L'avenir de la TNT en question
Le nombre d’utilisateurs de la télévision numérique terrestre est en chute libre. Une évolution qui conduit l’Arcep à lancer une consultation sur l’avenir de cette technologie… régulée par le CSA. En encadré : l'annonce de la suppression de France 4 de la TNT fait craindre des impacts économiques dans la "Cartoon Vallée" française.
L’observatoire de l'équipement audiovisuel des foyers du CSA révélait fin mai que "pour la première fois, la réception par internet de la télévision rejoint la réception hertzienne terrestre avec 55% de taux de pénétration dans les foyers". Rejoint ou… dépasse comme le fait remarquer l’Arcep dans un document baptisé "bilan et perspectives" publié dans le cadre de son cycle d’analyse de marché. En effet, la TV par internet a croisé la courbe de la TNT début 2017 pour la dépasser de 5 points en fin d'année. Un phénomène qui est, pour l’autorité, la conséquence directe de l’accélération du déploiement des réseaux très haut débit et de l’évolution des pratiques des consommateurs qui plébiscitent la télévision à la demande ou de "rattrapage".
Satisfaire les besoins en fréquences des télécoms
Le déclin de la TV traditionnelle conduit le régulateur des télécoms à estimer que "le maintien d’une régulation concurrentielle de la seule TNT ne semble plus pertinent". En clair, l’autorité réitère son souhait de réguler l’ensemble des réseaux de diffusion numériques, filaires ou hertziens. Il faut dire que côté télécoms, les besoins en fréquences des opérateurs explosent avec des taux de croissance à deux chiffres pour la consommation de données mobiles et l’arrivée prochaine de la téléphonie 5G. Si le ministère de l’Intérieur a récemment libéré des fréquences pour démarrer les expérimentations 5G, de nouveaux besoins devraient émerger dès 2019.
L’autorité se garde cependant de vouloir signer l’arrêt de mort de la TNT et rappelle que la Commission européenne a jugé nécessaire de sécuriser les fréquences affectées à la TNT jusqu'en 2030. Elle se borne, pour le moment, à lancer une consultation des acteurs. "Nous voulons préparer l'avenir du secteur audiovisuel, pas tirer sur une ambulance ! Nous lançons simplement un appel à regarder la réalité en face et à en tirer toutes les conséquences", s’est justifié Sébastien Soriano dans une interview aux Echos publiée le 20 juin. Une piste évoquée par l’Arcep serait de réduire les obligations de couverture des chaines, fixées aujourd’hui à 95% de la population, tout en poussant les solutions de diffusion alternatives : réseaux FTTH et satellite. Et de souligner qu’aujourd'hui, "on paye deux réseaux : la TNT et les télécoms. On pourrait éviter cette double dépense".
Un quart des foyers n'ont que la TNT
Si l’accès à la télévision haute définition fait partie des arguments de commercialisation des réseaux d’initiative publique, il n’est pas certain que le président de l’Arcep soit suivi par tous les élus. Car comme le fait remarquer le CSA, "la TNT est l'unique mode de réception pour 24% des foyers et plus de la moitié des foyers l'utilise dans deux-tiers des régions", avec sans doute des profils socio-démographiques très différents des utilisateurs de la TV de rattrapage.
A la TNT est enfin associé un modèle de financement de la création audiovisuelle - les obligations de production font partie du cahier des charges des chaînes de la TNT - qu’il faudrait totalement réinventer. Autant de questions qui ne manqueront pas d’être abordées par les contributeurs. La consultation de l’Arcep est ouverte jusqu’au 10 septembre 2018, l’Arcep en établira une synthèse soumise à l’avis du CSA et à de l’Autorité de la concurrence.
ALAIN ROUSSET ALERTE SUR LES IMPACTS DE LA SUPPRESSION DE FRANCE 4 DE LA TNT SUR LA "CARTOON VALLÉE"
Alain Rousset s'inquiète de la décision du gouvernement de supprimer la chaîne France 4 de la TNT, pour un repli exclusif en ligne, dans le cadre de la réforme de l'audiovisuel public (voir
notre article du 6 juin 2018). "Il est difficilement concevable que France Télévisions puisse priver France 4 d'une diffusion linéaire sur le hertzien et se couper ainsi du jeune public des 4-10 ans, qui ne feront pas la bascule dans l'univers numérique", fait valoir le président président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine. "La force d'un service public sans publicité pour les enfants, garante d'une offre protégée, ne doit pas laisser la place à une diffusion privée, notamment américaine", ajoute-t-il.
L'enjeu est également économique. France 4 représentant 3.800 heures d'animation par an, elle constitue un débouché primordial pour la "Cartoon Vallée" de Nouvelle-Aquitaine. Ce territoire, situé entre Angoulême et Bordeaux, abrite plus de 40 studios employant 1.200 salariés (soit 75% de plus en 5 ans) et plusieurs écoles spécialisées accueillant 1.500 étudiants.
La région et le département de Charente investissent plus de 3 millions d'euros par an (1,75 million d'euros et 1,4 million d'euros respectivement par collectivité) en matière d'aide à la création et à la production pour l'animation. "Déstabiliser cet écosystème par un choix non-concerté, c'est fragiliser des entreprises sur l'ensemble du territoire, qui verront la commande de programme baisser, alors que ces entreprises ont relocalisé la fabrication en France", s'inquiète Alain Rousset. Il demande que les Régions de France puissent, aux côtés du Syndicat des producteurs de films d'animation (SPFA), être reçues en urgence par les membres de la mission de concertation "Réforme de l'audiovisuel public" nommés par la ministre de la Culture.
V.L.