Elus - L'Assemblée adopte la réforme des collectivités à une courte majorité
Ca y est. L'Assemblée nationale a adopté en première lecture, ce mardi 8 juin en fin d'après-midi, le projet de loi de réforme des collectivités, après les explications de vote des quatre groupes politiques – celles de Michel Piron (UMP), Bernard Derosier (SRC), André Chassaigne (GDR) et François Sauvadet (NC). L'ont adopté… mais à une faible majorité : 276 voix pour, 240 voix contre et 49 abstentions. Soit les seules voix de l'UMP – et pas de toute l'UMP, 26 élus du parti majoritaire s'étant abstenus et huit autres ayant voté contre. Toute la gauche (PS, PCF et Verts) a voté contre le texte et le Nouveau Centre s'est abstenu, exprimant un certain nombre de "regrets" et protestant notamment contre le mode de scrutin finalement retenu pour le futur conseiller territorial. Ce résultat préfigure un vote encore plus délicat à l'issue de la seconde lecture au Sénat.
Cette première lecture a mobilisé les députés durant plus de 50 heures. A elle seule, la discussion générale aura duré plus de 19 heures, ce qui constitue dans l'histoire de la République "un record historique", indique le secrétaire d'Etat aux Collectivités locales.
Entre les premières réunions des commissions et le vote final dans l'hémicycle, un mois s'est écoulé. Comme au Sénat, le passage en commission des lois a été décisif, permettant de préciser le mode de scrutin et le nombre des conseillers territoriaux, mais aussi le redécoupage des cantons, les compétences et la fiscalité des métropoles. Autant de questions sur lesquelles les débats en séance ont réservé peu de surprises. Moins verrouillées, les discussions sur le volet intercommunal ont, elles, donné lieu à de nombreuses évolutions, notamment par rapport à la version du texte votée en commission. Cela, principalement sous l'impulsion de Jacques Pélissard, député et président de l'Association des maires de France (AMF). Sur les communes nouvelles, la définition de l'intérêt communautaire, le transfert des compétences aux communautés ou la "DGF territorialisée", la principale association d'élus locaux a défendu avec succès la place des communes, obtenant donc un retour aux dispositions votées par le Sénat, très favorables aux communes.
C'est par ailleurs dans l'hémicycle que le gouvernement a fait voter des ajustements visant à répondre aux critiques formulées depuis plusieurs mois sur les nouvelles modalités concernant les financements croisés et la question de la parité entre les hommes et les femmes.
Les regards vont à présent se tourner rapidement vers le Sénat, où le texte est attendu à partir du 28 juin. Le texte pourrait alors revenir dans la foulée à l'Assemblée nationale, pour une adoption définitive avant la fin de la session extraordinaire. A l'approche de nouvelles élections sénatoriales et cantonales, le gouvernement est visiblement pressé d'en finir avec les débats.
Le conseiller territorial
Le projet de loi règle la question du mode de scrutin pour l'élection des conseillers territoriaux, alors que celle-ci devait initialement être traitée dans un prochain texte. Exit le scrutin mixte à un tour, qui faisait quasiment l'unanimité contre lui. Retour aux fondamentaux ! Les conseillers territoriaux seront élus, en 2014, selon le scrutin uninominal majoritaire à deux tours qui prévaut aujourd'hui pour l'élection des conseillers généraux. Les triangulaires ne seront pas supprimées, comme le réclamait l'UMP, mais le seuil requis pour se maintenir au second tour de l'élection sera de 12,5 % du nombre des électeurs inscrits - contre 10% actuellement pour l'élection des conseillers généraux (lire notre article du 25 mai). Un tableau annexé au projet de loi (à consulter ici) prévoit le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et région (lire notre article du 26 mai). Au total, 3.471 conseillers territoriaux remplaceront les 5.660 conseillers généraux et régionaux. Globalement, le nombre des élus sera réduit de 39%, ce qui n'empêche pas ici ou là une hausse importante du nombre des élus (trois conseils régionaux voient leur effectif multiplié par plus de 2,5). Le redécoupage des cantons interviendra par décret en Conseil d'Etat. Il s'effectuera à partir de la carte cantonale existante et respectera les limites des circonscriptions législatives. Toute commune dont la population est inférieure à 3.500 habitants sera entièrement comprise dans le même canton. Selon un amendement de la commission des lois, deux chefs-lieux de cantons pourront conserver leur statut lorsque les deux cantons fusionnent.
