Le bâtiment se pose en "fer de lance" de la relance
Considéré par Bruno Le Maire comme "vital au redressement du pays", le bâtiment doit se réinventer. Pour relever les challenges notamment de la transition énergétique et numérique, la Fédération française du bâtiment (FFB) a donné le 15 octobre le coup d’envoi des États généraux de la construction sur le thème des Bâtisseurs du futur. La FFB se donne neuf mois pour bâtir un plan d’actions qui sera présenté en juin 2021.
Depuis la présentation de France Relance début septembre, la question est récurrente : comment transformer le plus vite possible les 100 milliards d’euros du plan de relance en activité pour les entreprises ? Le bâtiment est en première ligne de cette course contre la montre. Intervenant par vidéo lors du lancement des États généraux de la construction par la FFB le 15 octobre, Bruno Le Maire a assuré que le bâtiment devait "être le fer de lance de France Relance".
Une injonction qui colle à la réalité d’un secteur qui se porte mieux que les autres et qui a plutôt une bonne image auprès de la majorité des Français (83%), comme l’a révélé Brice Teinturier, directeur général délégué de l’institut Ipsos. Ainsi, près d’un Français sur deux (44%) et près du tiers des femmes pourraient d’ailleurs envisager de travailler dans le bâtiment. Son attractivité vient, toujours selon l’enquête Ipsos, de son dynamisme, de sa contribution à la valorisation du patrimoine, de sa capacité à créer des emplois notamment locaux et à innover, mais aussi de sa participation à la transition écologique.
"Un secteur d’avenir"
Pesant déjà de tout son poids dans l’économie nationale (2 millions d’actifs, 15% du PIB), le bâtiment se présente dès lors comme "un secteur d’avenir". "En dépit d’une baisse d’activité de 88% pendant le confinement, les professionnels du bâtiment ont su rebondir vite et fort", a fait valoir le ministre de l’Économie et des Finances qui a assuré du soutien du gouvernement le secteur promettant notamment une simplification d’un certain nombre de règles pour "construire plus vite".
Les professionnels de la construction dénoncent en effet régulièrement la lenteur des procédures d’urbanisme accentuées par la période des municipales, sans compter les recours des riverains. Face à l’ambiguïté du rôle du maire qui doit à la fois délivrer les permis de construire et assumer l’impopularité que des nouvelles constructions peuvent engendrer auprès de ses administrés, Brice Teinturier a suggéré que les permis de construire soient accordés par "des instances plus éloignées du local". Une suggestion balayée d’un revers de la main par Emmanuelle Wargon, venue clôturer la manifestation. Pour la ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée du logement, la délivrance des pemris de construire doit "rester de la compétence des maires qui en ont la légitimité étant élus au suffrage universel".
Dématérialisation des procédures d’urbanisme : des outils en 2021
Bruno Le Maire a rappelé que le projet de loi Asap (simplification et accélération de l’action publique) prévoit un assouplissement des règles de la commande publique en faveur des PME (part minimale d’un marché global confiée à des petites entreprises et artisans) et dispense d’appel d’offre les marchés publics inférieurs à 100.000 euros contre 40.000 euros, comme l’avait demandé la FFB.
Emmanuelle Wargon a de son côté annoncé la création d’un comité de pilotage sur la dématérialisation des procédures d’urbanisme et que des outils devraient être présentés au cours du premier semestre de 2021. La ministre a également fixé des objectifs ambitieux de rénovation énergétique des logements grâce à MaPrimeRénov, à savoir passer de 150.000 en 2020 à 500.000 logements rénovés dès 2021 auxquels s’ajoutent les CEE (certificats d’économie d’énergie). Mais il s’agit de rénovation complète et pas de "gestes de rénovation" (changer une chaudière par exemple) dont le nombre s’est élevé à 1,3 million entre janvier 2019 et juin 2020. Pour savoir de quoi l’on parle précisément, un observatoire de la rénovation énergétique des bâtiments doit être également créé.
Mais alors que le plan de relance consacre un budget de 7 milliards d’euros à cette action, soit autant de commandes pour le bâtiment, Bruno Le Maire a enjoint les professionnels à maintenir les embauches d’apprentis au niveau de 2019 (60.000 dans le bâtiment) et multiplier les formations entre autres sur le secteur de la rénovation énergétique.
Entre "sobriété foncière" et "densité intelligente"
Regrettant la faiblesse de MaPrimRénov (aide plafonnée à 10.000 euros) et l’absence du soutien à la construction neuve dans France Relance, Olivier Salleron, le président de la FFB, s’est engagé à tenir l’objectif quantitatif en termes d’apprentissage, soulignant au passage que le secteur a conservé ses emplois sédentaires. Reste à régler les difficultés récurrentes de recrutement dans les métiers du bâtiment, mais aussi de monter en compétences afin d’intégrer les nouvelles technologies ce qui requiert également un "important travail à effectuer pour faire évoluer les référentiels de l’Éducation nationale".
Outre les ressources humaines, les entrepreneurs listent comme principaux écueils pour assurer leur plan de charge la digitalisation du secteur, la construction bas carbone, le recyclage des déchets et l’arrêt de l’artificialisation des sols alors que le foncier manque. Grégory Monod, président du pôle habitat de la FFB, préconise la "sobriété foncière" qui consiste à déterminer quel espace il est possible de consommer et comment, pour y faire quel type de construction. Tandis qu’Emmanuelle Wargon invite à accepter que cette exigence soit une contrainte et à "être inventif pour faire avec", rappelant que le plan de relance consacre 300 millions à la réhabilitation de friches urbaines, industrielles et commerciales. "Il faut également accepter de faire de la densité intelligente", a ajouté la ministre déléguée chargée du logement, ajoutant que des aides aux maires sont également prévues dans France relance à cet égard.
Le rôle des élus locaux
Au final , si tout l’enjeu consiste à convaincre les Français de faire des travaux à la fois pour soutenir l’économie et tenir les engagements de sobriété énergétique d’ici à 2050, les élus locaux ont aussi un rôle à jouer. "Le paradoxe de la situation actuelle est que les élus locaux ont conscience de la nécessité de faire un plan de relance mais beaucoup moins de son urgence", a souligné Grégory Monod. Redoutant une baisse de leurs ressources, ils seraient de plus réticents à emprunter pour financer des projets.
Dans ce contexte d’incertitudes et de profondes mutations, les États généraux de la construction doivent tracer la route du secteur pour les années à venir et aboutir à l’élaboration d’un plan d’actions qui sera présenté lors du congrès de la FFB à Lyon en juin 2021 et soumettre des mesures aux candidats aux présidentielles de 2022.