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Economie - Le Cese appelle à une régulation des nouvelles monnaies

Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a adopté le 15 avril 2015 un avis sur les nouvelles monnaies. Il préconise de créer un statut juridique pour ces monnaies qui présentent certains risques (taux de conversion, problème de traçabilité des opérations...). S'agissant des monnaies locales complémentaires, il propose de confier aux collectivités le soin de mettre en place des systèmes de garantie et de remboursement.

Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) souhaite plus de régulation pour les nouvelles monnaies. S'étant auto-saisi du sujet, le Cese répertorie, dans le cadre d'un avis adopté le 15 avril 2015, quelque 500 monnaies de ce type, au sein desquelles il différencie les monnaies numériques (type Bitcoin), les monnaies locales complémentaires, comme Sol'Violette, et les titres de paiement pouvant par extension être assimilés à des monnaies complémentaires (Air miles ou tickets restaurant).
D'après Pierre-Antoine Gailly, président de la chambre de commerce et d'industrie de Paris Ile-de-France et auteur de l'avis, ces monnaies représentent environ 10 millions d'euros seulement de masse monétaire. "Elles représentent peu", a-t-il déclaré lors de la conférence de presse de présentation de l'avis, le 15 avril, insistant toutefois sur la montée en puissance de ces monnaies. En cinq ans, leur nombre est passé de 200 à 500.
Concernant les monnaies locales complémentaires, le Cese en identifie 30, parmi lesquelles l'Eusko, monnaie locale du Pays basque, qui représente l'équivalent de 500.000 euros en circulation, Sol-Violette lancée à Toulouse en 2011 pour une expérimentation de six mois et Symba, en Ile-de-France. La loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire leur a donné un cadre légal, mais globalement "aucune de ces monnaies ne représente une masse significative en termes de nombre de transactions et également de montants", précise l'avis.
Si le Cese reconnaît des atouts évidents à ces nouvelles monnaies, comme la création de systèmes de paiement innovants, la création de lien social, la redynamisation d'une zone géographique, il met toutefois en garde contre les risques qu'elles représentent. Première crainte : le taux de conversion de ces monnaies. "La multiplication du nombre de monnaies possibles peut conduire au risque d'avoir des perceptions de valeurs différentes pour un même bien, explique l'avis. Comment suivre l'ensemble des taux de conversion de ces monnaies par rapport à son salaire qui est versé dans une autre monnaie ?"

Un statut juridique pour l'ensemble des monnaies complémentaires

Autre risque identifié : la traçabilité des opérations. Pour certaines monnaies, comme le Bitcoin, aucune information n'est donnée, le détenteur de la monnaie n'est même pas connu ! Comment alors s'assurer que le système est fiable, qu'il offre suffisamment de garantie à ses utilisateurs et contribue socialement et fiscalement à la société ?
Face à ces risques, le Cese estime qu'il faut instaurer un statut juridique pour l'ensemble des concepts et des systèmes de monnaies complémentaires. "Il ne s'agit pas d'essayer d'exclure des définitions et des statuts juridiques les nouvelles monnaies mais bien de leur donner, à toutes, un cadre a minima, dans lequel elles puissent se développer", détaille l'avis. Ce statut préciserait les règles de base à respecter en matière de gouvernance, de transparence et de gestion des risques. Il inclurait la nomination d'un responsable, en cas de tromperie, de fraude ou de détournements de fonds, qui devrait être enregistré auprès d'une autorité de contrôle. "Il y a un début de cadrage réglementaire avec la loi ESS," a souligné Pierre-Antoine Gailly, l'idée est d'aller plus loin, en incluant toutes les nouvelles monnaies, y compris les monnaies numériques. Le Cese propose aussi de mettre en place un cadre légal international de régulation de ces monnaies, avec des règles de transparence et de traçabilité, notamment.
Pour les monnaies locales, le Cese considère que le rôle revient aux collectivités territoriales d'accompagner la mise en place de systèmes de garantie et de remboursement au pair. Les collectivités et associations en charge de monnaies locales devraient aussi veiller à garder la possibilité de la conversion de ces monnaies, pour éviter un cloisonnement des personnes impliquées.
Les citoyens étant amenés à participer aux décisions liées aux monnaies locales, le Cese préconise qu'il y ait un effort d'information et de formation auprès d'eux sur les mécanismes monétaires et financiers. Pierre-Antoine Gailly insiste aussi sur le risque de compliquer les relations commerciales si trop de monnaies locales sont disponibles sur un même territoire. "Si vous avez dix monnaies locales dans une ville, cela devient infernal !", a-t-il mis en garde.
Enfin, le Cese estime qu'il faut soutenir les innovations technologiques en matière de solutions de paiement, afin de faire émerger de nouveaux services et de nouveaux modes de consommation.
Dans un rapport remis le 8 avril à Carole Delga, secrétaire d'Etat chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire, Jean-Philippe Magnen, vice-président du Réseau des territoires pour une économie solidaire, propose quant à lui de favoriser le développement des monnaies locales, à travers la création d'un observatoire, la réalisation d'un guide pratiques et le soutien à des initiatives innovantes comme des plateformes régionales autofinancées (voir ci-contre notre article du 10 avril 2015).