Le Brexit redessine le flux des marchandises transmanche
Une "note rapide" de l'Institut Paris Région montre que le flux de marchandises transmanche se redessine sous l'effet du Brexit, offrant notamment de nouvelles perspectives aux ports bretons et normands, dans un contexte de concurrence exacerbée.
Après avoir été réduit de moitié en début d'année, du fait du surstockage des entreprises anticipant les conséquences du Brexit, le trafic de marchandises transmanche – assuré, côté français, hors tunnel sous la Manche, par les ports de Calais (70% du trafic ferries), Dunkerque (21%), Caen (4%), Dieppe, Le Havre, Cherbourg, Saint-Malo et Roscoff – a retrouvé son étiage (90% de son niveau d'avant Brexit en mai), souligne une récente note rapide de l'Institut Paris Région. Et grâce aux nouvelles procédures mises en place (dont l'anticipation des formalités avant le poste-frontière) et aux investissements opérés (zones de stationnement supplémentaires, etc.), la congestion redoutée n'a pas eu lieu. Les chaînes logistiques sont toutefois allongées de plusieurs jours, le tout n'étant pas sans impact sur les coûts des transports.
Essor de la liaison directe France-Irlande
Le Brexit redessine également les flux. Évolution la plus marquante, l'augmentation "notable" du trafic direct entre la France et l'Irlande afin d'éviter les formalités d'un transit par le Royaume-Uni. Et ce malgré un fort allongement des temps de transport, non sans conséquence sur les denrées périssables.
Les ports bretons et normands entendent profiter de ce mouvement, dans un contexte de concurrence exacerbée où chacun rivalise d'investissements pour attraire les compagnies maritimes dans ses filets. Côté français, Cherbourg, déjà premier port transmanche pour les échanges de fret avec l'Irlande, parait le mieux placé, juge l'auteur de la note, Lydia Mykolenko, relevant que trois compagnies y ont déjà revu leurs volumes à la hausse (nombre et taille des navires). Le port pourrait également profiter de la première autoroute ferroviaire de la façade atlantique, dont la mise en service est prévue l'an prochain. Elle la relierait à Bayonne, et serait ainsi susceptible de créer un nouveau corridor entre le Royaume-Uni, l'Irlande et l'Espagne. En Bretagne, les ports de Roscoff et de Saint-Malo espèrent également attirer de nouvelles liaisons, même si Brittany Ferries "est actuellement en difficulté" (voir notre entretien du 27 janvier 2021 avec le président de la région Bretagne).
Calais entend toutefois rester le premier port transmanche. En prévision du Brexit, le port a investi 860 millions d'euros, notamment pour accueillir les ferries de nouvelle génération de plus de 200 mètres de long. Outre que le détroit du Pas-de-Calais offre le plus court passage avec la Grande-Bretagne, il profite de deux terminaux d'autoroute ferroviaire le reliant avec l'Espagne, l'Italie et Perpignan. Un atout précieux alors que "la qualité des dessertes terrestres multimodales – et donc ferroviaires – est un facteur de compétitivité important des ports maritimes", insiste la note.
Rééquilibrage en faveur de l'axe Seine ?
Si Dieppe, Caen et Le Havre n'ont de liaisons qu'avec l'Angleterre et "si plus de 80% des liaisons transmanche sont concentrées dans le détroit du Pas-de-Calais", l'auteure estime pour autant que le Brexit constitue "une belle opportunité pour permettre au port du Havre de reconquérir une place parmi les ports de la rangée Nord [du Havre à Hambourg], à condition de mettre en place des chaînes logistiques massifiées dans l’axe Seine". La création, le 1er juin dernier, du grand port fluviomaritime (voir notre article du 21 mai 2021) est "un levier supplémentaire", souligne-t-elle, pariant sur le fait que "le corridor Seine devrait permettre un rééquilibrage des voies d’approvisionnement de l’Île-de-France entre le port du Havre et celui d’Anvers, entre l’axe Seine et l’axe Nord".