Mesures en faveur de la parité hommes femmes
Guère favorables à la parité entre les hommes et les femmes, les modalités d'élection des conseillers territoriaux étaient très critiquées et risquaient la censure du Conseil constitutionnel. Face à cela, le gouvernement a prévu la désignation d'un suppléant du sexe opposé à celui du titulaire élu – ce schéma s'appliquera d'ailleurs aussi aux délégués communautaires. Dans le cas précis des conseillers territoriaux, le suppléant sera appelé à remplacer le titulaire "si son siège devient vacant pour quelque cause que ce soit".
De son côté, le rapporteur Dominique Perben a introduit des sanctions financières pour les formations politiques ne présentant pas suffisamment de candidates aux élections territoriales (de même, d'ailleurs, que les modalités d'un financement de la vie publique locale).
Métropoles
Comme l'espérait le gouvernement, les députés ont "musclé" les métropoles. La région transférera à la métropole sa compétence en matière de promotion à l'étranger du territoire et de ses activités économiques. Par ailleurs, l'EPCI - qui regroupera au moins 450.000 habitants - exercera des compétences actuellement assumées par les départements. Notamment les transports scolaires et la gestion des routes départementales, qui lui reviendront "de plein droit". Un amendement du rapporteur transfère aux métropoles la taxe foncière sur les propriétés bâties des communes membres (pour plus d'informations, lire notre article du 21 mai).
Intercommunalité
La carte intercommunale devra être achevée avant le 30 juin 2013, soit six mois avant l'échéance fixée par les sénateurs.
Pour tous les projets modifiant d'ici à juin 2013 la carte intercommunale, les communes seront consultées. Le projet pourra être mis en œuvre s'il a recueilli l'accord de "la moitié au moins des conseils municipaux des communes intéressées, représentant la moitié au moins de la population totale de celles-ci". L'avis favorable du conseil municipal de la principale commune est indispensable si cette dernière représente au moins le tiers de la population totale concernée.
Dans deux cas (création d'un EPCI et transformation de l'EPCI existant en communauté d'agglomération, communauté urbaine ou métropole avec une extension du périmètre intercommunal), la commune dont la population est la plus nombreuse dispose d'un droit de veto, mais, pour cela, il faut que sa population représente plus du quart de la population du futur ensemble.
Dans le rapport annuel que l'EPCI adresse chaque année aux maires, celui-ci devra désormais retracer "l'utilisation des crédits engagés par l'établissement dans chaque commune".
La mise en place de services communs au sein de l'intercommunalité s'effectuera sur la base du principe de la mise à disposition des agents et non de leur transfert automatique, principe qui s'avérait inadapté.
Les agents exerçant des fonctions de direction dans une commune ou travaillant comme collaborateur d'un maire ne peuvent être en même temps élus dans une des communes de l'intercommunalité (notre article du 31 mai).
Clarification des compétences et financements croisés
Les sénateurs renvoyaient à un texte ultérieur le soin de préciser la répartition des compétences entre les collectivités territoriales. Sur ce point, les députés ont préféré rendre le projet de réforme des collectivités directement opérationnel. Les nouvelles dispositions entreront en vigueur le 1er janvier 2012. Les compétences partagées entre les collectivités font l'objet d'une reformulation. Elles concernent désormais le "tourisme", la "culture" et le "sport".
Dans les six mois suivant les élections territoriales, les départements et la région "peuvent" élaborer un schéma fixant les conditions d'organisation et de mutualisation de leurs services.
Les règles encadrant les financements croisés sont assouplies. Les communes de moins de 3.500 habitants et les EPCI à fiscalité propre de moins de 50.000 habitants doivent financer au moins 20% du montant total de leurs projets. Ils peuvent continuer à bénéficier de subventions conjointes du département et de la région. Les autres collectivités et groupements doivent apporter au moins 30% du financement. Les départements et la région ne peuvent leur accorder conjointement une subvention, sauf s'il s'agit d'une subvention de fonctionnement dans l'un des domaines relevant des compétences partagées citées ci-dessus. À compter du 1er janvier 2015, cette exception est conditionnée par l'adoption par les départements et la région du schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services.
Thomas Beurey / Projets publics