L'Assemblée adopte en première lecture la proposition de loi sur le patrimoine sensoriel des campagnes
Si quelqu'un l'a mis au courant, le coq Maurice (voir nos articles ci-dessous du 5 juillet et du 5 septembre 2019) a dû faire la fête dans son poulailler : le 30 janvier, l'Assemblée nationale a en effet adopté, en première lecture, la proposition de loi "visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises". Le texte a été déposé, en septembre dernier, par Pierre Morel-À-L'Huissier, député (apparenté UDI, Agir et Indépendants) de la Lozère, et une cinquantaine de députés issus de différents groupes de l'Assemblée : UDI et Indépendants, LR, Mouvement Démocrate, Libertés et Territoires (voir notre article ci-dessous du 19 septembre 2019).
La proposition de loi a été adoptée à l'unanimité et le compte-rendu des débats occupe très exactement cinq lignes. L'adoption du texte – dans une séance consacrée également à sept autres propositions de loi – s'est faite en effet selon la procédure dite d'examen simplifié. En outre, en l'absence de tout amendement sur le texte de la commission, l'adoption a eu lieu sans aucun débat. Le compte-rendu se résume donc à la mise aux voix du texte par la présidente de séance et à une interjection de Jean-Luc Warsmann, député (UDI, Agir et Indépendants) de la Moselle et pilier des séances publiques, avant cette mise aux voix : "C'est très important !".
Cette grande facilité, pour ne pas dire indifférence, dans l'adoption de la proposition de loi s'explique aussi par le fait que la nouvelle rédaction, issue du passage en commission des affaires culturelles et de l'éducation, a été très fortement modifiée par rapport à la rédaction initiale, très fragile sur le plan juridique et technique. Le texte adopté se contente en effet d'ajouter, à l'article L.110-1 du Code de l'environnement, "les sons et odeurs qui les caractérisent" aux "espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins" qui "font partie du patrimoine commun de la nation".
Le texte précise aussi que les services régionaux de l'inventaire général du patrimoine culturel "contribuent, dans toutes les composantes du patrimoine, à étudier et qualifier l'identité culturelle des territoires". S'en suivent, selon une mauvaise habitude de la légistique contemporaine, deux paragraphes purement proclamatoires, expliquant notamment que "dans les territoires ruraux, les inventaires menés contribuent à connaître et faire connaître la richesse des patrimoines immobilier et mobilier conservés, leur relation avec le paysage et, dans leur diversité d'expressions et d'usages, les activités, pratiques et savoir-faire agricoles associés".
Enfin, selon un autre procédé classique, un dernier article demande au gouvernement de remettre au Parlement, dans les six mois, "un rapport examinant la possibilité d'introduire dans le Code civil le principe de la responsabilité de celui qui cause à autrui un trouble anormal de voisinage", ce qui était pourtant l'objet initial de la proposition de loi. Ce rapport devra également étudier "les critères d'appréciation du caractère anormal de ce trouble, notamment la possibilité de tenir compte de l'environnement". Dans ces conditions, il est fort probable que force restera finalement à la jurisprudence...
Références : proposition de loi visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises (adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale, le 30 janvier 2020).