de 40% de matières végétales en masse". Seulement le décret arrêtant les contours de cette taxe sur les sacs plastiques est toujours en attente.
La feuille de route du gouvernement arrêtée suite à la deuxième conférence environnementale de septembre 2013 reste évasive sur le sujet. Elle se contente de vouloir renforcer "la limitation des sacs plastiques".
M.T.