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Mobilité - Le code de la rue en plein tournant

Le 3 février, un colloque organisé par la ville et la communauté urbaine de Strasbourg et le Club des villes et territoires cyclables sur la mise en œuvre du code de la rue a fait le plein : près de 400 élus et techniciens des collectivités locales y ont assisté. Une page semble ainsi se tourner, celle des premières réunions réunissant quelques fervents pionniers, et le terrain semble désormais propice à une généralisation de cette démarche suivie à l’origine par le ministère en charge des Transports avec des opérateurs et des associations d’élus, de professionnels et d’usagers. Bien sûr, des doutes subsistent, notamment suite au récent passage de la direction de la sécurité routière sous la coupe du ministère de l'Intérieur. Lentement mais sûrement, le bon sens sur lequel repose la démarche semble avoir pourtant raison des oppositions. Pour faire court, cette démarche rappelle que s’il existe un Code de la route, pour que l’aménagement des espaces publics s’ouvre à d’autres perspectives que celles liées aux seuls usages routiers, un code de la rue a de bonnes raisons de s’imposer.
Engagés en 2005-2006, les premiers débats sur le sujet se sont appuyés entre autres sur l'exemple de la Belgique, où un code de la rue existe depuis sept ans. En France, le tournant initié par le décret de 2008 instituant des zones de rencontre et des doubles-sens cyclables qui, depuis, ont fleuri un peu partout, a aussi changé la donne. "Le colloque de Strasbourg s’inscrit dans cet élan et représente un signe fort de l’intérêt croissant des collectivités pour cette démarche sur laquelle notre Club s’est fortement mobilisé", motive Jean-Marie Darmian, président du Club des villes et territoires cyclables. Pour cet élu, maire de Créon et conseiller général de la Gironde, il y a là un levier pour une nouvelle gestion des espaces publics, qui ne relève pas d’une simple gestion technique mais bien d’une approche politique des questions d’accès, de partage et de qualité de l’espace public. "Le code de la rue est un état d’esprit. Côté aménageur, c’est penser l’interface entre le piéton, l’usager du bus ou le cycliste et leur environnement. Côté décideur, c’est faire de la relation un angle privilégié : relation entre les modes de déplacement, relations entre les usagers, relation entre la ville et la mobilité. Et côté usagers, c’est s’ouvrir à d’autres points de vue, concevoir les autres modes non pas comme des obstacles à son déplacement, mais comprendre les autres usagers de la rue."
Son enthousiasme n'empêche pas la critique : comme d’autres, Jean-Marie Darmian regrette que "la démarche se traîne" et qu’"aucun comité de pilotage national n’ait encore été réuni". Alors qu’au niveau local, les élus fourbissent leurs arguments et innovent sans relâche – Strasbourg sera ainsi la prochaine ville à lancer son propre code de la rue, après Bordeaux, Toulouse, Chartres et Rennes – l’acrobatie devient limite dans le sens où ces expérimentations se font sans cadre ni filet réglementaires. Plus qu’un désagrément technique, cela pose évidemment sur le fond des problèmes de légalité et de conformité. De fait, le Club des villes et territoires cyclables vient de demander une audience à la ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet. Sa date n’a pas encore été fixée mais le Club compte lui proposer de lancer un plan vélo global, doté d’un volet palliant ce vide réglementaire sur le code de la rue. "Sans un signe fort de la part de l’Etat, la refonte que ce chantier exige, le changement des mentalités qu’il impose, seront plus difficiles à faire aboutir. L’urgence est à plus de soutien aux collectivités qui innovent et agissent", conclut Jean-Marie Darmian.