Le Cese veut "mieux connecter les outre-mer"
"Mieux connecter les outre-mer", c'est le titre de l'avis présenté et adopté le 22 octobre 2024 par la délégation aux outre-mer du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Le document préconise de favoriser le marché régional et de développer des relations commerciales et économiques entre les outre-mer et leurs voisins.
Après le Sénat (voir notre article du 18 septembre 2024), c'est au tour du Conseil économique, social et environnemental (Cese) de s'intéresser à l'environnement régional des outre-mer. Dans un avis intitulé "Mieux connecter les outre-mer", présenté et adopté le 22 octobre 2024, la délégation aux outre-mer estime que les territoires ultramarins voient leurs relations trop souvent se limiter à celle avec la France hexagonale. "Il est important de réfléchir au développement de ces territoires par rapport à leur proche environnement", a déclaré en préambule de la présentation de l'avis Éric Leung-Sam-Fong, président de la délégation. Et l'avis a pour ambition de donner aux outre-mer les meilleurs atouts pour se connecter : le numérique pour faciliter les communications, les connexions maritimes permettant les échanges de marchandises et les liaisons aériennes pour le déplacement de personnes à longues distances.
Trois priorités
"Les infrastructures numériques, portuaires, aériennes sont de grande qualité en outre-mer au regard de leurs besoins mais également en comparaison des standards internationaux et des territoires environnants, souligne l'avis. Ces infrastructures représentent des atouts exceptionnels et un potentiel à exploiter afin de favoriser leur développement économique et social, de permettre aux habitants de bénéficier de tarifs abordables, mais aussi d'atteindre les objectifs nécessaires pour mener à bien la transition écologique, comme la neutralité carbone du transport maritime en 2050." Ce sont les trois priorités que se fixe le Cese à travers cette réflexion : mieux utiliser les potentiels de connexion de "l'archipel France" comme levier de développement économique et social des territoires, permettre aux habitants, aux usagers et aux acteurs économiques de bénéficier de tarifs abordables et viser la décarbonation et la transition écologique des transports, dont la neutralité carbone du transport maritime à horizon 2050.
Des plateformes de connexion
Concernant la première priorité, le développement économique et social de ces territoires, les rapporteurs estiment qu'il faut mettre en place des stratégies de "plateformes de connexion" ou de "hub" pour renforcer la place de ces territoires dans les réseaux de connexion et proposer des services potentiellement créateurs d'emplois et d'activité économique. "Ces stratégies doivent être suivies à moyen terme (5 à 10 ans) pour produire leurs effets et être conditionnées à l'engagement de financements publics", insiste le rapport. Cela fait partie des dix-sept propositions avancées : étudier les possibilités de développer des "hubs numériques" de connexion en outre-mer, tout en créant des sources de production énergétiques renouvelables et vertes, ces installations étant très consommatrices en énergie électrique.
Pour atteindre la deuxième priorité, assurer des tarifs abordables aux habitants et acteurs économiques, le Cese préconise que l'État s'engage à financer une aide à la continuité territoriale beaucoup plus ambitieuse, à l'instar de ce qui existe en Corse pour limiter les surcoûts de déplacement et d'approvisionnement. Il s'agirait de définir juridiquement un "droit à la continuité territoriale". Le Cese propose aussi d'élargir les conditions d'accès à la continuité territoriale en maintenant des conditions de ressources et de motivation pour la prise en charge des déplacements. "Le financement de l'État devra s'accompagner d'engagements de continuité de service et de péréquation tarifaire de la part des compagnies aériennes et maritimes", précise le document.
Développer des filières de services portuaires
Côté transport maritime, le Cese appelle au développement de filières de services portuaires, notamment dans le domaine de la réparation navale, du stockage et de la logistique et de créer des zones franches portuaires pour constituer des plateformes de transbordement, de logistique et de stockage à l'échelle régionale, avec des droits de douane et une fiscalité réduits.
Autre piste de développement : le développement du modèle économique des compagnies maritimes locales. Le Cese propose de lancer des études sur le sujet, territoire par territoire ou par bassin maritime, intégrant les retombées économiques et les emplois directs et indirects. "Nous n'avons quant à nous pas les données quand il le faut, nous avons demandé à en disposer par le biais des agences de développement économique, pour établir des études de faisabilité", a insisté Danielle Dubrac, corapporteure de l'avis. Ces études pourraient permettre plus globalement à ces territoires de se spécialiser, pour avoir des filières compétitives.
Des investissements payant en termes d'emplois et d'activité
Pour l'aérien, le Cese demande à l'État d'investir pour la mise à niveau des infrastructures aéroportuaires de Mayotte, Guyane, Miquelon-Langlade, Futuna et des îles habitées de Polynésie française en mobilisant les crédits européens et les financements de l'État inscrits dans les contrats de convergence et de transformation. Il est aussi favorable au principe d'une coopération entre compagnies aériennes spécialisées sur les dessertes en outre-mer, favorisant les mutualisations, synergies et regroupements de moyens. "Les compagnies aériennes pourraient s'échanger des avions, des pilotes, mais pour cela, il faut que les acteurs travaillent ensemble", a souligné Danielle Dubrac.
Quant au coût de ces mesures, "nous sommes tout à fait conscients de la situation financière de notre nation, a déclaré Pierre Marie-Joseph, corapporteur, mais il faut bien comprendre que l'investissement qui est réalisé dans les outre-mer permettra à terme de créer de l'emploi, de l'activité, de la richesse, donc l'État récupère de la valeur". "Quand vous investissez, vous subissez moins de difficultés, vous récupérez de la valeur. Nous parlons de développement de la France, car nous faisons partie de la France ! Ce sera gagnant pour tout le monde !"
La délégation devrait prochainement rencontrer le ministre des Outre-Mer, François-Noël Buffet.