Archives

Cour des comptes - Le cofinancement de la LGV-Est par les collectivités pointé du doigt

Le cofinancement de la ligne à grande vitesse Est (LGV-Est) Paris-Strasbourg par de nombreuses collectivités territoriales a "fragilisé le pilotage du projet" qui "y a perdu en cohérence" et a conduit à des "choix d'investissements critiquables", a pointé la Cour des comptes dans son rapport public annuel 2013. Inaugurée en juin 2007, cette ligne est la première du réseau à grande vitesse français à avoir été cofinancée par les collectivités locales - à hauteur de 24% pour la partie mise en service en 2007, et même de 32% pour la deuxième phase actuellement en chantier, qui raccourcira encore le trajet et doit être mise en service en 2016. Pas moins de 16 collectivités ont participé à ce financement dans les régions Champagne-Ardenne, Lorraine et Alsace auxquelles s'est ajoutée la région Ile-de-France. Résultat : le plan de financement a été long à mettre en place, souligne la Cour, et "la recherche des cofinancements et la compétition entre les collectivités pour l'accès au TGV ont fragilisé le pilotage du projet".
La participation financière des différentes collectivités "apparaît très hétérogène et moins marquée par une logique économique d'ensemble que par une compétition pour obtenir une desserte par le TGV", note le rapport. Ses auteurs s'étonnent que 17 villes non situées sur l'axe de la LGV aient obtenu d'être connectées malgré tout au réseau TGV, via des liaisons directes régulières, alors que cela supposait des aménagements coûteux. Les collectivités concernées sont amenées à financer les déficits d'exploitation correspondants alors que la faible fréquentation peut faire douter de pérennité de certaines de ces liaisons.
Surtout, la Cour fustige l'implantation de la gare TGV Lorraine, construite "en rase campagne" à Louvigny, à mi-distance de Metz et Nancy, et uniquement accessible par la route. "Cette localisation est pour le moins surprenante", commentent les magistrats financiers. D'autant que les collectivités locales envisagent de construire une deuxième gare TGV à moins de 20 km de la première, à Vandières, une ville déjà desservie par TER. Ce serait "une gare de trop", selon la Cour, qui met en doute la "pertinence" d'un projet consistant à reconvertir la gare de Louvigny pour le fret. Les magistrats dénoncent aussi les surcoûts de la gare Meuse TGV.
Dans leurs réponses jointes au rapport, plusieurs collectivités ont souligné en substance que, en tant que cofinanceur, elles pouvaient légitimement prétendre influer sur le projet. "Imaginer que des collectivités participent au financement d'un projet (...) sans exprimer de revendications à la hauteur de leur quote-part est une vue de l'esprit", résume le Conseil régional de Champagne-Ardenne.

Dans ses recommandations, la Cour conseille en tout cas de limiter, en cas de cofinancement, le nombre de collectivités participantes et de confier le rôle de chef de file à la région. Elle insiste aussi sur la nécessité d'éclairer cette participation financière des collectivités par des évaluations préalables portant sur les choix des tracés de la ligne et sur les dessertes, en complément des évaluations globales effectuées par Réseau ferré de France (RFF). Enfin, il faut selon la Cour exclure l'implantation de gares TGV en rase campagne sans interconnexion avec le réseau de transport régional.