Le Sénat formule 20 propositions pour réancrer l'outre-mer dans son environnement régional

Dans le premier volet d'une série de rapports sur l'insertion régionale de l'outre-mer, la délégation sénatoriale à l'outre-mer s'est penchée sur le bassin de l'océan Indien. Elle formule 20 propositions pour réancrer ces territoires dans leur environnement régional et appelle à en faire les véritables "chefs de file" de l'insertion économique. 

"Les larmes de nos souverains ont le goût salé de la mer qu'ils ont ignorée", aurait dit Richelieu. C'est en substance le message que la délégation sénatoriale à l'outre-mer souhaite adresser aux dirigeants français en publiant, le 17 septembre, le premier tome d'une série de trois rapports consacrés la coopération et à l'intégration régionales des outre-mer. Pour ce premier volet, les rapporteurs Christian Cambon (LR, Val-de-Marne), Stéphane Demilly (Union centriste, Somme) et Georges Patient (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, Guyane) ont fait escale dans l'océan Indien : la Réunion, Mayotte, traversée par de graves difficultés, et les Terres australes et antarctiques françaises (Taaf), réservoir de biodiversité et de ressources marines exceptionnels. Ces territoires se trouvent au cœur des routes commerciales stratégiques, font-ils valoir, avec le transit de 30% des flux mondiaux d'hydrocarbures, et constituent le bassin ultramarin le plus peuplé, avec 1,2 million de personnes. Malgré leurs atouts respectifs (Mayotte est située au cœur du canal du Mozambique), malgré les objectifs ambitieux du dernier comité interministériel des outre-mer en 2023, "l'intégration régionale économique" de ces territoires "ne décolle pas". Ils sont même "étrangers à leur géographie". Mayotte et la Réunion demeurent "coincées dans un couloir économique les reliant à l'Hexagone et l'Europe". Pire, l'océan Indien est le "seul bassin où la souveraineté française sur plusieurs territoires est contestée", constatent-ils (sans compter la situation actuelle en Nouvelle-Calédonie, dans le Pacifique sud, avec l'ingérence de puissances étrangères comme l'Azerbaïdjan) : Mayotte par les Comores, l'île Tromelin par Maurice et les îles Eparses revendiquées par Madagascar… "Des puissances telles que la Chine n'attendent qu'une chose, c'est que la France tourne les talons", a mise en garde Christian Cambon, lors de la présentation du rapport à la presse.

Des territoires chefs de file de l'insertion économique

Le rapport formule 20 propositions pour réancrer ces territoires dans leur environnement proche. Ce qui passe par une plus grande marge de manœuvre laissées aux autorités régionales. "Une frustration est particulièrement latente concernant l'insuffisante association des collectivités concernées à la définition de la politique extérieure de la France", a souligné Stéphane Demilly. Les rapporteurs plaident pour que ces territoires soient les véritables chefs de file de leur insertion économique. Le schéma régional de développement économique, d'internationalisation et d'innovation (SRDEII) élaboré par la région, doit ainsi devenir le "document stratégique  de référence à décliner par les acteurs du développement économique".

Les rapporteurs estiment qu'à l'image de Paris, Bruxelles n'a pas pris la mesure des enjeux. Ils réclament dans le cadre de l'agenda de la nouvelle Commission, la mise en place d'une "politique européenne de voisinage ultrapériphérique" (Pevu), à destination des États voisins les plus proches. Ils réclament aussi un "paquet RUP" (régions ultrapériphériques) afin de lever les obstacles législatifs à leur insertion et lutter contre la vie chère.

Lutte contre la vie chère

Ils appellent de leurs voeux une "diplomatie française des outre-mer" et demandent d'approuver d'ici un an avec Mayotte et La Réunion, des programmes-cadres de coopération régionale instaurés par la loi Letchimy de 2016. Enfin, ils souhaitent "asseoir la souveraineté française" face aux appétits de puissances étrangères, aux trafics en tous genres, à l'islam radical et aux risques climatiques. Ils demandent en particulier d'"affirmer l'objectif de pleine reconnaissance de l'appartenance de Mayotte à la France". 

Pour la présidente de la délégation, Micheline Jacques (LR, Saint-Barthélemy), le coût de la vie est un "sujet de préoccupation majeur" des territoires ultramarins. "L'insertion régionale de nos territoires pourra apporter des réponses prometteuses pour permettre à nos concitoyens de vivre dans des conditions plus décentes."

Le deuxième volet de ces travaux sera consacré au bassin océan atlantique, avec pour rapporteurs Teva Rohfritsch (Polynésie française, RDPI) et Jacqueline Eustache-Brinio (LR, Val d'Oise).